18h : Il fait déjà nuit, je me mets en route pour me rendre à l’anniversaire d’un ami. Avant de prendre le bus, je tombe sur l’affiche des antivax, je cite de mémoire : « Pour la première fois dans l’histoire, l’inefficacité d’un produit pharmaceutique va être reprochée à ceux qui ne l’ont pas pris »… Leurs arguments sont décidément débiles : depuis le mois de mai, il n’y a eu ni reconfinement ni nouveau couvre-feu ! Si on ne le doit pas à la vaccination, on le doit à quoi ? A l’opération du Saint-Esprit, peut-être ? Et puis on nous avait bien prévenus que la vaccination ne mettrait fin que progressivement à l’épidémie, on ne peut même pas parler de publicité mensongère ! Les antivax me font de plus en plus penser à ces paysans qui accueillaient les médecins à coups de fourche voire les accusait de sorcellerie…
19h : Comme (presque) toujours, je suis arrivé le premier. Mon hôte, avant même d’ouvrir mes cadeaux, m’en offre un totalement inespéré : un album de Louison Cresson dédicacé par l’auteur ! J’avais découvert cette série dans le Spirou des années 1990 et j’avais trouvé géniale cette bande dessinée qui faisait revivre la France des années 1950 sans l’idéaliser ; c’est peut-être pour ça, d’ailleurs, qu’elle n’a pas eu le succès qu’elle méritait : les Français sont tellement persuadés que leur pays était un paradis en ce temps-là qu’ils ne supportent pas qu’on remette en cause cette croyance, même sur un ton badin… Bref : en feuilletant le livre, je comprends que Léo Beker, l’excellent créateur de Louison Cresson, a décidé, 27 ans après l’arrêt de la série par les éditions Dupuis, de rééditer lui-même les cinq albums déjà parus en attendant d’en réaliser un nouveau. Je découvre aussi qu’il s’est installé… A Lanildut ! Un auteur de BD de génie s’est installé dans ma région, qui plus est dans une commune où j’ai mes entrées, et je ne le savais même pas, je suis impardonnable ! Décidément, se couper du monde n’a pas que des avantages ! Voilà une personnalité qu’il me faudra recontacter… Si j’en ai le courage.
20h30 : Tous les invités sont arrivés, la soirée bat son plein, j’ai eu mon petit succès avec mon discours et les dessins que j’ai offerts à mon hôte. Conscient de vivre une situation qui aurait été impossible il y a un an à la même époque, j’ai le sentiment de prendre une sacrée revanche ! Mais malgré la bonne ambiance, il est assez vite question des vaccins et de leurs effets secondaires : décidément, il est impossible d’oublier complètement la situation. Je pourrais répliquer que les effets indésirables sont peu de chose en comparaison de ce que les vaccins nous ont déjà fait gagner, mais je préfère ne pas en rajouter pour qu’on puisse changer de sujet le plus vite possible…
Dimanche 19 décembre
14h : Aujourd’hui, journée d’écriture au calme : des discours, des poèmes, des petits textes que je tiens à boucler avant de partir en vacances de Noël… Bientôt, je n’aurai plus aucune affaire courante à traiter et je serai enfin tranquille. C’est bête, mais j’en tire une jouissance et une fierté infinies ! Je suis tellement habitué à avoir dix milles de choses en tête que la perspective d’avoir l’esprit libéré me rend heureux comme un roi…
Lundi 20 décembre
