13h30 : En ce jour où la plupart de mes « semblables » sont en état de pré-coma devant la télévision, je lis L’interprétation du rêve de Freud. En tant qu’autiste Asperger, j’aurais pourtant des raisons d’en vouloir à la psychanalyse, mais, bien que conscient que la méthode du vieux père Sigmund n’est pas la panacée, je persiste à y voir un outil intéressant pour comprendre et soigner certains troubles psychiques. Cela étant, je m’étais promis de faire cette lecture à la suite d’un rêve plutôt agréable, fait suffisamment rare pour me troubler ! Or je lis que, selon Freud, le rêve est une satisfaction de désir et que si le rêve est généralement désagréable, c’est qu’il faut distinguer le « contenu manifeste » du « contenu latent », le contenu manifeste étant l’effet de l’action de la conscience qui censure le désir maintenu inconscient, celui-là même qui est exprimé par le contenu latent qu’il faut donc décoder. Par conséquent, il y a cauchemar quand le contenu manifeste et le contenu latent ne coïncident pas, le premier étant la censure du second, et il y a « beau rêve » quand, au contraire, il y a coïncidence, donc quand l’interprétation du songe s’impose pour ainsi dire d’elle-même : en d’autres termes, c’est finalement un rêve parmi les plus simples à interpréter qui m’a conduit à me documenter ! Voilà où mène le pessimisme…
Lundi 18 octobre
9h : Enfin un temps automnal, mais je n’en demandais quand même pas tant : tu restes à peine quelques secondes dehors et tu es déjà trempé ! Je sors néanmoins car j’ai promis à Côté Brest de consacrer un article à Fernand de Rodays, un journaliste parisien qui avait créé deux journaux à Brest aux alentours de la guerre de 1870. Je passe donc premièrement à la bibliothèque universitaire de lettres et sciences humaines pour y consulter un Dictionnaire des pseudonymes, espérant y trouver une notice biographique. Hélas, ce bouquin se résume à une longue enfilade de pseudos, chacun étant suivi du vrai nom de la personne qui l’a porté – comme si ça avait une espèce d’importance de savoir quel était le vrai patronyme d’Oscar Wilde ! Non seulement je n’y apprendrai rien mais, quand bien même, il me faudrait avoir les pseudonymes qui ont été utilisés par Fernand de Rodays : bien entendu, je n’avais pas pensé à les noter et, par-dessus le marché, la connexion à Internet ne marche pas dans la BU… C’est ce qu’on appelle une journée qui commence bien, quoi.
9h30 : Passage à la bibliothèque du CRBC : la consultation du catalogue en ligne n’avait rien donné, mais j’ai bien envie de consulter, à tout hasard, la collection des Cahiers de l’Iroise qui est au grand complet dans les rayonnages de cet endroit feutré comme je les aime. Bien sûr, ça ne donne rien de mieux, mais mon détour n’aura pas été inutile : j’ai en effet la chance de croiser un collègue historien qui avait écrit des articles sur Célestin Lainé, le leader nationaliste breton de sinistre mémoire, et comme j’envisage de traiter de la jeunesse brestoise de ce triste sire, je demande donc à mon collègue s’il ne peut pas m’envoyer ses écrits, ce qu’il accepte de bonne grâce ; ça n’a l’air de rien, mais c’est pour des moments comme ça que j’apprécie de fréquenter une faculté où les chercheurs ne sont pas mis en compétition, ne se tirent pas systématiquement dans les pattes et se font suffisamment confiance pour se rendre des services sans craindre qu’on s’approprie le fruit de leurs recherches…
9h45 : Il pleut toujours très fort ; je prends le bus pour gagner la BU du Bouguen où je devrais trouver un Dictionnaire de la politique française qui, je l’espère, sera plus instructif. En attendant, je suis littéralement comprimé dans le véhicule qui est plein à bloc. Quand je pense qu’il faut montrer un Pass sanitaire pour avoir le droit de boire un verre d’eau dans un bistrot, qu’il y a des affiches déconseillant les poignées de main un peu partout et que, dans le même temps, on nous laisse nous frotter au premier venu dans les transports que nous prenons au quotidien… Cette paranoïa hygiéniste n’a décidément aucun sens, je comprends mieux pourquoi on vante les bienfaits des bains de boue pour la santé.
