En cette période trouble de ces années trente, Lancelot est tiraillé entre l'objet de la Quête qui l'habite et qui est porté par le mythe arthurien, et ce que l'on nomme un '' Médiévalisme '' fasciste ( l'historien italien Tommaso di Carpegna Falconieri le décrit comme la " projection dans le présent d'un ou plusieurs Moyen Âge idéalisés "), qui serait la référence d'une vision du monde, un temps où se fonde un mythe politique ...
N'oublions pas que : - nous sortons d'une guerre effroyable, moderne et technique... - Nous entrons dans une crise économique, et nous nous interrogeons si le capitalisme, si le parlementarisme ne sont pas au bout de leurs possibilités... - Nous sentons le danger à nos portes; et s'il vient de l'étranger, il est peut-être aussi à l'intérieur... ! - Nous imaginons un monde plus unitaire, plus ordonné... Pour certains l'unité viendrait d'un homme providentiel, et l'ordre, d'un régime totalitaire.
Puisque les partis, les élections ne garantissent pas que nous ayons de bons politiciens ; que pouvons nous imaginer, comme nouvelle manière de faire de la politique ? Nous sommes à l'âge idéologique...
L'idéologie semble le bon véhicule pour éduquer les masses, l'idéologie est cet ensemble d'idées et de croyances, qui donne au peuple une ligne de conduite.
Une idéologie politique peut prendre un caractère religieux, jusqu'à prendre la place de la religion. Ce totalitarisme imagine ainsi pouvoir contrôler les consciences...
Daniel Halévy, lors de sa visite à Rome, en 1933, à l'exposition fasciste, remarque le vocabulaire utilisé par le fascisme, emprunté à l'Église ; ainsi cette formule de la " mystique fasciste " enseignée aux enfants : ''Credere, obbedire, combattere '' (croire, obéir, combattre) ( Note : Daniel Halévy, Le Courrier d'Europe, Paris, Grasset, 1933, p. 282. )
" Qu'est-ce que le christianisme aujourd'hui pour nous ? Le national-socialisme est une religion. Il ne lui manque que le génie religieux qui fasse exploser les antiques formules ayant fait leur temps. Il nous manque le rite. / Il faut que le national-socialisme devienne un jour la religion d'État des Allemands. Mon Parti est mon Église, et je crois servir le Seigneur au mieux quand j'accomplis la volonté et que je libère mon peuple opprimé des chaînes de l'esclavage. / Tel est mon Évangile. Et là où je rencontre de la résistance, peu importe quand et où, j'essaie de la briser. / J'y vois maintenant parfaitement clair [...]. " (Joseph Goebbels, Journal, 1923-1933, Paris, Tallandier, 2009, p. 291, 16 octobre 1928)
Revenons à cette nostalgie médiévale ; au temps du Saint Empire Romain Germanique. On note le caractère sacré de l'Empire ( " il rappelait ensuite qu'il était l'héritier de l'Empire romain et que Rome était sa capitale ; et, enfin, il soulignait le rôle éminent tenu par les Germains dans l'institution " Jacques Le Goff ). L'Empire, de plus englobe les nationalismes, il unifie en une communauté de destins, et théoriquement sans les détruire : L'Empire, comme une Europe fédéraliste sous contrôle...
L'armée allemande avait repris la croix noire des chevaliers teutoniques, ces chevaliers qui après avoir été un ordre hospitalier, devinrent une armée au service d'une idéologie chrétienne, une croisade pour conquérir la Pologne, la Lituanie, la Russie... De la suite de leur déclin, il en restera le berceau de l'état prussien : et les nazis utilisent à présent leur image de " conquérant des peuples slaves ".
Nous avons déjà évoqué, ces derniers chevaliers errants que sont les aviateurs. Beaucoup, jeunes et moins jeunes ont lu '' Le Chevalier de l'air '' la Vie héroïque de Guynemer par Henry Bordeaux , célébré aussi d'ailleurs par Benito Mussolini... !
Le biographe célèbre en Guynemer : " Le nouveau Roland, le chevalier téméraire et prodigieux " qui s'est fait remarqué au cours de cette " Période héroïque et resplendissante, où nos aviateurs surgissaient dans le ciel, semant la panique et l'effroi, pareils aux chevaliers errants de la Légende des siècles ". Henri Bordeaux, fait référence à un texte médiéval, et à une figure dans Gaydon ( le chevalier au geai) appelé Guinemer, " et qui raconte le triste retour de Charlemagne à Aix-la-Chapelle après le drame de (...) " ; et aussi à un traité de Guérande (11 avril 1365), qui termine la guerre de succession de Bretagne et donne le duché à Jean de Montfort, mais sous la suzeraineté du roi de France, porte la signature de trente chevaliers bretons, parmi lesquels un Geoffroy Guynemer.
Le chevalier représente cette figure héroïque qui engage sa vie pour sa terre et sa foi... Il prêche la croisade pour sauver notre civilisation... En effet le temps présent est un temps de crise ; et nous éprouvons le besoin de nous relier à une chaîne traditionnelle, qui comprend des initiés cathares, des templiers, des sorcier(e)s, des alchimistes, ... etc. Ce patrimoine traditionnel pourrait nous donner accès à une vérité, à retrouver notre identité, et à la sacralité de puissances perdues comme celle du pouvoir ...
En Allemagne , le succès d'une gravure de Dûrer, '' Le Chevalier, la Mort et le Diable '' symbolise ce que l'on appelle le ''völkisch'' et qui renvoie aux racines rurales, le sang et la terre (''Blut und Bode''). Ce mouvement a imprégné toute la droite allemande. Le chevalier, se présente comme un surhomme selon un certain détournement de la pensée de Nietzsche. La pensée völkisch est violemment antisémite, le juif y est désigné comme l'ennemi intérieur.
Beaucoup de jeunes bourgeois se passionnent pour les rites germaniques. Les Wandervögel renforcent la camaraderie virile, ils rêvent d'action et de changement de société. Des ligues s'organisent et seront ensuite récupérées par les nazis.
Le Thulé Bund est en 1918, une société férue d''histoire et de traditions allemandes, et " traite de pangermanisme, d'anti-matérialisme, de pensée médiévale et alchimique.. " dès 1918. Thulé évoque le lieu mythique d'où proviendrait la race aryenne, et elle adopte la croix gammée pour symbole.
En septembre 1919, Adolf Hitler participe à une réunion du Deutsche Arbeiterpartei (DAP). Ce Parti des travailleurs allemands émane de la société Thulé, et vient d'être fondé à Munich par Anton Drexler, membre de la Thule-Gesellschaft . Le 8 août 1920, le DAP est rebaptisé Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP).