"Le suspens près de chez vous", c'est le slogan de la collection "Polars en Nord", repris il y a peu par les éditions Aubane.
Ici c'est carrément très près de moi, géographiquement d'abord, puisque je connais tous les lieux de l'intrigue, et émotionnellement ensuite, puisque l'autrice n'est autre qu'une amie chère et collègue. Et c'est ainsi que je me retrouve à lire du polar, moi qui fais des cauchemars dès que ça penche un peu vers le gris.. autant dire tout de suite que j'ai été servie côté émotions. ça m'a peut-être même un peu réconciliée avec le roman policier.
"Chargé d'une nouvelle enquête sur le meurtre d'une jeune Lilloise, le capitaine Dallaglio découvre que le tueur qu'il poursuit a paralysé les cordes vocales de sa victime. Son but : l'empêcher de crier sa douleur. Le procédé fait étrangement écho à sa situation personnelle et ça, Dallaglio l'encaisse mal. Tandis que sa compagne Allyson s'est lancée sur les traces d'un adolescent disparu d'un centre éducatif fermé, le couple ne se doute pas qu'autour de lui, le Mal est en train de tisser sa toile."Ce polar format poche, c'est de l'adrénaline en noir et sang, des montagnes russes pour le cœur du lecteur qui espère, qui s'arrête brutalement, qui bat à mille à l'heure. Ce sont surtout des personnages forts, héros tourmentés qu'on côtoie avec plaisir et auxquels on s'attache (c'est le 3ème tome de la saga, on fait la connaissance de Dallaglio dans "Toute cette haine", puis dans "Rouge comme neige", écrits par Gilles Walkowiak). J'ai profondément aimé le soin apporté à la psychologie des personnages, qui se débattent avec leurs propres démons. Des héros qui ont "mal aux autres", qui se dévouent, quitte à se foutre en l'air ou à s'oublier. Et de l'autre côté de la traque mortelle, des psychopathes broyés par le destin, enflammés de haine.
Lire une intrigue noire dans les lieux de mon quotidien ou tout proche, ça donne des frissons. (Déjà que je ne rêve pas de faire du jogging seule autour de la citadelle de Lille, là je suis carrément vaccinée ! ). Mais c'est un plaisir certain que de se sentir proche du contexte, et c'est une des réussites du label "polars en Nord".
Côtoyer les enquêteurs dans leur course contre le Mal incarné, c'est éprouvant. Quand il y a des jeunes concernés, c'est encore plus poignant, intolérable, révoltant. J'ai dû passer par les mêmes colères intérieures que Dallaglio, depuis mon canapé toutefois.
Et puis quand les proches sont visés, quand le cercle intime vacille, quand les douleurs et la maladie inéluctable tissent leurs toiles en parallèle de l'enquête, le souffle vient à manquer. J'ai poussé le souci d'identification jusqu'à lire ce polar pendant une laryngite qui me prive de voix ces derniers jours !
Bilan: je suis vidée par ces 218 pages. Un petit roman qui contient une tempête. Une intrigue qui ne laisse aucun répit, qui embarque le lecteur dans un violent torrent et lui maintient la tête sous l'eau. Je suis à la fois admirative de héros comme Thomas Dallaglio et sa compagne Allyson, écœurée par la noirceur des dérives abordées (la radicalisation de jeunes cabossés par la vie, le système défaillant, les vains efforts des CEF...) et bouleversée par la double histoire de ce récit.
Parce que derrière l'écriture de ce livre qui crie la colère, il y a l'histoire fraternelle de Céline et Gilles. La sœur qui reprend l'écriture après le décès de son frère, en expliquant: "Ce roman est un "trompe l'oeil". J'ai voulu offrir à ma mère, à mes soeurs, à Amandine, à ma famille, aux amis de Gilles, l'illusion que la plume de mon frère continuait à vivre à travers cette aventure." Exercice de haute voltige émotionnelle, et de jolie qualité littéraire.
Incontestablement, Gilles a laissé Dallaglio entre de bonnes mains, Céline, et maintenant que tu as plongé dans l'écriture, il n'y a plus qu'à .....
La colère des orphelins, Céline et Gilles Walkowiak, éditions Aubane (mai 2021), 204p., 11€
Blog littérature jeunesse, blog livres, blog lecture, blog livres ado