Le visage d'une autre!
J'ai réalisé aujourd'hui que le temps nous vieillit!
Tandis que je cherchais encore des raisons de comprendre mon gamin adoré de bientôt 9 ans... Je me suis souvenue... J'étais pareille, pénible, égocentrique, capricieuse... Mais aussi boudeuse, amusante, gentille...
Il est là et du haut de son mètre 25 il me toise, il sait tout mieux que moi...
Devant lui je ne représente pas le visage fermé que ma mère m'offrait et duquel j'avais si peur. Peur des reproches, des listes de choses à faire, de la vaisselle à ranger...
Non, lui me regarde et se demande pourquoi il a seulement le droit à un esquimau alors qu'il a bien vu qu'il y avait aussi des cornets dans le congél...
Et moi je pense : Mais quoi faire pour le rendre heureux?
3 semaines de colo, le grand air, de la spéléo, de l'accrobranche, des veillées, du VTT, du Quad !
Et lui sitôt rentré me demande s'il peut jouer à la Game Cube. Oublie les larmes du manque qu'il a eu tant de mal à supporter durant son séjour...
Oublie le temps que l'on a passé durant son absence à faire de sa chambre un nouvel endroit de quiétude...
Lui il veut tout ! Du saucisson à l'apéro, de la DS en soirée et assister aux barbecues des parents avec leurs copains! Il veut aussi inviter son meilleur ami à dormir le soir même.
Et moi je plie... A force de m'agacer, de lui dire non, je finis inévitablement par plier...
Le vent me pousse et j'aperçois dans le rétro cette petite ride sur le front entre les yeux. Celle qui se fronce quand on s'inquiète, quand on se fâche, celle qui laisse des marques aux parents plus âgés...
Et cette vague seconde de prise de conscience je réalise que je ne suis plus la gamine... Je suis la mère et je ne cesse de courir après des leçons de savoir vivre, d'argent, la valeur des choses!
Et je ne profite plus des pieds nus dans la flaque d'eau... Des nuages qui ressemblent à des éléphants.
Je suis la vieille, celle qu'il commence déjà à ne plus respecter.
Bien sûr qu'il m'aime le bougre... Bien sûr qu'il me déteste quand je crie après ces bêtises.
Mais il me regarde avec cette drôle de lueur dans le cœur...
Ma mère ne me comprend pas... Et comment le pourrait-elle, elle est si loin de mon enfance...
Ah si tu savais mon fils comme je sais, comme je comprends tout ce que tu vis. Et comme je ne peux rien faire pour te le prouver. Comme mes mots n'ont aucun sens pour toi, comme mes gestes se révèlent traitres pour ton poids plume.
J'ai bien vu aujourd'hui que je n'avais plus mon visage. Et j'ai pourtant compris que les adultes ne sont que des sales gosses avec un masque.
On veut maîtriser, ne pas se tromper, apprendre à l'autre, aider... On a moins le temps de jouer, on a du travail, il faut que l'on gagne des pièces pour les tours de manège... de nos propres mômes.
Hier encore c'est moi qui attrapais la queue du singe...
Alors voilà mon petit prince, c'est vrai que tu me regardes avec de l'amertume, que tu penses que je ne t'aime pas, que tu es certain d'en savoir bien plus que moi...
Oui mais voilà mon fils, je suis encore la gamine aux tresses et aux tâches de rousseur sur les joues, je ris encore de rien, je m'amuse encore à manger de la glace et à regarder quelques dessins animés. Seulement toi tu me vois avec le visage d'une autre...
Et je n'ai aucune solution à t'apporter pour que tu changes ton regard... Si ce n'est qu'un jour, toi aussi tu te verras dans le miroir avec tes centimètres en plus et que tu te demanderas :
Mais c'est qui ce vieux en face de moi? Pourquoi le poids des responsabilités m'épuise...
Parce que… C’est pas vraiment toi, c'est ton ancien lui...