chez Quidam éditeur, mars 2021, 346 pages, 22 euros
“ une lecture qui n'est pas neutre... ”
Je recycle ici une remarque un peu mystérieuse (même pour moi) que j'avais faite à propos du premier livre d'Erwan Larher que j'ai lu en février 2015 et qui était son quatrième roman (Entre toutes les femmes).
Je l'ai cherchée et retrouvée parce que la lecture d'Indésirable, et la particularité de Sam, le personnage central, me rappelaient quelque chose, mais quoi ?
Bingo, elle colle parfaitement pour ce huitième roman, qui ne ressemble pourtant pas aux précédents, qui eux-mêmes ne se ressemblaient pas entre eux !
Pour le pitch, le synopsis, l'accroche, caressez l'image de la couverture qui offre déjà un indice : vous lirez la quatrième de couverture, et la bio de l'écrivain. Dans la suite, je livre des impressions et réflexions de lecture, un peu en vrac.
Par ailleurs c'est une marque de fabrique d'Erwan Larher : les correspondances entre ses romans, les personnages qui font un cameo de l'un à l'autre, le héros de l'un qui fait silhouette dans l'autre et lycée d'Antony ; c'est pour ça que je les ai presque tous les huit (manquent ceux que j'ai prêté à ma sœur) sur une étagère de ma bibliothèque (pas loin de celle de Calet, voir infra) !
Et ça me rassure pour Sam : je parie qu'iel réapparaîtra un jour prochain entre des lignes encore à écrire (pardon, je divulgâche un peu, mais moins que d'autres). C'est peut-être un truc d'écrivain pour fidéliser les lecteurs qui aiment bien les surprises, en tout cas, ça marche pour moi !
Une autre spécialité d'Erwan Larher : les cameos de potes écrivains ; cette fois, encore plus subtil, c'est le personnage (mais tellement plus qu'un personnage) du formidable roman éponyme de Martin Mongin qui prend corps dans Indésirable : Francis Rissin, le polymorphe génial, réincarné en Erwan Lahrer, écrivain !
Si vous n'avez pas suivi, c'est pas grave... j'ai été bluffée par ce nœud de vraies-fausses références intriquées qui cache peut-être quelque chose de plus subtil que l'admiration généreuse d'un écrivain pour le travail de ses pairs.
J'entends votre méfiance persifler d'ici : ça sent l'entre-soi, que ce soit entre romanciers d'une même génération (et tous publiés chez des éditeurs indépendants — pas si “petits” que ça — tiens, tiens), ou entre lecteurs fanatisés et lectrices groupies. Faux, archi-faux. Et même si c'était (un peu) vrai... c'est un bonheur de découvertes et de retrouvailles, alors tant pis pour vous si vous ne voulez pas en profiter.
Quoi, vous râlez encore ? Comment ça je dis rien sur ce roman ? Je ne fais que ça, relisez-moi !
OK alors, pour celles et ceux qui n'ont pas encore compris : j'adore ce Larher-là, je l'attendais, je le relirai pour y trouver d'autres surprises, clins d’œil et références détournées. Pour y retrouver aussi l'ambiance du village de Saint-Airy, plus intéressé par le tournage d'une émission de téléréalité dans ses murs que par le projet porté par Sam pour valoriser un patrimoine architectural décati ; les magouilles municipales, les réactions des Saint-Airois à “l'étrangeté” de Sam, les alliances qui se renforcent ou se retournent. Et voir comment à partir du Turning Point (titre du chapitre central), le roman prend d'autres couleurs, plus dramatiques, aventureuses, fantastiques...
Sachez quand même (surtout si vous n'en avez encore jamais lu) qu'Indésirable est une pierre d'un tout en construction, d'un édifice mythologique et littéraire qu'Erwan Larher compose patiemment, intelligemment. Vite chez vos libraires (profitez des rééditions récentes en poche) !
Vous êtes restés ? Chouette. Alors je me calme et je continue. J'ai déjà pas beaucoup de lecteurs de ce blogue, je vais veiller à ne pas les agresser !
Erwan Larher possède une écriture très reconnaissable.
Il y a par exemple son amour irréfragable pour les mots peu usités. J'ai pris l'habitude de les recopier en marge de mes notes de lecture manuscrites, pour le plaisir d'aller les “visiter” après coup (je note aussi la page). Il y avait cette fois entre autres : adamantin, amplective, amuïr, mofette, orpiment, palingénésie, perspicuité, siccité affective, sycophante, etc. ; je pense que désopilé fait partie des néologismes !
Une leçon d'humilité aussi : il y en a beaucoup que j'avais déjà rencontrés en lisant Larher, décodés, et oubliés...
J'ose lui faire une suggestion : publier bientôt un lexique des mots rares qu'il a dégoté depuis qu'il est entré en écriture !
À tout ça il a superposé dans la narration d'Indésirable une grammaire nouvelle pour le neutre (accords en genre, conjugaison de la troisième personne, etc.) !
Et ça marche parce que c'est fait sérieusement, sur des bases quasi académiques, tout en restant ludique.
Je reconnais que cela m'a un peu intimidée et paralysée pour vous parler d'Indésirable.
Difficile de trouver des angles de présentation originaux après ça. Ça explique aussi le ramassis de commentaires variés que vous avez la bonté de consulter.
Bonus bonheur : il y a aussi dans ce numéro du Matricule des Anges, une page sur Calet (d'où la remarque sur mes étagères, supra : Larher, Calet, deux amours de ma... bibliothèque ; rassurez-vous, il y en a d'autres), et beaucoup d'idées de lecture si vous en manquez !
À propos de notoriété littéraire. Erwan Larher confie au journaliste qui l'interroge que son succès est “familial”, voulant sans doute dire qu'il est lu dans un entourage amical limité. Fausse modestie ou vraie préoccupation ? En tout cas, dans mon entourage familial à moi, je fais lire Larher depuis que je l'ai découvert, et on m'en redemande ! Alors, d'un réseau de lecteurs à un autre, ça va commencer à faire flaque d'huile, non ?
>> elles, ils, et iels en parlent aussi :
- sur Babelio
- [à compléter]
>> d'autres notes où il est question d'Erwan Larher et de ses livres (catégorie en lien)