Je dormais depuis un bon quart d’heure la nuit dernière – mais alors très profondément – quand mon téléphone a sonné. Mon Indien préféré. J’ai bondi dans le lit. Et oui, les nouvelles n’étaient pas bonnes.
La pharmacie avait livré un et il était bloqué à 70 – sachant que tu hospitalises à 85. J’ai essayé avec mon doigt et j’étais au-dessus de 95. Il a réessayé, 70 à nouveau. Nous avons téléchargé une appli sur mon iPhone mais rien de conclusif, à part que je suis toujours en pleine santé.
Là, nous avons commencé à beaucoup moins rigolé. Et voici la liste des gens qui ne répondent pas au téléphone à 2 heures du matin :
- - Le service d’urgence de l’ambassade de France (appelé à 3 reprises).
- - Notre ami chirurgien orthopédique – qui nous a sauvé la vie lors de la circoncision de notre fils et qui nous aide actuellement comme personne – dont la femme a aussi le Covid.
- - La cellule de soutien de notre résidence, qui est censée garder des bonbonnes d’oxygène – le seul type des 3 responsables que nous avons réussi à joindre nous a dit que les-dites bonbonnes étaient parties pour recharge.
Maintenant, voici qui répond au téléphone à 2 heures du matin :
- - Tous les hôpitaux de Gurgaon, pour te dire qu’ils sont pleins.
- - Un ange tombé du ciel, une médecin française mariée à un Indien, que j’ai rencontrée virtuellement via mon blog. On ne s’est jamais vues mais sans elle je ne sais pas comment j’aurais pu arriver au bout de la nuit. Elle a partagé tout un tas de contacts pour nous essayer à trouver un lit et des bonbonnes d’oxygène.
- - Un de ses contacts a répondu ; malheureusement, il ne savait pas où trouver un lit et a un peu craqué au téléphone : il venait de perdre son frère au Covid. La nuit s’annonçait très longue.
- - Un autre de ses contacts nous a dit d’aller à un campement militaire (DRDO) monté pour l’occasion et qui accueille les civils.
Nous voilà partis dans les rues vides – pour cause de couvre-feu –, les rares voitures de flics ne nous arrêtant pas. J’ai d’ailleurs réussi à éviter de m’emplafonner un camion de poulets sur l’autoroute. Des poulets à manger.
Et bien ce centre qui vient de rouvrir est plein. Les admissions sont fermées. Ils ne prennent que les patients à moins de 40 d’oxygène. Il nous restait l’option de la crise de l’étrangère qui perd les pédales – mais si je sentais un peu de curiosité, pas vraiment d’empathie de leur part. Ou de filer des biftons, que nous n’avions pas et en plus mon Indien préféré et moi on ne sait pas vraiment faire ça et enfin il y avait des militaires partout, qui arroser pour passer cette porte cadenassée?
Sur le chemin du retour, mon Indien préféré s’est mis à faire des exercices de respiration – sachant que c’est un peu son dada quand même, le yoga, la respiration, la méditation. Et le taux d’oxygène a commencé à remonter en flèche. Et la pression à retomber. Tout doucement. Nous sommes donc rentrés à la maison.
Au matin, tout le monde répondait au téléphone. Un ami du mari de l’ange sus-mentionnée nous a envoyé un saturomètre de marque – en refusant que nous le payons, j’en ai pleuré, mais à ce stade, je te le dis, je pleure pour rien ; j’ai réussi à ne pas trop craqué la nuit dernière, et je peux difficilement faire mieux. Et bien si tu compares les 2, le nouveau saturomètre est stable, même pour les battements du corps, et monte à 98.
Il a fait une radio des poumons de bon matin qui est plutôt bonne.
Il passe ses 4 heures par jour sur le ventre, fait des étirements, essaye de marcher dans sa chambre. Nous avons reçu tout un tas d’exercices à faire pour se maintenir. C’est viral sur les réseaux, puisqu’il faut bien survivre à la maison désormais.
Merci à tous ceux qui nous aident, d’une manière ou d’une autre. Et qui m’ont aidée à aller au bout de cette grande nuit de solitude…
Corona, coronavirus, virus, covid, covid-19, Inde