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Les décades de Pontigny - Groethuysen – la Phénoménologie - 1929

Publié le 14 mai 2021 par Perceval
Les décades de Pontigny - Groethuysen – la Phénoménologie - 1929

Elaine de L. et Lancelot au retour de Davos, retrouvent chacun leur vie d'avant... Lancelot s'était peut-être imaginé pouvoir continuer cette intimité et cette complicité qu'ils avaient partagées, d'abord timidement, puis avec plus de liberté; mais les occupations de l'un et l'autre les ont vite remis sur les rails de leurs habitudes anciennes. Elaine est très sollicitée par des cercles littéraires, et ses amis; l'entourage de Jacques et Raïssa Maritain valorise à l'excès la chasteté, et le respect du vœu de communion entre deux époux. Et enfin, Elaine ne souhaite pas imposer à sa famille, très protectrice - déjà contrainte d'accepter une séparation que les circonstances ont imposée - une liaison qu'elle ne jugerait pas convenable...

Lancelot et Elaine se retrouvent chez les uns et les autres; certains amis, dans la confidence, les reçoivent comme un couple.

Lancelot de par ses réseaux mondains, Elaine par ses publications et ses articles littéraires sont invités, par exemple:

Chez Daniel Halévy, à la porte verte d'une belle demeure du XVIIe siècle du quai de l'horloge, qui vient d'enregistrer un beau succès avec son livre '' La fin des notables '' et chez qui se rend régulièrement Anne-Laure de Sallembier. Lancelot, lui, regrette son attachement à de jeunes auteurs plus maurassiens que Maurras... Mais, peut-être est-ce en ce lieu que Lancelot prend conscience qu'il n'est plus le monarchiste - même orléaniste - qu'il pensait être....

Les décades de Pontigny - Groethuysen – la Phénoménologie - 1929

A gauche Bernard GROETHUYSEN et Nicolas BERDIAEV

Pontigny 1927. 

André Chamson et Lucie Mazauric habitent rue Thouin, et reçoivent après diner. Ils sont des familiers de tous ceux qui fréquentent assidument les librairies de la rue de l’Odéon, comme ''La Maison des Amis des livres'' fondée en 1915 par Adrienne Monnier où elle reçoit Jules Romain, Louis Aragon, André Breton, André Gide, Paul Valéry…; ''Shakespeare and Company'' de Sylvia Beach qui publia en 1922, Ulysse de James Joyce.

Paul Desjardins, rencontré à Davos, avait invité Lancelot et Elaine, aux fameuses décades d’été de Pontigny, qu'il anime. C'est en ce lieu, centre de rencontres intellectuelles, qu'ils entendent parler du philosophe Husserl et de la phénoménologie présentés par Bernard Groethuysen (1880-1946), allemand ( nationalisé français en 1938), qui parle admirablement de Goethe et d'Hölderlin... Avant la Grande Guerre, il a rencontré - grâce à Bergson - une traductrice et journaliste à L’Humanité, Alix Guillain (1876-1951), avec qui il a vécu dans une communauté d'artistes rue Campagne-Première. Il retournera enseigner à Berlin, en 1931, pour peu de temps...

Groethuysen participe activement, depuis 1924, aux décades. Maritain, Claudel, Du Bos, Gide, sont des habitués... En 1929, à Pontigny, l'invité vedette, et professeur du Collège de France est Paul Langevin. La décade est consacrée à la physique contemporaine avec le titre '' L'Univers sans figure et le courage de vivre". Etaient présents Gaston Bachelard accompagné de sa petite fille, Brunschvicg, René Poirier, Martin Buber...

Bernard Groethuysen, avec un ouvrage paru en 1926, sur la philosophie allemande, a introduit en France la phénoménologie. Il fait connaître Husserl (1859-1938) et se prête volontiers au questionnement des non-spécialistes...

Groethuysen, à la barbe broussailleuse, et se délectant de toute production de l'esprit, propose une expérience de pensée.

- Dans ce pays, on a perdu tout sens esthétique, toute idée du beau; cependant les musées restent ouverts, exposent des tableaux de grands peintres anciens... Les gens s'y intéressent pour leur valeur documentaire, ils y trouvent des renseignements sur les vêtements, l'architecture, et bien d'autres choses... Un étranger, habitué dans son pays lointain à s'intéresser à l'art, et décrire une oeuvre sur le plan esthétique: comment pourrait-il partager ce qu'il sait et ressent...?

Les décades de Pontigny - Groethuysen – la Phénoménologie - 1929

Husserl, propose que nous fassions cet exercice: délaissons le tableau comme document, pour le voir comme une oeuvre d'art. C'est la situation requise par le phénoménologue qui pratique l’épochè. Réapprendre à voir, c'est marquer un arrêt, mettre entre parenthèse le superflu...

Dans la phénoménologie, on reconnaît que la connaissance ne repose pas seulement sur de la logique, ou du sensible; mais c'est dans l'activité de la conscience; et dans quel but?: - Donner du sens à son rapport au monde... L'humain s'ouvre sur le monde et vit le monde...

Ce sens-là n'est pas scientifique...? - Mais, il est en rapport avec la vérité existentielle...

Lancelot retrouve avec sa mère, Anne-Laure, le lien qui semble naturel avec les propos que lui tenaient William James, en 1907 ou 8; et qui résumaient la thèse du ''Pragmatisme'', philosophie d'une connaissance tournée vers l'action, donc identifiable à ce qu'elle produit...

A sa suite, la Phénoménologie, observe ce que la réalité laisse paraître, cette connaissance tente d'isoler l'existence des choses, pour mettre en évidence leur essence.


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