Ces mots rouvrir et réouverture me sortent par les yeux ! Je les conchie, ça fait un an qu'on les utilise, qu'on hésite, oui, non, peut être, à moitié, en partie, en "mode dynamique", ...
Comme nous bibliothécaires, ces mots hésitent on rouvre ou on réouvre ? On rouvre mais en partie, rouvrir c'est un mot amputé, on le dit vite fait, comme une pratique honteuse, on rogne une syllabe, comme si il écorchait la bouche. Alors qu'avec la réouverture on a le sentiment de sortir le grand jeu, la réouverture ça sonne officiel, les flonflons, on ne rabote rien, on dit tout le mot dans son entier , on en a plein la bouche, La REOUVERTURE !
C'est exactement la situation des bibliothèques on a rouvert, petitement, en naviguant à vue sur notre radeau en carton, au fil des différentes vagues.
Cela fait un an que les bibliothèques sont ouvertes, ouvertes et non rouvertes parce qu'on n'a jamais vraiment fermées.On est ouvertes dans l'indifférence générale, essayant de le faire savoir, criant dans le vide des réseaux sociaux, prêtes à tout : "nous sommes là, passez donc nous voir en allant dévaliser les rayons de pâtes et de PQ, venez nous dévaliser nous aussi !"
Peine perdue, vous nous avez laissé seules dans le doute, nos errements, nos questionnements : qui sommes-nous ? Que sommes-nous ? Des lieux culturels ? A priori non puisqu'ils sont fermés depuis un an ! Des commerces essentiels comme les librairies qui ont pu rouvrir grâce
Bref, aujourd'hui c'est la fin du confinement (et surtout fin de cette
Alors que s'est-il passé aujourd'hui ? Des foules en délire dans les bibliothèques ? des files d'attente pour entrer dans les bibliothèques et se gaver de culture, comme devant les cinémas ? Des fanfares comme devant les terrasses des bars ?
Non aujourd'hui c'était des usagers, les fidèles, perdus eux aussi parce qu'il n'y avait plus les montagnes de cartons et qui ne se souvenaient plus comment on faisait avant, nous non plus d'ailleurs. Ces usagers fidèles avec qui nous avons tissé des liens (au moins un point positif de cette pandémie), qui ne nous ont pas abandonnés, des usagers qui donnent du sens à notre métier,. D'ailleurs, ils ont du voir notre désarroi, on ne nous a jamais autant nourris que pendant ces confinements en nous offrant crêpes, gâteaux, chocolats, ...
Il y a quelques années quand nous avions le regard rivé sur nos statistiques de prêts, je disais que ce que qui me faisait peur ce n'était pas la baisse des prêts, mais le fait que le mot "culture" devienne un gros mot, comme une pratique illicite, être cultivé c'était le risque devenir marginal. J'avoue que ces derniers mois ne m'incite toujours pas à changer d'avis.
Et aujourd'hui 19 mai, jour de la grrrrrrande Réouverture je suis complètement désabusée et j'ai peur de l'avenir, d'autant plus que l'on commence déjà à nous demander de REinventer la bibliothèque de l'après ! Et si déjà on commençait par un bilan honnête, si on prenait le temps, si on prenait du recul, si on réfléchissait, si on ne faisait pas tout en même temps, si...
JE VEUX BIEN INVENTER MAIS PAS REINVENTER !