10h : Pour assurer l’édition de rentrée de Côté Brest (prévue pour le 12 janvier), j’improvise, dans une relative urgence, une page historique largement inspirée par les plus récentes évocations de l’histoire de Brest dans les médias, dont une émission diffusée récemment sur Arte. J’ai notamment découvert, grâce à ces sources, que l’ancêtre breton de Jack Kerouac, celui dont il avait cherché infructueusement les traces, avait dû fuir la France après avoir été accusé de viol au cours d’une soirée un peu trop arrosée : on est loin de l’ascendance glorieuse dont rêvait l’auteur de Sur la route ! De quoi donner de l’eau au moulin des bourgeois qui considèrent que les auteurs de la beat generation n’ont produit que de la littérature de voyous et s’imaginent que tous les représentants d’une même lignée se ressemblent…
14h : Ayant besoin d’un certificat médical pour reconduire ma RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé), je me rends au cabinet médical où officie mon « médecin traitant ». Je le mets entre guillemets car, en bientôt trois ans de vie à Lambézellec, j’ai dû consulter une seule fois ce bon docteur ! Et la moyenne ne va pas augmenter tout de suite : à peine arrivé, on m’annonce qu’il est absent et que c’est une remplaçante qui va me prendre en charge. Je m’attends à être reçu par une jeune femme fraîchement diplômée qui me fera des salades à propos de la visière que je porte en lieu et place du masque chirurgical que presque tout le monde arbore : à ma grande surprise, la remplaçante est une femme plutôt âgée, comme quoi même les professions médicales sont concernées par les retraites de misère, et elle ne me dit rien pour ma visière qui avait tant scandalisé les conducteurs de car… Les plus tatillons ne sont pas ceux que l’on croit ! Quand j’explique à la docteure de quoi j’ai besoin, je m’attends à des difficultés qui ne viennent pas : il faut dire que j’explique assez vite à cette dame que je suis très mal à l’aise avec les formalités administratives, que je me contente donc d’appliquer les consignes sans chercher à les comprendre et qu’il ne faut pas me poser plus de questions. Bref, je repars sans problèmes avec mon certificat médical et je peux poster mon dossier à la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées). Malgré mon soulagement, je ne peux m’empêcher de maugréer : j’ai absolument besoin de ma RQTH pour mon projet professionnel et ça me fait suer d’avoir été obligé de me déplacer jusqu’à un cabinet médical, qui n’est quand même pas un lieu des plus agréables, pour un malheureux bout de papier que trois personnes liront dans le meilleur des cas… Vive l’administration française qui a si bien montré son efficacité au début de la campagne de vaccination !
14h30 : Une fois sorti du cabinet, je décide de me rendre directement à la poste pour en finir pour de bon avec cette formalité : le plus simple pour moi est de traverser la cité scolaire de Kerichen et de me rendre au bureau postal du centre-ville. Bien entendu, la cité scolaire est presque déserte, vacances scolaires obligent, mis à part les ouvriers qui travaillent à la construction du nouvel internat : j’ai ainsi l’occasion de les voir installer la laine de verre pour l’isolation, ce à quoi je n’avais jamais eu l’occasion d’assister. Les métiers du bâtiment sont décidément périlleux et délicats, c’est presque un miracle qu’il n’y ait pas davantage d’accidents mortels ! Je ne sais pas combien sont payés ces travailleurs, mais ce n’est sûrement pas assez ! Je pourrais être amer, mais je préfère ricaner en pensant à la tête que ferait le proviseur du lycée classique, qui m’a déjà refusé l’accès à son établissement par peur du Covid, s’il savait que j’ai traversé la cité scolaire sans rien demander ni même mettre de masque !
