Geneviève et moi

Publié le 02 septembre 2021 par Legraoully @LeGraoullyOff

Triste rentrée : à peine revenu de vacances, j’apprends que Geneviève Gautier nous a quittés dans la nuit du 14 au 15 août. Elle avait 99 ans.

Je l’avais rencontrée il y a quatre ans au cours du vernissage d’une exposition consacrées aux femmes remarquables de la rive droite à Brest, dont elle faisait évidemment partie : j’avais été fasciné par son parcours d’aventurière (ancienne secrétaire dans un état-major FFI, témoin de la décolonisation du Maroc et du Tchad, aviatrice aux côtés d’Henri Giraud…) et son appétit de vivre resté intact à l’aube de ses 95 printemps. Elle, impressionnée par mon niveau d’études, me demanda d’être son « agent littéraire », c’est-à-dire de démarcher en son nom les éditeurs pour faire publier ses écrits : flatté et alléché par la perspective d’un petit pourcentage (et oui…), j’acceptai, et c’est ainsi que je pris en charge la promotion de ses textes, improvisant de A à Z ma pratique d’un métier qui n’était pas le mien.

Je mentirais si je disais que j’ai obtenu beaucoup de résultats positifs : il en est notamment sorti un recueil de nouvelle intitulé Visages et destins et fil du temps, qui reprenait les nouvelles de Geneviève publiées ici même sur ce site et dont l’impression a été assurée grâce à une campagne de financement participatif. Le dernier texte de ce livre, intitulé « Au Brésil », aurait pu ne jamais y figurer : elle l’avait écrit alors qu’elle vivait déjà en EHPAD en s’inspirant des souvenirs d’une autre pensionnaire, et il ne figurait donc pas dans la maquette originale de l’ouvrage, mais elle profita d’une de mes visites pour me le confier et me demander de l’ajouter, ce que j’exécutai d’autant plus volontiers que cet ultime écrit prouvait que son corps affaibli renfermait un esprit qui était resté des plus vifs – elle n’était entrée en maison de retraite que deux ans avant sa mort et n’y avait été contrainte qu’à la suite d’un fâcheux accident.

Bref : en tant qu’agent littéraire, je n’ai pas permis à Geneviève de finir ses jours dans l’or et le pourpre, mais peu m’importe, je reste fier d’avoir fréquenté et soutenu cette femme d’exception dont le grand-père avait fréquenté Edmond Rostand et qui avait elle-même été, depuis sa naissance en 1922, un témoin privilégié des vicissitudes de l’Histoire. Je n’ai assisté ni à ses derniers instants, je n’ai même pas pu venir à ses obsèques et c’est sans doute mieux ainsi : je préfère rester sur le souvenir qu’elle m’a laissé, celle d’une femme battante, souriante et optimiste malgré les misères de l’âge et le traumatisme d’avoir vu sa fille mourir et son fils perdre la raison…

Je n’exclus pas de prendre de nouvelles initiatives pour faire vivre sa mémoire ; mais il faudra d’abord que je fasse mon deuil. En attendant, vous pouvez toujours relire ses nouvelles qui figurent encore sur ce webzine… Kenavo, ma reine.