Michael Krüger / Mes villes d'Europe

© Gilles Peress / Magnum Photos

über der Stadt stehen gelassen,
man empfängt ihn mit offenen Händen.
Ich besuche den Dichter Izet Sarajlić,
auf dem Friedhof der Atheisten.
Reden wir nicht von Gerechtigkeit,
sagt er, sie ist klein wie eine Haselnuss
und leer. Von seinem Nachbarn
ist nur die linke Hand begraben,
der Rest war nicht aufzufinden im Krieg.
Das Bosnische Totenbuch besteht
aus tausend wortgewaltigen Tränen,
die wollen die Erde zermürben,
bevor der Muezzin ruft zum Gebet.
Nach Mitternacht ein kyrillischer Regen,
er schmeckt nach Hafermehl und Minze
und wird vom Teufel serviert.

les fumées de charbon de bois,
on les reçoit à mains ouvertes.
Je rends visite au poète Izet Sarajlić,*
au cimetière des athées.
Ne parlons pas de justice,
dit-il, elle est aussi petite qu'une noisette
et vide. De son voisin
n'est enterrée que la main gauche,
on n'a pas retrouvé le reste en pleine guerre.
Le livre des morts bosniaque,
des milliers de larmes reflétant la force des mots,
qui veulent éroder la terre,
avant l'appel du muezzin pour la prière.
Minuit passé, une pluie cyrillique
au goût de farine et de menthe,
et servie par le diable.

* Sarajlić (1930-2002): poète, traducteur, essayiste et historien de la philosophie; auteur notamment du Livre des adieux et de Recueil de guerre sarajévien (Grisons)

Michael Krüger, Mes villes d'Europe / Mein Europa,
Poèmes traduits et présentés par Joël Vincent, Éditions Alidades, Bilingue.

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