Lorsque Lancelot lui parle de son intérêt pour la littérature et la spiritualité médiévale ; Simone Weil montre alors un enthousiasme rare chez les intellectuels du moment : elle parle même du « génie de la civilisation d'Oc », qui a su mêler « la chevalerie venue du Nord et les idées arabes, et qui ressemble à une petite réplique de la Grèce Antique »
Pour Simone Weil, le Christianisme a redonné vie à l'héritage grec ( contre Rome). Ensuite, la renaissance carolingienne s'ouvrait à une civilisation de liberté spirituelle, la seule tradition chrétienne vivante et libre... Puis, l'Europe a fait le choix de la force, contre l’esprit, de « l’alliance du trône et de l’autel ». Alliance impossible, puisque ce n'est pas la même logique !
Le catharisme s'opposait à cela, en pays d'Oc « Les richesses spirituelles affluaient de toutes parts sans obstacle. La marque nordique est assez visible dans une société avant tout chevaleresque ; l’influence arabe pénétrait facilement dans des pays étroitement liés à l’Aragon ; un prodige incompréhensible fit que le génie de la Perse prit racine dans cette terre et y fleurit, au temps même où il semble avoir pénétré jusqu’en Chine. »
La « civilisation chevaleresque » de l’Occitanie médiévale s'opposait à la centralisation ; elle estimait que, ce que les seigneurs « désignaient par patrie ; ils l’appelaient langage » : un langage commun.
Le roman et les gothique représentent deux options religieuses antithétiques au sein du monde chrétien.
L'art roman, comme l'amour courtois est inspiré par l'amour surnaturel, qui est attente et nécessite le consentement. Les troubadours appelaient cet amour : Merci.
L'art roman, n’a aucun souci de la puissance ni de la force, mais uniquement de l’équilibre ».
A l'inverse, « Le Moyen Âge gothique, qui apparut après la destruction de la patrie occitanienne, fut un essai de spiritualité totalitaire »
Lancelot, aborde le conte du Graal ''Perceval '' de Chrétien de Troyes. Simone Weil semble mieux connaître le Parsifal de Wagner. Il parle de La Coupe, et elle voit plutôt une Pierre.
Je rappelle qu'au château du Graal, Munsalvaesche, le roi du Graal, Anfortas, souffre d’une blessure faite par une lance empoisonnée, et dépérit. Parzival observe dans le château maintes choses merveilleuses, avec le Graal ( pas défini), qui pourvoit toute la compagnie abondamment de mets et de boissons. Parzival se garde de poser quelque question que ce soit... Le lendemain matin, le château est vide.
Au livre XV, Parzival retourne au château du Graal et par la question salvatrice : « Mon oncle, quel est ton tourment ? », délivre Anfortas de son supplice.
Pour Simone Weil, le sujet de cette histoire c'est la découverte de l'attention à l'autre, la charité.
« La plénitude de l’amour du prochain, c’est simplement d’être capable de lui demander « Quel est ton tourment ? ». C’est savoir que le malheureux existe, non pas comme unité dans une collection, non pas comme un exemplaire de la catégorie sociale étiquetée « malheureux », mais en tant qu’homme, exactement semblable à nous, qui a été un jour frappé et marqué d’une marque inimitable par le malheur. Pour cela il est suffisant, mais indispensable, de savoir poser sur lui un certain regard. »
Le Conte du Graal, met en question une énigme à deux niveaux... Il ne s'agit pas seulement, de trouver une réponse à une question... Il s'agit d'abord de trouver la Question. Et la question n'est pas forcément la même pour chacun...
Pour Simone Weil, sans-doute, sa question concerne le mal, le malheur précisément.
Pour Perceval, j'y vois une question en lien avec la culpabilité ( la mort de sa mère) ; et la réponse en lien avec la Grâce...
Lancelot, cherchait encore sa question : elle commence à résonner ( raisonner) en lui : '' Qu'est-ce que l'homme '' ( l'homme que je suis...) ?
Il faut préciser que '' La Question '' n'est pas Le Graal.
Simone Weil, prévient Lancelot :« La quête du Graal, peut être un détournement, ou un dévoiement, de l’attention. Vouloir trouver le Graal, c’est privilégier la volonté au détriment de l’attention. » ( M.Zinc) L'exemple type, dans le conte, en est Gauvain.
Au début de la Quête, « Perceval ne sait pas que les êtres existent... », insiste Simone Weil.