C’est l’histoire d’ un barbecue tout rouillé posé depuis des lustres sur une terrasse pavée de bonnes intentions pour les jours ensoleillés. C’était hélas sans compter Mai qui cette année verse des seaux d’eau sur le jardin déjà détrempé, la terre n’en demandait pas tant, que faire sinon affuter des baguettes et se lancer dans la culture de rizières ?…
Bancale, la rôtissoire n’a pas bonne mine sous l’ondée, de loin, on l’imagine grelottant et serrant fort ses grilles contre ses pieds de bois, lesquels fort humides ne tarderont pas à mollir sous son poids… Les semaines à venir risquent fort de n’être pas davantage propices aux braseros amicaux… Le tourne-broche tend ses griffes au ciel en l’implorant d’enfin satisfaire son appétit d’enfer, mais cruel et indifférent aux états d’âmes des cuisinières, il réserve ses fournaises pour les assoiffées d’été !
Le barbecue stoïque, tente de rester bien droit sous l’averse, il ne cille même pas quand un moineau téméraire vient se poser sur son chapeau d’ordinaire brûlant, l’oiseau malicieux sait bien qu’aujourd’hui il ne craint absolument rien ! Douché il ébouriffe ses plumes pour tenter de les sécher, mais deux coups d’ailes plus haut il ne vaut guère mieux que son perchoir improvisé !
Depuis des jours la pluie remplit les nappes phréatiques, tel une chamelle qui s’apprête à traverser le désert, la terre s’abreuve et fait des réserves pour l’été. Les paysans se frottent les mains, « pluie en mai donne pain et foin pour toute l’année »… Saints Mamert, Pancrace et Servais bien emmitouflés ne craignent pas les gelées tardives qu’ils infligent, narquois, à ceux qui les auront défié en semant sans leur permission… Demain sera délivré de leur emprise et notre barbecue aux premières flambées nettoyé de ses poussières dorées, sera de nouveau le grand fédérateur des déjeuners d’été. En attendant de crépiter pour régaler les palais, ce matin encore, froid et bien esseulé, il endure sans broncher les frimas de Mai…