Isabelle Alentour, Makapansgat par Philippe Leuckx

Publié le 21 avril 2021 par Angèle Paoli

Q ue la perception d'une pierre-visage donne lieu à une phénoménologie poétique du quotidien, c'est la trouvaille heureuse de ce livre, dont le point de départ est ce galet australopithèque qui représente un visage.

Quand l'âge vient et que la solitude pèse, on aimerait tant " conserver " des visages pour anéantir l'absence qui gagne.

Dans ce recueil tendu comme une corde de tendresse à l'adresse du monde, la poète consigne un quotidien revisité par la grâce d'une attente, d'une forme. Qui sait ? D'un inconnu qui viendrait dans sa vie.

Certains jours je n'ai pas le courage de penser

J'observe le monde

J'aimerais savoir nommer chaque chose

Ma main tout près de lui

sans le toucher

mon regard au contraire

La poète qui se tient " à l'aplomb de la blessure " sait atteindre le visage de l'autre, le marquer au sceau de l'inédite confiance ; elle fait halte dans la nuit pour que tout puisse revenir ; elle en garde " de petits cristaux de sel " et ce goût de l'enfance, du " partage de [s]on rire dans les embruns ".

Quatre parties dans le recueil comme une progressive appropriation de l'autre, avec les questions, les réponses, les tressaillements ; l'écriture alterne les " je ", " tu ", les impératifs doux, l'intimité des formes et de l'écoute du plus âpre en nous :

Entre les lèvres du regard

la vitre embuée de nos solitudes

Dans un sens de l'altérité retrouvée, le poème signe son périple : du galet initial à la conque que le poème offre quand il panse la solitude éprouvée.

Un très beau livre, dont on sort revivifié.


Philippe Leuckx
D.R. Texte Philippe Leuckx
pourTerres de femmes