Les mots m’ont échappé un moment, puis doucement me reviennent… Tout recroquevillés au creux de moi, ils n’attendaient qu’un baiser pour s’éveiller. Le silence a certains avantages, s’il vous a un moment reposés de mes logorrhées interminables, il fait aussi la part belle au recueillement, ce temps où la pensée vagabonde ignore les itinéraires balisés et les raccourcis frustrants.
Les jours se prirent pour des semaines et les semaines pour des siècles. Le ciel avare d’été distribuait sans compter ses larmes de rage sur une saison déjà soldée…
L’automne est à peine installé. Plus cigale que fourmi, j’ai dépensé beaucoup d’énergie à des fins inutiles, mais quelque chose me dit que le hasard fera bien les choses… J’entraperçois de quoi me sustenter quand l’hiver poindra. J’ai pour une fois la chance qu’on prête aux canailles, un horizon plein de promesses s’étire au loin, et si jamais je ne réussi à l’atteindre, rusé qu’il est à sans cesse s’éloigner quand je suis sur le point de m’en saisir, je crois pouvoir lui chaparder de quoi donner de jolies couleurs à mes jours à venir.
Bien des mots maintenant se bousculent, mais je ne veux pour l’instant n’en user que parcimonieusement. Il va me falloir avec soin les choisir et ne vous les infliger qu’à bon escient, bien anticiper les tours qu’ils pourraient me jouer, et ne vous en proposer que de ciselés. C’est un projet sans doute très ambitieux, mais qui ne tente rien n’obtient rien, je vais donc de ce pas m’y atteler.
Il y en a qui s’éparpillaient, avec mon filet à papillons je les ai tous rattrapé, le tour était joué ! D’autres, venus de pays étrangers, migraient vers nos contrées. De leur discours je ne comprenais pas un traitre mot, il m’a fallut du temps pour les assimiler, ce sont des mots hybrides qui finiront par trouver leur place auprès des nôtres, les vocabulaires jamais ne se figent et ainsi accumulent bien des richesses. J’ai remisé les mots blessants au fond d’un cagibi dont ils ne ressortiront que pétris de bonnes intentions, ceux trop impétueux seront peut-être un jour apprivoisés, mais on ne peut tout discipliner, il faut savoir ne pas mâcher les siens pour évoquer ce qui nous tient le plus à coeur. Heureusement la complicité fait que la plupart du temps on se comprend sans mot dire.
Les réconfortants m’ont été bien utiles ces derniers temps. Je les ai mis de côté pour les offrir à qui désormais en aura davantage besoin. J’ai choisi d’en oublier quelques uns, ceux qui me restaient en travers de la gorge, tandis que d’autres résonnent encore et me font du bien. Parfois parler à demi mot suffit, à moins que la discrétion impose de n’en souffler aucun à personne, en un mot comme en mille tout est question d’appréciation. j’aime bien ceux qui ont toujours le mot pour rire, mais j’ai un faible pour ceux dont les mots d’esprit sont plus raffinés.
Sont un peu agaçants ceux qui me restent sur le bout de la langue… Les gros mots, prennent plus de place que les autres quand ils s’invitent trop fréquemment dans une conversation, ils n’ont guère droit de cité parmi ceux que j’ai à la bouche, mais ils parviennent parfois à m’échapper quand je suis très énervée ! Du coup, quand je les ai au bord des lèvres je n’ai d’autre choix que de les manger pour ne pas vous choquer… Je n’ai de mémoire pour aucun mot de passe, j’ai du mal avec ceux qui ne pipant mot m’obligent à meubler la conversation, et si je dois alors peser les miens, je choisis toujours les plus légers, un reproche ou un compliment perd toute sa valeur dans la lourdeur.
Il m’importe peu d’avoir le dernier mot, d’ailleurs je vous confie tous ceux que je n’aurai pas dit que vous pourriez mot-a-mot épeler pour vous occuper, puis en faire l’usage qu’il vous plaira, ainsi vous aurez sans doute celui de la fin !