10h : La chance me sourit enfin au Bouguen où le livre que je consulte contient une notice biographique, succincte mais bien réelle. Je m’empresse de recopier le principal, espérant tout de même pouvoir trouver des renseignements supplémentaires, au moins sur la partie brestoise de la vie de Fernand de Rodays, aux archives municipales : après tout, ce qui a donné à ma rédactrice en chef l’idée de me confier ce sujet, c’est un post publié sur la page Facebook de cet honorable service, ils doivent donc bien avoir des documents intéressants…
11h : Résumons-nous : après avoir pris des notes au Bouguen, comme le local des archives n’est pas loin, j’y suis allé à pied, malgré la pluie qui ne faiblit pas. Une fois arrivé, j’étais déjà trempé jusqu’à l’os : me pliant au règlement imbécile en vigueur même hors temps de pandémie, je suis passé au vestiaire pour y accrocher mon manteau (au moins, il allait y sécher un peu) et fourrer le reste de mes affaires dans un casier, ne gardant que papier et crayon. Première contrariété : l’humidité est telle que mon papier a pris l’eau, et mes notes sont partiellement illisibles ! Heureusement que j’ai une mémoire d’éléphant et que j’arrive à reconstituer mentalement ce qui est effacé. Ensuite, j’entre dans la salle de lecture et je demande à la personne qui assure l’accueil de me fournir les documents ayant permis l’écriture du post Facebook. Après quelques recherches infructueuses, elle me répond qu’ils n’ont rien et que la personne qui a rédigé le post avait dû se baser sur des renseignements piochés sur Internet… Quand je sors, à la déception de repartir bredouille s’ajoute la désillusion concernant le personnel des archives qui s’avère donc aussi rigoureux, dès qu’il s’agit de faire une recherche, que des élèves de quatrième ! La technomanie et le jemenfoutisme généralisés mèneront l’humanité à sa perte…
11h30 : Quelque peu désemparé, ne sachant que faire, je retourne presque machinalement à la BU de lettres où, à défaut de pouvoir me connecter à Internet, je peux au moins continuer à corriger le recueil de nouvelles de feue Geneviève. Je m’étonne du nombre de coquilles que je n’avais pas repérées lors de la première édition ! Il est vrai que je l’avais faite dans une certaine urgence, pour être sûr d’avoir au moins un résultat concret avant que ma reine ne quitte ce monde pourri… Et, une nouvelle fois, je pose un voile pudique sur les expressions pouvant prêter le flanc aux accusations de nostalgie coloniale : je laisse à la postérité le soin de me juger. En fait, je ne sais même pas pourquoi je me donne cette peine vu qu’il y aura toujours des mécontents quoi qu’il arrive : peut-être pour ma seule bonne conscience, ce qui serait déjà une raison ?
12h45 : Pour me remettre les idées en place, je descends déjeuner à la friterie où je vois un client pénétrer sans masque ! Comme personne ne lui fait de remarque et que j’ai déjà présenté mon pass sanitaire, je me promets de ne pas le remettre quand je me relèverai, na ! Le déjeuner est anti-diététique au possible (encore que je ne boive que de l’eau et ne commande même pas de dessert) mais l’absorption de ces calories a vite fait de réveiller mon esprit quelque peu engourdi par les recherches infructueuses et la marche prolongée sous la pluie : puisque j’ai tout juste de quoi alimenter un bas de page avec ce que j’ai trouvé sur François de Rodays, je fournirai à la rédaction une page entièrement axée sur la guerre de 1870, cette guerre dont on parle peu aujourd’hui pour la bonne et simple raison que la France l’a perdue – de l’année 1870, on préfère généralement retenir l’avènement d’une nouvelle république sur les ruines d’un empire de pacotille, ce qui, il est vrai, est déjà digne d’être commémoré.
13h30 : Retour à la bibliothèque du CRBC où je consulte dans un premier temps le numéro des Cahiers de l’Iroise consacré à la guerre de 1870 : jackpot, je découvre que le responsable présumé de l’incendie de l’hôtel de ville de Paris, qui s’était déclaré en mai 1871 alors que la Commune était en déroute, était brestois ! Partant du principe qu’il sera difficile de trouver un meilleur sujet, je décide de lui consacrer le gros de ma page : la rédactrice en chef devrait être « déçue en bien » comme disent les Suisses !
15h : En route pour le bercail. Je trouve une place assise dans le bus, juste à temps : le véhicule, qui passe devant Kerichen, ne tarde pas être plein de lycéens. L’un d’eux manque même à deux reprises de me tomber dessus ! Heureusement qu’on n’est pas aux États-Unis : je me serais retrouvé entouré de gosses obèses qui m’auraient étouffé avant de m’écrabouiller !
