Magazine Journal intime

La constante de Kaprekar

Publié le 28 juillet 2008 par Thywanek
Accrochez-vous ! Accrochez-vous à la rampe, au bastingage, à la table, au pommeau de la douche, au bol de café, à votre slip de bain, à la porte, (faites attention aux doigts), accrochez-vous à la verge de votre amant, aux seins de votre maîtresse, au réverbère, à un arbre, à un parapluie, tout ce que vous trouverez, mais de grâce, accrochez-vous !!! Je vous aurais prévenu …
Cet article va traiter de mathématique !

Blonk !

Je vous avais prévenu.
Petit préambule de champagne : les mathématiques me détestent depuis que je suis tout petit. Je ne tiens pas ici à les en blâmer plus que de raison mais c’est un fait. J’ai été, des années durant, harcelé par leur langage cabalistique, leurs formules absconses, leurs axiomes froidement logiques, leurs courbes géométriques, leurs fractions, leurs racines carrées, leurs sinus, leurs cosinus, et j’en passe. Même la force d’interposition de certains professeurs bienveillants qui voulaient bien prendre en pitié mon immense désarroi n’y put quelque chose. Au mieux m’étais-je concilié les faveurs de l’arithmétique. Mais les mathématiques, toujours, me considérèrent du haut de leurs certitudes de sciences dites exactes, comme un pauvre lettré approximatif, gavé d’Histoire, embrumé de géographie, marinant dans le texte jusqu’à se vautrer dans la poésie, tout à fait indigne d’accéder aux grandeurs de leurs olympes cartésiennes. Et abstraites. Tout juste fus-je rassuré, à l’aube fiévreuse de mon anxieuse adolescence, par une professeure de français qui me démontra, un jour, qu’il avait du mathématique dans l’écriture. Pas de quoi, pour autant, faire un procès à Pythagore ni à Carroll, (le même Lewis que celui de la jeune Alice)…
J’ai survécu, la preuve. Mais au fond de moi je me sens encore aujourd’hui comme handicapé : comme, si je puis dire, avec un manque.
Le comble, c’est que moi, les mathématiques, je n’ai jamais rien eu contre elles. Il m’est même arrivé, quelquefois, bien que n’y comprenant strictement rien, de m’en amuser. De trouver ça rigolo.
C’est ce qui s’est passé cet après-midi, lors qu’avec un ami nous étions en train d’empêcher une vague d’ennui de remplir un trou de vacuité. Pas loin, donc, du principe des vaseux communicants, en quelque sorte …
A cet effet, l’ami en question, Monsieur A., (appellation confirmée par celle qu’il m’adresse en me nommant Monsieur T.), dressait une autre vague sur laquelle je m’en vins surfer un peu avec lui, sur l’océan d’Internet.
Hors, que ne voilà-t-il donc pas sur quelle page nous atterrissons tout à coup, pour ne pas dire soudainement ?
L’algorithme de Kaprekar !!!
Pour tout de suite narguer un peu, disons qu’en plus poétique il s’agit précisément de l’algorithme de Dattatreya Ramachanda Kaprekar. Au passage, mathématicien indien qui naquit en l’an de grâce 1905 et périclita définitivement en l’an de disgrâce 1988.
Je ne sais pas vraiment ce que c’est qu’un algorithme. Mais avec l’aide des exemples présents sur la page que nous déchiffrions, tous deux ébahis, Monsieur A. et moi-même, nous comprîmes tout de suite, pour sa part qu’il y avait de quoi au gré de quelques paris avec des potes se faire payer pas mal d’apéros, et pour la mienne que décidément je n’étais pas au bout de mes surprises les plus vertigineuses.
Je vous explique ça vite fait :
Vous prenez un nombre au hasard, genre 4523. Bon. Vous rangez les chiffres de ce nombres par ordre décroissant : ça nous y fait, (comme disais M’sieur Desproges), 5432. Bon. Là-dessus vous rangez ces mêmes chiffres par ordre croissant, (au beurre, pour les plus gourmands) : ce qui nous y fait : 2345. Le premier sera nommé n1, pour ne pas le perdre. Le second sera nommé n2, pour pouvoir le retrouver.
Après ces quelques préparatifs vous soustrayez n2 à n1 : ce qui nous fait à peut près 3087. Ok ? Vous y êtes ?
Et alors ? Vous dites-vous l’air un peu ahuri, soyons franc.
Et alors ? Vous renouvelez l’opération avec ce nombre ainsi obtenu : donc n1 = 8730 et n2 = 0378 ; vous soustrayez n2 à n1 = 8352.
Et alors ? Commencez-vous un peu à vous agacer, parce que vous n’avez pas que ça à faire !...
Alors ? Vous renouvelez l’opération avec 8352.
Encore ?
Oui encore !
Donc n1 : 8532 et n2 : 2358 = 6174
Et voila !
Et voila quoi ??? Vous exclamez-vous au bord de m’envoyer les services de l’hygiène mentale.
Bah rien : 6174, c’est 6174 : et c’est la constante de Kaprekar.
Et alors ??? Vous étranglez-vous en phase d’approche de l’apoplexie !!!
Et bien apprenez, chers égarés des formats cartésiens où 1 et 1 doivent toujours faire deux sans qu’on leur demande si ça leur plait, s’ils sont d’accord, s’ils ne voudraient pas de temps en temps faire 3, ou 3 et demi, ou 1 et demi, ou peut-être rien, tout simplement, que quoi que vous fassiez, si vous jouez à ce petit de n2 soustrait à n1, et bien vous finirez toujours plus ou moins vite par tomber sur 6174 !!
Vous le croyez ça ??
Vous le croyez pas ???
Ok ! On va essayer avec une année de naissance au hasard : 1981.
Donc n1 : 9811 et n2 : 1189 = 8622
> n1 : 8622 et n2 : 2268 = 6354
> n1 : 6543 et n2 : 3456 = 3087 (déjà ça vous rappelle quelques chose …)
> n1 : 8730 et n2 : 0378 = 8352 (ça se confirme …)
> et donc : n1 : 8532 et n2 : 2358 = 6174 !!
Ah ouaiiiiii !!! …
Eh oui.
Allez un autre :
4192.
> n1 : 9421 et n2 : 1249 = 8172
> n1 : 8721 et n2 : 1278 = 7443
> n1 : 7443 et n2 : 3447 = 3996
> n1 : 9963 et n2 : 3699 = 6264
> n1 : 6642 et n2 : 2466 = 4176
> n1 : 7641 et n2 : 1467 = … 6174 !!!
Et voila !!!
Vous, je sais pas. Moi ce genre de truc ça me sidère. J’ai tout à coup un grand sentiment d’anti matière : vous savez le grand trou,… avec rien autour … …
Sans compter les nombres de Kaprekar, autre abîme d’étrangeté :
Exemple : 703.
Vous faites 703 puissance 2 : ça fait 494209 : et bien vous savez quoi ? 494 + 209 = 703 !!
Y’a-t-il des mathématiques qu’il faut aimer : en voilà donc !
Il va sans dire, mais disons-le tout de même, ça nous fera au moins une bonne occasion de conclure ce p’tit bla-bla : nous avons mis le doigt dans l’engrenage et nous allons laisser tourner la roue … … …
Ah oui j’allais oublier :
Vous savez toutes et tous que 3 x 1/3 ça fait 1.
On sait tous que 1 divisé par trois ça fait 0.33333333333.
Que 3 x 0.3333333333333 = 0.99999999999.
Donc 1 = 0.99999999999.
Quand je vous dis que 1 et 1 ne font pas forcément deux …

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