15h : Devant la poste, un artiste de rue fait des bulles : l’affluence en centre-ville que provoque le marché de Noël lui procure un public plus que respectable. Il me reconnait et me salue, mais je ne l’identifie pas : cette situation est plus que fréquente en ce qui me concerne ! Avant, je trouvais ça embarrassant, mais je n’oublie pas qu’il y a un an à la même époque, je n’aurais même pas eu la possibilité de croiser un artiste de rue ni même le public d’un marché de Noël, alors je passe outre ! C’est fou comme on relativise les choses quand on sort d’une situation surréaliste…
Mardi 21 décembre
14h : Passage à Oustélio, l’imprimerie du port de commerce, pour demander l’impression de deux livres un peu particuliers (un exemplaire de chaque seulement) dont je compte faire cadeau : la jeune femme qui m’accueille semble perdue quand je lui dis que je n’ai pas besoin de devis et que leur prix sera le mien ! Comme je sais ce que c’est d’être perturbé par une demande inhabituelle, je me fais doucereux pour ne pas troubler davantage la demoiselle, jusqu’à ce qu’une collègue arrive et explique que le devis est obligatoire : je réponds qu’il n’y a pas de problème et que je me plierai à la procédure ! Je ne suis pas si difficile à vivre, quand on m’explique simplement les choses…
22h30 : Alors que je feuillette de vieilles BD pour trouver le sommeil, je reçois un coup de fil ! Quelque peu désarçonné et ne pensant pas avoir affaire à un démarcheur à une heure aussi indue, je décroche : c’est une admiratrice qui tient à me parler après m’avoir vu dessiner dans un bar. Je vous passe les détails de la conversation, mais j’ai pu entendre à quel point la peur du virus est encore sensible : ayant la flemme de contre-argumenter, j’ai préféré changer de sujet assez vite… Il me tarde de retrouver mes parents et d’oublier un peu toute cette merde.
Mercredi 22 décembre
15h : Le ménage est fait et je n’ai absolument rien à faire en attendant de descendre en ville pour ma dernière « obligation » avant de rejoindre mes parents à Guilers. Alors, pour passer le temps, je lis l’album Siné jazzmaniaque que j’ai acquis dans une solderie : en lisant les chroniques publiées dans Jazz hot puis Jazz magazine, je suis impressionné par l’intelligence et la subtilité dont Siné faisait montre pour défendre ses points de vue ! Il ne faut pas s’arrêter à son franc-parler : il savait vraiment débattre et opposer des arguments pertinents à un adversaire. J’ai beau être un peu largué à cause de mon ignorance crasse du jazz et mon absence totale d’oreille musicale, son analyse de la cause des Afro-américains n’a pas pris une ride, pas plus que sa critique de Johnny Hallyday, qu’il juge « infect à tout point de vue », c’est-à-dire aussi bien d’un point de vue musical que d’un point de vue éthique – relisez les paroles de « Cheveux longs, idées courtes » et vous verrez à quel point cette chanson, dans le contexte des années 1960, avait tout pour caresser dans le sens du poil les vieux réacs de l’UNR… Je devrais relire Siné plus souvent, histoire d’aiguiser régulièrement ma hargne contre la médiocrité qui a tendance à s’émousser au contact de certaines fréquentations…