19h : J’ai rendu ma copie. J’ai expliqué à la rédac’ chef comment j’en étais arrivé à faire un pas de côté par rapport à la voie qu’elle m’avait tracée, elle m’a félicité d’avoir su rebondir : ça fait toujours plaisir ! Dans la foulée, elle m’a annoncé qu’il n’y aura pas de page histoire dans le prochain numéro et que je pourrai donc lever le pied : ça représente une rentrée d’argent en moins pour moi, mais avec toutes les émotions que j’ai eue aujourd’hui, un jour de repos est bienvenu !
Mardi 19 octobre
9h : On m’avait bien annoncé qu’un colis m’arriverait dans la matinée : comme j’en attends deux qui me tiennent à cœur, je n’allais pas rater la réception. De fait : on sonne à la porte, j’ouvre, un facteur me remet un paquet, je ferme, je déchire l’enveloppe avec une frénésie pleine d’espoir… Et j’en sors les deux BD dont un emmerdeur me réclamait le remboursement alors que je ne lui avais même pas menti sur l’état de la marchandise. Quelque peu déçu, je les remets en vente sur Internet, en précisant bien cette fois qu’elles sont issues du fonds d’une médiathèque et que ceux qui prennent les livres pour des bibelots à exposer sont priés de passer leur chemin !
Mercredi 20 octobre
8h30 : Renverser son bol à déjeuner, voilà un accident qui arrive tous les jours – je viens de le vivre. Seulement, je dois être coutumier de ce genre de maladresse car j’ai une sale manie : trop souvent, je ne regarde pas ce que je fais ! Quand je cherche quelque chose dans mes poches ou dans mon porte-monnaie, il m’arrive souvent de fouiller à l’aveugle et de ne me décider à regarder que quand je galère complètement. Et je sais d’où ça vient : dans les bandes dessinées que j’ai lues et relues moult et moult fois dans mon enfance, je voyais souvent le héros exécuter ce genre de geste en parlant d’autre chose ou en regardant ailleurs et, inconsciemment, j’ai reproduit cette attitude qui n’a strictement aucun sens… Voilà un « souverain poncif » auquel le vieux Frémion n’avait pas pensé à l’époque où il les épinglait sous un de ses innombrables pseudonymes idiots dans Fluide Glacial et qui a dû déteindre sur des milliers de lecteurs persuadés qu’il était possible d’exécuter n’importe quelle tâche tout en ayant son attention concentrée sur autre chose… On n’avait pas complètement tort d’accuser la bande dessinée de donner le mauvais exemple aux enfants, mais on se trompait lourdement en l’accusant de mener à la délinquance : même le lecteur le plus attardé est capable d’assister à une scène de fusillade sans avoir envie de la reproduire, mais le lecteur le plus intelligent n’est pas à l’abri de prendre une mauvaise habitude encouragée par une vision déformée de la réalité. La BD ne rend pas idiot, elle ne rend pas violent, mais elle peut rendre maladroit si on la lit au premier degré – cette dernière nuance est très importante : ce n’est pas la BD qui est condamnable mais la lecture non-éclairée qui peut en être faite, et c’est bien pour ça que je pense que les cours que je donne sont importants… Je prêche pour ma paroisse et alors ?
15h : Relevant mon courrier, je découvre qu’on m’a enfin livré le second colis que j’attendais : le n°2 de Fluide Glacial, paru en 1975 ! Je ne convoite pas le numéro 1 dont je possède déjà un fac-similé, mais ce numéro 2, qui n’a jamais été réédité, constitue une pièce maîtresse de ma collection. J’ai fait une folie, mais je ne le regrette pas : je l’aurais acheté tôt ou tard de toute façon et je suis ravi de pouvoir enfin lire dans son intégralité le roman-photo Fraulein Frankenstein dans lequel Claire Bretécher jouait un prince charmant ! Je me garde cependant bien d’être nostalgique en feuilletant ce numéro : la plupart des auteurs qui y sont publiés sont morts, on peut le regretter mais on ne peut rien y faire, et j’avoue avoir du mal à rentrer dans les pages de Mœbius et de Masse, deux auteurs que j’admire sans vraiment réussir à les aimer…
17h : Je sors, quelque peu contrarié : j’ai fait une nouvelle tentative pour réaliser le montage que je projette de mettre en couverture de mon recueil de carnets et j’ai une nouvelle fois échoué, notamment parce que le logiciel a planté alors que je tenais enfin le bon bout. Je note : toujours sauvegarder au fur et à mesure ! À force d’apprendre à chaque fois quelles erreurs ne pas commettre, je vais bien finir par y arriver ! En attendant, je me retrouve gros-jean comme devant et je prends du retard sur d’autres projets de livres qui comptent pour moi… Bref, c’est dans des dispositions mitigées que je prends le bus pour aller au cours du soir : jusqu’à présent, j’y allais à pied, mais là, le temps est trop incertain. J’avais prévu un itinéraire qui me faisait faire un détour important mais me garantissait d’arriver à l’heure sans avoir à marcher trop longtemps : mais bien entendu, rien ne se passe comme prévu ! Le premier bus est en retard, il y a une déviation… Bref, je décide de descendre au premier arrêt qui se présente tant que je ne suis pas trop loin de l’école. Et je me tape vingt minutes à pied en chaussures de ville, dans le froid et le vent, le tout avec l’angoisse d’arriver en retard… Décidément, on ne peut faire confiance à personne.
