Elaine L. est très souvent fatiguée. Des poussées de fièvre inexpliquées l'amènent à consulter, conseillée par son médecin, le professeur Roussy qui confirme le diagnostic d'un cancer. Il semble confiant, et met beaucoup d'espoir dans les nouveaux outils à disposition comme les radiations ionisantes dans le traitement des tumeurs.
Nous entrons dans une période d'inquiétudes. Peu de nouvelles, qui ne nous enfoncent pas dans un climat d'incertitude.
Xavier de Hauteclocque, rentré en France urgemment suite à des problèmes de santé; a été admis en clinique. Il décède le 3 avril 1935!
Lancelot l'avait rencontré avant son départ en Allemagne. Plusieurs personnes du ministère l'avaient mis en garde; en effet, ses derniers articles parus le mettaient en danger, et il avait lui-même reçu des menaces anonymes... Il avait réussi à pénétrer l'intérieur du NSDAP, observer et interroger des responsables locaux du parti nazi...
Cette fois-ci, un contact lui permettait de rencontrer à Sarrebruck, en Sarre - alors qu'à la demande d'Hitler un référendum vient de rattacher le territoire à l'Allemagne, alors sous mandat SDN, avec propriété des usines de charbon à la France - deux officiers nazis qui semblaient disposés à lui fournir d’intéressants renseignements... Cet rencontre permit son empoisonnement... Très vite, il s'en rend compte, reprend le train; et fiévreux retourne directement près de sa femme et de son fils de quatre ans, à Saveuse... Puis, il est hospitalisé à Paris; la septicémie entraîne une longue agonie et il meurt empoisonné selon son propre témoignage, à trente huit ans.
Hauteclocque partageait avec le journal Gringoire, une ligne anti-communiste. Il s’inquiétait d'un régime malade ( celui de la IIIe République), qui se laisse berner, sans s'effrayer, des parades militaires italiennes ou allemandes... L'hebdomadaire axe sa publicité sur les révélations d'Hauteclocque dans ses reportages: il décrit ce qu'il voit, entend, alors qu'il est est reçu officiellement par les nazis, au siège du parti '' la maison brune'', il rencontre le chef de la police politique, et visite les camps de travail. Ses articles sont vivants, détaillés et laissent entrevoir la barbarie.
Hauteclocque avait montré à Lancelot, comment il travaillait à Berlin, en particulier son accointance avec la corporation des chauffeurs de taxi...! Il se présentait comme le « Graf von Hautecloque » et usait de sa proximité avec les grandes familles prussiennes.
Il avait publié ''A l'Ombre de la croix gammée'', ''La Tragédie brune'', en 1934. Il a suivi plusieurs discours d'Hitler : « Une voix lourde, rocailleuse, qui roule d’abord en flots pesants, puis tourbillonne comme un torrent avant le barrage, avec des métaphores, des interjections qui pétillent et explosent comme des balles. Là-dedans, des espèces de hurlements de fureur, quand il parle des “traîtres”. Si prévenu qu’on soit, cette éloquence sauvage vous prend aux entrailles. ». Il constate, inquiet, la totale adhésion d'une foule à un homme... Il frémit à la symbolique du salut martial nazi: « ce geste brutal de la paume rabattue violemment vers le sol comme pour écraser je ne sais quelle bête rampante et invisible.»
Il constate, petit à petit, alors qu'il questionne des allemands de toute catégorie sociale, une loi du silence qui dénote « l’effrayante emprise de l’hitlérisme, cette domination fondée sur un curieux mélange d’enthousiasme et de résignation terrifiée. »
Le chef de presse du Reich, le baron von Stumm, lui fait la leçon : « Est-ce que nous ne faisons pas preuve de grandeur d’âme en permettant à de tels journalistes de séjourner chez nous ? ». On commence à se méfier de lui, on perquisitionne sa chambre...
Hauteclocque confiait à Lancelot, sa crainte d'une nouvelle guerre, à laquelle nous devrions nous préparer. Il s'agace contre les communistes de salon, les pacifistes naïfs...
Un ancien combattant allemand avec qui il discute, et trinque avec une choppe de bière, lui avoue : « Et dire qu’un de ces jours je vous tuerai, mon cher camarade. Quel dommage ! Ou bien, c’est vous qui me tuerez et ce sera tout aussi regrettable. Mais il faudra pourtant qu’on recommence…»
Suite à l'assassinat de Xavier de Hauteclocque, le ministère annule toutes les missions que Lancelot effectuent en Allemagne. On lui demande de moins voyager; et à l'intérieur de ce qu'on appelle '' le chiffre '', de participer à la coordination de nos agents en Allemagne...
De plus, l'actualité internationale amène la France à recevoir des événements politiques, culturels pendant lesquels Lancelot qui parle l'anglais et l'allemand peut tenter de comprendre les mouvements d'opinion et de régime au-delà de nos frontières.
Nos services sont au courant que l'Allemagne, avant même l'accession d'Hitler au pouvoir, se réarme avec l'aide de l'URSS, qui en échange reçoit des moteurs, et des instructeurs allemands sur les nouvelles technologies. Le 2ème bureau en informe régulièrement l'Etat-major, et le gouvernement... Nous arrivons à convaincre l'Union soviétique de changer de politique ; avec l'aide de la propagande nazie contre le communisme, il est vrai...
Le gouvernement français, avec Pierre Laval, signe en avril 1935, un traité avec l’Italie de Mussolini, pour effacer un contentieux colonial à propos de la Tunisie et éventuellement l'Ethiopie; et avec Moscou, le 2 mai, un traité d'assistance mutuelle...