Jacques Ancet / Perdre les traces

Publié le 12 décembre 2021 par Angèle Paoli

Seul, avec le noir de nuit qui persiste dans
le jour. Seul, même avec, à côté, le
pied, la main, le visage, le partage du
silence, chaque objet dans son contour.
Seul avec la voix qui parle.

Le bruit sec que fait la tasse. C'est bien,
dit-il, c'est très bien. Et maintenant que
fait-on ? Du jour est tombé un voile gris.
Personne n'entend rien ni ne comprend rien
d'ailleurs. Il regarde, il ne voit pas.

Parfois il voit la lumière : elle vient sans qu'il
l'attende. Elle est là sur une feuille, sur le
sol ou sur les doigts. Il ne compte plus. Les
nombres se sont perdus. Il attend pro
nonce un mot - et l'oublie.

Il arrive au bout. Il va tourner la page, au
sens propre, au sens figuré aussi. Tour-
ner, oui. Un peu de vent pourrait l'aider.
La lumière tremblante, le bruit du sang
ou soudain, tout près, ce rire...

Jacques Ancet, Perdre les traces, La rumeur libre, 2021, pp.14,15,16,17