Le divin et le médecin.

Publié le 31 juillet 2008 par Lawrencepassmore

En général, je n’ai pas trop de problème avec Dieu dans ma pratique courante. Chacun reste sur son quand à soi.

A vrai dire, j’estime qu’Il n’existe pas. C'est dire que Ses pensées et Ses actes me concernant me touchent donc peu.

Par contre, je rencontre des tas de gens qui pensent qu’Il existe.

En général, pas de soucis. Ne pas croire et laisser croire est mon credo.

Sauf pour les témoins de Jéhovah qui me les brisent menu menu menu.

D’abord, je déteste leur attitude, mélange de prosélytisme et de victimisation expiatoire.

Ils ne sont, à ma connaissance, pas pourchassés en France.

N’est pas victime (le nouveau Saint Graal de notre société) qui veut.

Un agrégé de cardiologie nous confie un patient tritronculaire (avec notamment un tronc gauche très serré où les globules rouges doivent jouer des coudes pour passer) avec un mauvais ventricule gauche en préopératoire de pontages aorto-coronariens.

Un rendez-vous est pris avec un agrégé de chirurgie cardiaque qui approuve l’opération. Le patient accompagné de sa femme revient de la consultation et demande à me voir.

Ils veulent voir un second chirurgien cardiaque (du privé) qui « aurait une méthode pour opérer sans transfuser ».

Je subodore le problème religieux et l’adresse au chirurgien cité, et son hypothétique nouvelle méthode. Je téléphone au cardiologue qui nous l’a adressé pour éviter les frictions diplomatiques.

Nouvelle consultation, suivie de peu par un courrier assez grandiose dans son genre.

En substance, le second chirurgien (qui est excellent, soit dit en passant) fait son Ponce Pilate et se lave les mains devant le Jéhovah (belle image, n’est-ce pas) et demande des examens complémentaires pour trouver tous les arguments pour ne pas l’opérer. Donc pas de technique miraculeuse "Deus ex machina".

Il fait rentrer le patient dans sa clinique et le confie à ses cardiologues.

Je téléphone donc encore au premier cardiologue (agrégé au CHU, je le rappelle) pour lui éviter l’implosion si il apprend que son patient a été proprement détourné.

Difficile à dire qui va avoir raison in fine.

Faut-il le ponter ?

A la limite, la question n’est pas là.

Un peu cyniquement, je dirais même que je suis plutôt favorable à ce que certains meurent pour leur religion, à condition qu’ils le fassent tout seuls, proprement et sans embêter personne. Ils sont persuadés de rejoindre leur Créateur qui est tout amour dans un monde meilleur. Pourquoi donc vouloir à tout prix les contrarier ?

Dans cette histoire, des croyances religieuses obscures ont interféré avec un processus de décision médicale très loin d’être infaillible (comme l’Autre…) mais qui est au moins pragmatique et basé sur un minimum de preuves.

Croyance religieuse obscure. Pléonasme ?

Pas forcément.

Je respecte les croyances car elles font partie du fond culturel de tout un chacun. Bien qu'athée, je ne renie pas le moins du monde mes racines "judéo-chrétiennes" (je rajoute le "judéo", car sans lui, il faut bien dire que notre civilisation serait significativement amputée). 

A mon sens, elles deviennent obscures quand elles se font au détriment de la santé de l’être humain (du croyant ou d'un tiers).

Chaque fois, que l’on me parle de ces interactions entre Dieu et le médecin, je cite l’exemple frappant des musulmans qui font preuve d'humanisme en prenant en compte l’état de santé du croyant dans la pratique du Ramadan :

« L’obligation de jeûner.

Le jeûne de tout le mois est obligatoire pour le musulman en capacité physique de supporter le jeûne, et ce dès l’âge de la puberté. Il est cependant nécessaire d’habituer l’enfant peu à peu à jeûner, pour qu’il en apprenne la pratique progressivement et en acquière le goût.

Ce qui est permis

– La piqûre (si ce n'est pas de la nourriture).

– Les médicament (sauf pour l'école shafi'ite). --> point important, à préciser!

Dispenses --> selon le rite malekite mais à préciser.

– Le vieillard trop faible, et le malade incurable qui ne peut jeûner, en sont dispensés. Le jeûne pourrait perturber leur santé et l'on n'est pas sûr qu'ilspourraient le rattrapper car ils sont au terme de leur vie. Ils peuvent (mais ce n'est pas obligatoire) nourrir un pauvre pour chaque jour non jeûné (fidya).

– Le malade n’est pas tenu de jeûner. Le jeûne lui est interdit s’il a de la fièvre ou s’il doit nécessairement absorber des médicaments en cours de journée. Quand une maladie se déclare, il est licite de cesser de jeûner. La compensation (qadâ) est dûe.

– Le jeûne est interrompu et compensé (qadâ) plus tard s’il fait courir un danger de mort (ex: déshydratation alarmante dans les pays très chauds).

 »

(source)