21h30 : Quelle soirée ! Une fois sorti du cours du soir, il m’a fallu affronter le vent et la pluie qui constituaient la bande-annonce de la tempête prévue pour cette nuit : hors de question de faire une longue route à pied dans ces conditions, j’ai donc fait un détour par le centre-ville, avec arrêt dans une crêperie pour dîner. Une fois rentré, la sagesse la plus élémentaire m’aurait conduit à me blottir sous la couette et à me disposer à passer une bonne nuit, d’autant que demain, au programme, j’ai du ménage le matin et plusieurs courses en ville l’après-midi. Mais je suis aussi masochiste que déraisonnable et je préfère expédier tout de suite une corvée, à savoir photographier mes croquis et les mettre sur mon disque dur – par principe, je garde une copie numérique d’à peu près tous mes travaux. Fatalement, je tombe dans l’embuscade : je consulte mes messages et je me retrouve, une nouvelle fois, à servir d’intermédiaire entre deux correspondants qui ne communiquent plus directement entre eux… Je réalise une chose : à force de ne me fâcher avec personne, d’être gentil avec tout le monde et de ne jamais choisir mon camp en cas de conflit, je sers de tampon entre tous les gens fâchés que je fréquente ! En clair, à force de vouloir éviter les ennuis à tout prix, je les attire de plus belle… Je comprends un peu mieux ces bons messieurs de l’ONU, maintenant !
Jeudi 21 octobre
13h30 : En route pour un nouveau périple dans la jungle métropolitaine océane… En sortant, je croise un monsieur qui m’annonce que la maison de la vieille folle, actuellement condamnée et protégée par une porte blindée sans doute pour décourager les squatteurs (qui, pourtant, seraient sûrement moins dangereux que l’ancienne occupante qui a failli m’ouvrir le crâne avec une boîte de conserve), va bientôt être détruite. Je ne saute pas systématiquement de joie quand il est question de raser une vieille bâtisse, mais au vu des mauvais souvenirs qui sont associés à cette demeure, je ferai une exception !
14h30 : Je récupère un colis dans une épicerie : il s’agit de l’almanach 1992 de Pif poche dont je possédais un exemplaire quand j’étais petit et que j’ai massacré dans mon infantile inconséquence. À cette époque, Pif était déjà sur le déclin et l’intérieur de ce fascicule se distingue par l’austérité de sa présentation qui trahit un manque croissant de moyens : papier journal, impression en noir et blanc… Et pourtant, je prends un réel plaisir à parcourir ces pages désuètes : les gens de Pif ne prenaient par les gosses pour des cons, ils ne leur parlaient pas avec démagogie. Et j’avoue que j’aime à me replonger dans l’ambiance de 1992 : je ne dirais pas que c’était une belle année, mais c’était une époque intéressante, avec les pays de l’Est qui se libéraient, les commémorations de la découverte de l’Amérique, l’exposition universelle à Séville… J’avoue que la nostalgie me gagne parfois, quand je suis las de cette époque hyper-connectée : aujourd’hui, les gosses n’en ont rien à foutre d’un magazine qui leur propose des jeux, des fiches bricolages, des BD, des blagues, des astuces, des infos et tout le toutim, ils ont tous ça en mille fois plus grand sur leurs smartphones… Ecrasons une larme.
