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Beauté cruelle…

Publié le 29 avril 2021 par Ivanoff @ivanoff

Jadis, quand ils étaient petits, j’imaginais mal un jour vivre sans mes enfants à mes côtés, pour la jeunesse « plus tard » semble si loin que l’instant présent en devient éternel. Cependant, mine de rien, le temps chemine et nous prend par la main. Il nous entraine vers d’autres lendemains, qui, insidieusement nous confisquent ce qui nous paraissait essentiel, et que par la force des choses, nous apprendrons à chérir à distance. Les minots devenus grands s’éloignent à leur tour, comme nous-mêmes bien des années auparavant. Curieusement cela se fait sans heurts, sans drame, la nature est ainsi faite que les années transforment nos quotidiens sans presque qu’on s’en aperçoive ! Un beau matin il faut bien constater que la maisonnée s’est toute recroquevillée et que sur une main suffissent seulement deux doigts pour compter ceux qui sont restés… Il arrive parfois que la vie ait décidé que vous devriez affronter seule tout ce reste de ce temps « inhabité », je vous laisse alors deviner à quel défi vous allez devoir vous confronter…

Les voyages ne forment pas que la jeunesse, or, quand quelque raison que ce soit en limite le périmètre, ils se résument en jolis trajets dans la campagne environnante, parfois un peu plus loin, là où nos « petits » ont fait leur nid et où une nouvelle couvée grandit. Chaque échappée belle devient un de ces bonheurs joyeux qui augurent de tendres retrouvailles au long cours. Les jours subitement raccourcissent, nous laissant chaque soir étonnés de n’avoir pu en faire davantage…

Quand on s’éloigne de chez soi pour aller se poser un moment un peu plus loin, on emporte toujours dans sa valise un peu de ce qu’on a quitté pour, dans une chambre généreusement prêtée, se créer un petit coin bien à soi. Une réassurance, ou quelque chose comme ça, quand on a décidé d’aller fouler l’herbe qu’ailleurs on croit toujours plus verte, ou qu’on se rapproche de ceux qu’on a appris à aimer de loin… Un peu comme une caverne où s’abriter pour s’écarter provisoirement du monde, retrouver le silence et la solitude qu’on s’est habitué à côtoyer… C’est un curieux mélange qu’induit le manque que cette impatience à vouloir se fondre en eux tout en gardant ce besoin de s’en extraire pour s’obliger à constater sans amertume, mais avec étonnement, tout ce sur quoi les années ont sournoisement mis la main dans leurs galops effrénés !… Peut-être aussi pour ne pas oublier que nous ne sommes jamais que de passage, afin de ne pas confondre « aujourd’hui chez eux » avec ce qu’ « hier fut chez moi ».

La « vieillesse » la mieux vécue exige vraiment ce recul, rien de ce qui m’arrive n’y échappe. Les moments de félicité surtout, qui sont autant d’occasions de retours loin, de plus en plus loin en arrière, où nombreux de ceux qui ne sont déjà plus riaient en ne s’imaginant pas encore que rien jamais ne durerait… L’euphorie que procurent ces morceaux de bonheur est à la mesure du retour au quotidien, même s’ils sont une source d’apaisement et de possible sérénité. On chemine toujours seul, de plus en plus seul, cette réalité là n’est pas si triste qu’il y parait, elle est juste chaque année davantage évidente et source de questionnements.

Alors, parce que doucement nous avons derrière nous davantage de passé que devant nous d’avenir, et que par la force des choses une petite urgence s’installe, il devient important de se poser quelques élémentaires mais fondamentales questions seulement en regardant autour de soi… Comment ignorer l’infinitude du ciel, les splendeurs du monde, la complexité de l’Univers, sans s’interroger sur les raisons de notre présence ici ? Pour se demander si, au bout du compte, nous aurons utilisé au mieux le temps qui nous fut imparti. (Sujet peut-être un jour plus précisément développé…)

C’est en regardant la splendeur des montagnes savoyardes, le ciel d’azur célébrant le retour des beaux jours, en serrant mes petits-enfants dans mes bras, en m’étonnant de voir mon fils attrapant déjà quelques cheveux blancs vivre sa vie d’homme auprès de sa douce Chloé, en me dépliant « arthrosiquement » et en montant les escaliers un peu moins rapidement qu’avant, que je me suis dit, aujourd’hui plus intensément qu’hier : la vie est belle, cruellement belle, puisqu’il faudra un jour y renoncer, la laisser s’égrener sans pouvoir y laisser les petits cailloux blancs que sont nos souvenirs… J’aimerais en user jusqu’au dernier instant sans me priver ni m’épargner, parce que je sais vraiment maintenant que ce moment là, objet de ma prose, est le premier du reste de mon existence, et que rien de ce précieux cadeau ne doit être perdu ou gâché !


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