18h45 : Me voilà en route pour le port de commerce : j’ai promis de venir à La Raskette pour la dernière scène ouverte de l’année afin d’y proposer des caricatures et des slams. Mais au moment où le bus devrait tourner pour descendre vers le port, il poursuit tout droit, en direction du château ! Je comprends que je me suis trompé de bus et que, machinalement, j’ai emprunté la ligne que je fréquente habituellement pour aller de Lambé au centre-ville : j’en ai eu marre d’attendre dans le froid, et quand un bus a enfin daigné se présenter, je suis monté dedans sans réfléchir… Je descends au premier arrêt et je me traite de con, mais je me dis que ça n’arriverait pas si le port de commerce, qui est quand même un des poumons historiques de la ville, était mieux desservi ! J’ai déjà connu de meilleurs débuts de soirée…
22h45 : Malgré un commencement peu prometteur, j’ai finalement passé une très bonne soirée : mes slams et mes caricatures ont eu leur succès, il y a même deux gosses qui m’ont demandé des autographes ! Mais l’heure est venue de rentrer : je me rends à l’arrêt de bus. Le véhicule est à deux pas, mais je n’ai pas le droit de monter dedans avant qu’il ne se soit lui-même présenté devant l’arrêt de départ… C’est absurde et d’autant plus désagréable que la conductrice se décide enfin à partir avec cinq minutes de retard ! Pire, quand elle me voit avec une écharpe sur le visage en lieu et place d’un masque, elle est horrifiée : je serais entré avec une kalachnikov, elle aurait crié moins fort ! Elle me demande pourquoi je n’ai pas de masque : je lui réponds que je suis déjà en retard et qu’elle ne va pas chipoter alors qu’il n’y a pas d’autre voyageur à part moi ! Comme elle insiste, je me résous à enfiler ma visière, que je ne mets plus que dans les lieux où ce n’est pas négociable, mais ma bonne humeur est sérieusement entamée par le zèle à géométrie variable de cette chauffeuse…
Jeudi 23 décembre
15h : Me revoici à Guilers, au domicile familial. Retrouver le cocon parental et oublier un instant le contexte de paranoïa dans lequel nous vivons encore me procure une réconfort incomparable : quand je me suis installé à Lambézellec, j’ai fait mon malin, mais la crise sanitaire m’aura montré à quel point la famille m’est encore indispensable…
Vendredi 24 décembre
14h : En attendant l’heure du réveillon, je lis les deux tomes de Tiempos malos qui m’ont été prêtés par mon ancienne prof d’espagnol : en lisant cette BD de Carlos Gimenez consacrée à la vie (ou plutôt la survie) des civils pendant la guerre d’Espagne, j’en arrive à me désintéresser de l’issue de ce conflit ! Pour les Espagnols de base, ceux qui ne voulaient pas la guerre et ne demandaient rien si ce n’est à vivre, l’enfer n’a pas commencé en 1939 avec la prise de pouvoir effective de Franco mais bien dès 1936 avec le début du conflit : certes, contrairement aux nationalistes, les républicains ne programmaient pas l’extermination systématique de leurs adversaires, mais ils n’étaient pas non plus avares d’exactions et d’exécutions arbitraires. Et même sans ça, comment supporter un quotidien fait de famine et de bombardements ? Comme disait Cavanna dans Le Hun blond : « Amis ou ennemis, c’est tout un pour le peuple laboureur, tous massacreurs, tous violeurs, tous pillards. L’homme d’armes, d’où qu’il soit, voilà le vrai fléau de Dieu. »
19h : Déballage des cadeaux avec les parents. Le Père Noël a été sympa avec moi : de beaux livres, un sac à dos tout neuf pour remplacer le mien qui est à l’agonie et même un peu d’argent pour m’acheter du matériel. Malgré ça, mon Noël me laisse une impression mitigée : j’ai fait un discours qui a pris un bide, même ma mère l’a trouvé débile (elle n’a pas forcément tort) et les huîtres m’ont rendu malade… Finalement, c’est un peu idiot les fêtes : c’est bon quand on a une vie médiocre, il vaut mieux se faire une vie intéressante au quotidien. Comme disait Reiser, « J’aime les fêtes, j’aime pas les fêtes, j’aime que chaque jour soit une fête ».
