Lancelot est resté secoué par cette rencontre. Il lui a fallu plusieurs jours pour digérer les réponses des uns et des autres... Et surtout, finalement, le manque de réponses satisfaisantes.
Comment peut-on ainsi échanger et mettre en perspective des arguments idéologiques qui sont en train de se mettre en œuvre et de transformer notre vie et qui vont nous donner des raisons de vivre ou de mourir, ou de tuer...
Peut-on d’ailleurs imaginer, ou espérer même, pouvoir se comprendre, et négocier quelque chose de recevable... Alors que l'enjeu est existentiel !
Lancelot assume mal, notre apathie, qui ne répond en rien à l'urgence du moment.
Et plus profondément, Lancelot est insatisfait de lui-même... Sur quels fondements repose sa foi en la vie ? Un socle qui lui permettrait d'être certain de ses convictions, de ne plus avoir peur et d'être mu par un volonté de servir la vérité... ?
Ne s'agit-il pas également des fondements de notre société d'après-demain ! Pour demain, que peut-ont-on attendre d'états fascistes en guerre les uns contre les autres, sinon le chaos ? Et donc, aujourd'hui, n'est-il pas essentiel d'être sûr de nous, pour ce que nous allons décider ?
Lancelot ne s'est jamais senti aussi proches de ses chevaliers, qui errants et en Quête, étaient plus ou moins prêts à suivre l'Aventure qui allait les conduire à une rencontre, à une épreuve, et leur donner le sens et même l'objet de la Quête...
Lancelot a la chance de pouvoir partager son trouble, ses incompréhensions avec sa mère, et avec Elaine.
Anne-Laure connaît bien l'Allemagne, et ses philosophes; la conception du monde d'Hitler, dit-elle est une macédoine d'ingrédients germaniques : l'esprit guerrier pour exalter le surhomme aryen, l'idée d'un état qui s'impose sur l'individu, le conflit des races comme force de l'histoire, le dogmatisme médiéval des Eglises chrétiennes réfuté par Kant. De Fichte, Hitler aurait repris le nationalisme, et l'antisémitisme... Et Schopenhauer lui aurait appris qu'il fallait glorifier la volonté plus que la raison...
Bien sûr, ce fatras d'idées philosophiques pourraient être démenti par chacun des philosophes qui en seraient, dit-on, l'inspirateur : de Nietzsche à Hegel, de Fichte à Kant ; ils ne s'y retrouveraient pas ! - Je ne pense pas, dit-elle, que la pensée allemande soit responsable de la déraison nazie...
Je me demande si la responsabilité ne tient pas à l'élaboration occidentale d'une eschatologie de l'histoire qui se présenterait comme une théologie sans Dieu, et qui satisfait aux aspirations de beaucoup, aujourd'hui... ?
Kant pointe une maladie, qu'il appelle le ''fanatisme moral'' et qui consiste à se sentir possédé par le bien, sans ressentir de contrainte morale, et à exalter le sacrifice de soi... D'ailleurs, Kant dénonce le choix qui en a été fait pendant la Révolution...
- Tu remarques, que les nazis n'osent pas rejeter le monument qu'est Kant ; pourtant en totale contradiction... Le ressort de la morale, c'est l'universalisme ( impératif catégorique) ; alors que pour eux, c'est le Führer - porte parole du peuple - qui est le garant de ce qui est bon pour le peuple ( allemand).
Pour Elaine, nous avons besoin de comprendre la finalité des enjeux qui se posent aujourd'hui, nous avons besoin de raison, donc de philosophie; mais nous avons besoin de sens, donc de théologie.
Pourquoi ne pas revenir aux sources de notre Tradition : Aristote, Thomas d'Aquin ...
Maritain pointe le néo-paganisme antisémite et anti-chrétien de l’hitlérisme : « Il rive les hommes à des catégories et à des fatalités – biologiques – auxquelles aucun usage quel qu’il soit de leur liberté ne leur permet d’échapper. »
Tu remarques, note Lancelot, que les nazis semblent fasciné par l'antiquité, plutôt grecque; et élaborent un curieux mélange gréco-germain. Pour eux, le christianisme - avec sa doctrine universaliste et égalitaire - serait une invention juive pour subvertir l'ordre hiérarchisé germain...
Les chrétiens, reconnaît Lancelot, ont la chance de connaître la ''fin''... Une fin inaccessible à la raison, car au-delà de notre existence... Cette connaissance est offerte par la Révélation : elle est pour tous, mais elle est théologique... Est-il possible que Théologie et philosophie se complètent naturellement... ?
- Thomas d'Aquin nous ouvre une porte . Enfin, c'est Maritain, via Thomas qui – pour moi – le fait, répond Elaine
Lancelot rencontre un prêtre.
- Vos politiciens parlent de nationalisme ; les chrétiens s'intéressent à l'humanité, l'humain transcende la nationalité. La Vérité n'intéresse pas Hitler, il pense que c'est lui qui construit la vérité. Il pense que la guerre va lui permettre d'affirmer cette vérité. C'est une folie...
Le prêtre demande à Lancelot ce qu'il aimerait devenir : Président du Conseil, Général..., un héros ? Lancelot, ne sait pas...
Le prêtre lui dit : moi, j'aimerais devenir un saint..
Lancelot répond : « j’aimerais apprendre à croire ».
Le prêtre ajoute : vous êtes plus près du but, que moi... Puisque le christianisme n'est pas réservé à une élite, il est ouvert à tout homme désireux de devenir humain, pleinement humain...
Pourtant, dit le prêtre, vous n'y arrivez pas seul ; c'est bien ça ? Ce manque que vous ressentez me dit, que vous êtes prêt du but que vous recherchez...
Il est difficile de savoir à quoi l'on croit et si l'on croit vraiment...
Qui est Jésus-Christ pour aujourd'hui... quel rapport entre la foi et le fascisme ( qui est un monde sans Dieu )... Comment ce monde s'accomplit-il en Dieu ?