Magazine Journal intime

Evaluer

Publié le 01 juillet 2007 par Mirabelle

Mon cher Victor,
Evaluer
Je n'ai que très peu parlé, durant cette année de PE2 (et pendant nos conversations) du casse-tête que sont les évaluations. Non, effectivement ! Tu sais , Mirabelle, il y a énormément de lacunes dans nos discussions ! J'en suis bien consciente, mon pauvre Victor... J'essaierai de rectifier le tir pendant les vacances d'été !
Pendant mon SR3, j'ai dû évaluer les acquis de mes élèves. Eh bien laisse moi te dire que ce n'est pas une mince affaire ! Tu m'en diras tant... Pressée par l'instit' que je remplaçais ("Surtout, évalue bien ce que tu as fait ! Je n'ai quasiment pas fait d'évaluations au troisième trimestre et si je n'ai rien à montrer, les parents vont me tomber dessus !"), j'ai donc évalué conjugaison, géométrie et lexique.
Bon. Commençons par le début : la conjugaison. Il faut savoir, mon Victor, que l'instit' m'avait demandé de faire le passé composé avec ses élèves. Je m'attèle donc à la tâche, dès la première semaine. Malheur de malheur... Comme je te l'ai déjà dit... Les élèves sont très dissipés ! Exactement. Ils sont gentils mais assez paresseux. Ils n'écoutent pas grand chose. Et je dois sans arrêt ramer pour les intéresser, quand je ne suis pas obligée de faire de la discipline. Ca, ça devient un enjeu de société, ma pauvre chérie...
Au fur et à mesure des séances (très nombreuses et évidemment plus que prévu...), il s'est avéré que les élèves ne savaient pas reconnaître un verbe dans une phrase. Qu'ils ne maîtrisaient pas la notion de sujet. Qu'ils ne savaient pas conjuguer correctement "être" et "avoir" au présent. Dans ces conditions, je comprends que cela soit difficile... Mais ils ne sont encore qu'en CE1 ! Bien sûr. Et puis au fond, le passé composé, c'est compliqué. Je t'épargne les détails évidemment. Les séances défilent et avec elles la sensation de n'arriver à rien. Les gamins confondent tout, et j'ai bien du mal à y remédier. Pourtant, j'ai restreint au maximum et privilégié la conjugaison d'"être" et "avoir" ainsi que les verbes du premier groupe, en laissant tomber ceux du deuxième et troisième groupe. Comme tu peux t'en douter, ce sont surtout les verbes avec l'auxiliaire "être" qui posent problème...
La fin du stage approchant, je commence à concevoir mes évaluations. Je choisis consciencieusement mes exercices et élabore un système de notation (sur 10) dans la douleur. Je crains bien évidemment les résultats de cette évaluation et n'en attends pas grand chose de très reluisant, surtout quand je passe dans les rangs, le jour J, et constate que les élèves n'ont pas compris que le passé composé est formé de deux mots. C'est pourtant la base ! Aie ! C'est la mort dans l'âme que je récupère toutes les copies et que je me mets à corriger, le soir même.
Et là, c'est le drame. C'est de ma faute, en plus. Je me suis trompée dans mes comptes (eh oui, les chiffres et moi, décidemment, cela fera toujours deux) et mon système de notation est fichu en l'air. Après une quinzaine de minutes de prise de tête, j'en arrive à la désagréable conclusion qu'il me FAUT noter les élèves sur vingt. Je n'aime pas ça. Au CE1, ce n'est pas adapté. Je m'y résouds cependant, en soupirant.
Deux heures plus tard, je suis complètement déprimée. Ces évaluations sont CA-TAS-TRO-PHIQUES. Vraiment ? Vraiment. Deux élèves s'en sortent à peu près convenablement. C'est le raz-de-marée pour les autres. Les notes sont si basses que je n'ose même pas t'en donner une fourchette ! Ah la la... Ces notes m'amènent bien sûr à douter : sans doute ai-je mal fait passer la notion, j'aurais dû prendre les choses par un autre bout, n'ai pas été assez clair pour expliquer la formation du passé composé... Oh, allez ! Tout le monde se plante, Mirabelle ! Et puis s'ils n'écoutaient rien ! Ne remets pas tout sur le dos des gamins, Victor ! Disons que j'essaie de faire en sorte que tu cesses de te flageller !

Bref. Après avoir mûrement réfléchi, j'ai décidé de ne pas rendre les évaluations aux élèves. Je les ai laissées à disposition de l'instit', pour qu'elle puisse se rendre compte des erreurs, tout en lui précisant que je souhaitais qu'elle les garde pour elle. Mais je ne voulais absolument pas les rendre. Je ne vois pas l'intérêt de mettre tous les élèves face à l'échec et de les décourager. Il y aurait eu des larmes. Je crois que tu as bien fait, Mirabelle... Je ne suis pas enseignant mais, effectivement, le but de l'Ecole est d'aider à l'épanouissement de l'élève, et certainement pas de le casser... Tes raisons sont tout à fait légitimes !
Je ne sais pas si j'ai bien fait. De toute façon, je pense qu'on ne peut jamais le dire. Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise solution. Il y a juste un choix. Ce qui est certain, c'est que l'évaluation me questionne pas mal. Si elle doit "sanctionner" les apprentissages, tout doit être soupesé très clairement, et surtout s'adapter à ce qui a été fait en classe. A ce qui a REELLEMENT été fait. Il faut être juste et savoir distinguer ce qui n'a été qu'effleuré (et qui ne nécessite pas d'évaluation...) de ce qui a été étudié en profondeur. Ce n'est pas si évident car cela recquiert un certain recul par rapport à sa pratique, recul que nous, professeur des écoles débutants, n'avons pas toujours. Nous sommes généralement, comme le disent les IMF, "dans le feu de l'action". Occupés à boucler la journée du lendemain, fiches de prep' de français, de maths... Nous sommes dans l'urgence de l'instant. Il nous faudra apprendre à prendre le temps de nous retourner sur ce qui a été fait. Nous avons toute notre carrière pour y parvenir, peu à peu.


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