Armand Dupuy / la route si connue

Publié le 14 octobre 2021 par Angèle Paoli

la route si connue si foulée qu'elle
en devient langagière tapis sonore
chaussant nos pieds- ainsi j'arpentais
la campagne renfrognée j'archivais
les blessures le vert déjà noir des
sapins lapant nos pensées mes côtes
mandibules broyant les restes de
de mémoire de petites fleurs de talus
étoiles et clochettes qui n'en brillaient toi-j'essorais mes loques ramassais
pas moins sous l'urine des chiens
je m'enfonçais à n'y rien comprendre
tout n'était que suivre en soi les planches
ou tenir l'oiseau le nœud dans la planche
la plaie serrée mesurant nos désastres-
le dire n'était pas s'éloigner mais miser
sur l'ignorance plus que sur l'ignoré :
l'espèce d'essaim langagier-la route


et nous scrutions la nuit
de l'herbe jusqu'aux cuisses
près d'un feu sans chaleur
léchant ce pied dans la phrase
qui toujours se mêle à ce
qu'il bât- tout battait d'ailleurs :
étendards ou torches engourdies
grands papillons de nuit friction
dérapage ciel de laine grasse à faire
du beurre foncé sous mes yeux
à brouiller dans le même sac
le soir et le matin-immobile
dans les odeurs tu disais malgré tout
sans plus savoir où ta bouche m'est preuve du jour et
de la nuit m'est preuve des crues :
tout se versait alors mais

Armand Dupuy, " Détails, découpes " in Grandes boîtes bleues, linogravures de Jérémy Liron, Écri(peind)re, Æncrages & CO, 2021, pp.28,29

ARMAND DUPUY sur
[l'eau fermée] (extrait de Ce doigt qui manque à ma vue)
Mieux taire (lecture d'Isabelle Lévesque)
→ [On cherche avec les yeux] (extrait de Par mottes froides)
Présent faible (lecture d'Isabelle Lévesque)
→ 8-12 février [2017] | Armand Dupuy | [je m'entends parler du temps qu'on serre] (extrait de Selfie lent)

Source
■ Armand Dupuy
Terres de femmes