Il est aigri l'infirmier? Non. Il transpire comme une vache avec 37 degrès dans le service. Alors quand on le fait courir pour un journal tombé par terre, il a envie de ramasser le journal et de le balancer par la fenêtre.
La chaleur les gêne. Certainement. La chaleur au travail est mon ennemi. Il n'y a aucun doute.
Nous n'avons pas la clim' alors dès que je fais un effort physique ou de concentration,je sue comme une vache qui a de la fièvre. Pendant que je perfuse la mamie de 97 ans qui n'a plus de veines, je sens une goutte de sueur perler sur mon front. Je n'ose pas l'essuyer pour ne pas le faire remarquer. Mais en même temps si cette goutte coule et tombe sur le cathéter que je suis en train de placer... je vais m'en vouloir. Tant pis, je m'essuie avec ma manche.
Je nage dans ma tenue. Mes sabots sont de plus en plus lourd. Dès la deuxième heure de boulot, j'ai l'impression de sentir le fauve à 300 mètres. Il reste encore 10 heures! C'est l'enfer. Je suis même sûr qu'il ne fait pas aussi chaud en enfer.
Ça c'est quand tout va bien.
Quand ça va mal, on n' appelle plus cette température élevée sous le nom de chaleur mais sous celui de canicule. Et qui dit canicule, dit sélection naturelle. Autrement dit, des personnes ne vont jamais s'en remettre.
Alors imaginez, un infirmier en sabots orange fluo, transpirant comme une vache espagnole en pleine tourista, qui sent le fauve à 300 mètres et qui doit, en un minimum de temps :
- Courir pour répondre à la sonnette et ramasser le journal qui vient de tomber par terre
- Transfuser 8 concentrés globulaires à une mamie, à qui, il a galéré comme un âne pour poser le cathéter
- Mettre des ventilateurs dans les trois premières chambres
- Ouvrir la fenêtre de la chambre 24 car la personne ne sait pas le faire
- Faire le massage cardiaque à la première victime de la canicule
- Changer la pompe à morphine du soin palliatif de la chambre 123
- Répondre 36 fois au téléphone
- Renseigner les 15 personnes qui attendent devant la porte de l'infirmerie
- Faire son tour
- Renseigner Môssieur le chirurgien qui ne souvient plus des numéros de chambre de ses 3 patients qu'il a déjà vu 1h auparavant
Et tout ça pendant que sa collègue.... discute!
Ni une, ni deux, Il arrive un moment où Dan perd patience. Normal, non? Alors il confie la mission à la stagiaire de ramener sa collègue. Échec cuisant. Elle revient bredouille. La collègue chérie de Dan fini de faire, d'abord ce qu'elle fait (du rangement) et elle arrivera après!
Là, Dan perd son calme et devant un monde pas possible dans le couloir, il crie à sa collègue feignasse en face: Howww chérieee!!! Tu rangeras plus tard, vient bosser et arrête de glander.
Gros blanc. Moment de silence dans le couloir. Le temps ralentit. D'un coup, les secondes qui passent semblent être une éternité. Arrêt sur image. La collègue de Dan stoppe ses mouvements. Au ralentie maintenant, elle lève la tête et accroche mon regard. Je me croierai dans un remake de matrix.
Tout le monde se tourne vers la collègue chérie de Dan. Elle rougit et n'ose pas répondre. L'effet de surprise est réussi. Elle est obligée de venir, devant l'expectative générale. Dan à gagné. Dan gagne toujours.... tout le monde le sait. Même elle maintenant.
Je ne peux pas être partout alors je priorise les urgences "vitales". Et ranger des cartons, ce n'est pas "vital".
Dan va pouvoir ENFIN aller pisser car il est 13h et que depuis 7h du matin, il n'a même pas eu le temps de vider sa vessie une seule fois! Conclusion, il a mal au ventre et si ça continu, il va se mettre une sonde dans la vessie avec une poche à urine.
Ou alors revenons en arrière, faisons des dortoirs et tout le monde dans la même pièce parce que là, des fois, niveau sécurité.... c'est limite. Là au moins, si le journal tombe... pas de sonnette, je le vois direct! Si quelqu'un fait un arrêt cardiaque, je donne un cours de massage cardiaque.
Si quelqu'un est infecté? Euhhh on croise les doigts et on ne fait pas d'analyse pour ne pas trouver l'infection!