15h : Visite à un ami galeriste qui fut, comme moi, un proche de Geneviève Gautier : nous exposons nos projets respectifs pour faire vivre la mémoire de celle que mon interlocuteur désigne à juste titre, comme une « héroïne de roman » et je ne suis pas long à constater qu’il a les larmes aux yeux en parlant de notre défunte reine ! Venant d’un homme aussi jovial deux mois après le décès de l’intéressée, ça me fait un choc : je comprends alors que je n’ai moralement pas le droit d’abandonner la mémoire de Geneviève…
17h : Conférence de Jean-Yves Besselièvre sur le blocus de Brest et son traitement dans le roman historique anglais : la Grande-Bretagne avait tout lieu d’être fière de cette opération qui avait sérieusement embarrassé la France napoléonienne ! J’avais déjà traité de ce blocus dans Côté Brest, mais les propos de l’orateur m’ouvrent de nouveaux horizons. La conférence est organisée par la SEBL dont le vice-président d’honneur me félicite pour mes articles : il ne se passe pas un jour sans qu’on me complimente pour mes chroniques historiques, mais quand ça vient d’un spécialiste, ça prend une résonnance supplémentaire. Encore une activité à laquelle je n’ai pas le droit de renoncer…
Vendredi 22 octobre
13h30 : Ce n’est pas moi qui donne cours aujourd’hui, mais je suis quand même venu pour essayer le projecteur avec mon ordinateur sous l’œil du technicien. Mais celui-ci ne se présente pas et, au bout d’une demi-heure, je dois céder la place à Kris pour le cours… Quelque peu contrarié, je fonce au rez-de-chaussée pour assister à une soutenance de thèse.
14h : Devinez qui je retrouve dans la salle des thèses ? Et oui, le technicien ! Celui-ci est en train d’essayer de faire fonctionner la visioconférence, car l’un des jurés va suivre la soutenance à distance… Dans ces conditions, je ne peux évidemment pas lui en vouloir d’avoir manqué notre rendez-vous. En revanche, j’en veux doublement au juré qui n’a pas fait la route jusqu’à Brest et met tout le monde ne retard : il y a une jurée canadienne qui est physiquement présente, alors pourquoi pas lui ?
14h30 : La soutenance commence enfin : il s’agit de la thèse de Jérémy Cornec, consacrée aux séries télévisées post-apocalyptiques, j’ai ainsi l’occasion, assez rare, d’entendre parler d’un monde qui n’est pas le mien mais qui semble être devenu la norme ici-bas, celui des abonnés aux plateformes de streaming qui gardent le smartphone à portée de main pour commenter les fictions avec d’autres fans au fur et à mesure du visionnage… Je réalise non seulement à quel point je suis désuet mais aussi à quel point j’espère le rester.
19h30 : Après avoir arrosé l’obtention par Jérémy du titre de docteur, je retrouve Matthieu Le Donge chez Crêpes & Cakes : ça a beau être plus centré, il y a beaucoup moins de monde qu’aux Chais d’Iroise et, mis à part moi-même, seul le « fan club » du chanteur semble vraiment motivé. Comme, par-dessus le marché, je porte encore sur mes pauvres épaules le poids des émotions de la semaine, j’ai un peu de mal à me mettre dans l’ambiance, nonobstant le talent de mon copain Matthieu. De toute façon, l’endroit sent fort le petit doigt en l’air et ne se prête pas tellement aux soirées endiablées : bref, heureusement que j’ai mon carnet de croquis pour rester éveillé.
Samedi 23 octobre
15h30 : Me voici donc à Porspoder, d’où j’écris en ce moment, pour l’édition automnale de Arts pluriels à laquelle on m’avait demandé de venir participer : voilà plus de quatre heures que je suis assis à mon stand dans cette salle polyvalente transformée en salon d’exposition. Il ne passe pas grand’ monde mais peu me chaud : toute occasion de présenter mon travail, même devant un public clairsemé, reste une vengeance sur tous ces mois volés. À la limite, le faible passage me gêne moins que les rires des rares personnes présentes : je ne comprendrai jamais comment font les neurotypiques pour s’esclaffer toutes les cinq minutes, même quand ils échangent sur des sujets graves, sans même être incommodés par l’acoustique d’une salle qui résonne…
18h30 : Je repars, conduit par mes parents qui ont eu la gentillesse de me voiturer. Avec quatre livres vendus, le bilan n’est pas négatif et j’ai pu constater que mon travail intéressait les visiteurs : on dira ce qu’on voudra, mais Internet ne remplacera jamais ce genre de rencontre…