Samedi 25 décembre
11h : Levé d’assez mauvaise humeur, je retrouve néanmoins le moral assez vite en lisant les bandes dessinées que le Père Noël nous a apportées. Le dernier Iznogoud propose plusieurs histoires courtes écrites par différents scénaristes : sans grande surprise, c’est Jul, à qui nous devions déjà de brillants épisodes de Lucky Luke, qui coiffe au poteau ses collègues ; le créateur de Silex & the city a bien compris qu’il ne faut pas avoir peur de délirer à fond avec les déboires du méchant grand vizir que Goscinny lui-même envisageait comme un défouloir. Astérix et le Griffon, déjà la cinquième aventure du petit Gaulois écrite par le génial Jean-Yves Ferri, sort un peu de l’ordinaire : l’histoire se déroule d’un bout à l’autre dans un décor enneigé, la potion magique est inopérante car elle a gelé, Idéfix délaisse son livreur de menhirs de maître pour courir avec les loups et, surtout, Astérix et Obélix font jeu égal avec une troupe d’amazones sarmates qui traitent les hommes avec un mépris similaire à celui que les machos de chez nous réservent aux femmes ! Ferri aurait-il été influencé, fût-ce malgré lui, par Mondo Reverso, le western parodique publié dans Fluide Glacial, le journal où il avait fait ses débuts ? En tout cas, Ferri montre une nouvelle fois sa capacité à revitaliser l’univers d’Astérix tout en restant fidèle à l’esprit de Goscinny : j’aurai du mal à en dire autant de Jean Van Hamme qui a signé, avec Le dernier Espadon, une aventure de Blake et Mortimer sans grande surprise. Sans vouloir être méchant avec ce scénariste de grand talent, force est d’avouer que le « suspense » concernant l’identité du traître de service, révélée au milieu de l’album, relève plutôt du secret de polichinelle, et que cette histoire de nazis revanchards venant épauler des indépendantistes irlandais fanatiques fait pâle figure en comparaison d’autres complots déjoués par Blake et Mortimer : mais peut-être faut-il y voir une stratégie du scénariste qui a décidé de ne plus écrire d’autre scénarios pour cette série mythique et aurait donc décidé, avant de les laisser à leur sort, de désacraliser les héros qu’on sent moins à leur aise que du vivant d’Edgar P. Jacobs ? Je termine avec le sixième numéro de la revue Casier[s] qui a pour thème le cinéma : mon manque de culture cinématographique ne me facilite pas la lecture je ne reconnais même pas l’actrice qui donne la réplique à ce gros porc de Depardieu dans l’histoire de Julien Solé ! Renseignement pris, il s’agirait d’Isabelle Huppert : mon concitoyen brestois n’a pas choisi la facilité en dessinant cette actrice à la classe folle…
20h : Si les fêtes me déçoivent régulièrement, en revanche, j’apprécie toujours les moments privilégiés avec mes parents, par exemple quand nous prenons l’apéritif devant la télé. Entre deux émissions de N’oubliez pas les paroles, je découvre la nouvelle saison de La petite histoire de France : toujours aussi drôle, mais je ne suis pas convaincu par les nouveaux personnages, ceux qui vivent à l’époque de la Gaule romaine. J’espère que ce n’est qu’une mauvaise passe car ce serait dommage de gâcher une si bonne série, sans doute ce qui s’est fait de mieux en matière d’humour à la télé française depuis Kaamelott !
Dimanche 26 décembre
17h : Après quelques parties de Scrabble avec ma mère, je lis le dernier Chat du Rabbin. Les ratiocinations du Rabbi Sfar ne sont pas ma tasse de thé, mais il faut être ouvert à tout. Dans la foulée, je change de registre avec Griffu, plus pour le talent graphique de Tardi que pour l’histoire en tant que telle, n’étant pas non plus un fan de romans noirs. Décidément, j’ai bien du mal à me passionner pour des bandes dessinées non humoristiques ! Sans doute parce que je trouve la vie déjà assez sinistre en tant que telle…
Lundi 27 décembre
11h : Alors que je rentre d’une promenade dans la campagne environnante, mes parents m’apprend la mort d’un vieil ami à eux (et donc à moi aussi) : ce n’est pas une surprise, on le savait mal en point depuis longtemps, mais c’est déjà le cinquième décès dans mon entourage en moins de trois ans et demi, je ne pensais pas atteindre une telle moyenne à mon âge ! C’était, j’espère, la dernière avanie d’une année décidément pénible…
Mardi 28 décembre
10h30 : Nouvelle promenade bucolique ; un vieux couple me croise et me lance « Bonjour, monsieur Quinquis » ! Une nouvelle fois, je ne les reconnais pas, mais visiblement, les gens de Guilers ne m’ont pas oublié.
Mercredi 29 décembre
18h : Mon séjour touche déjà à sa fin. Je commence à déprimer, d’autant que je ne sais toujours pas où passer le réveillon du nouvel an. Mes parents et moi-même tenons bien le coup malgré notre chagrin d’avoir perdu un ami : sans doute parce que nous ne sommes plus à ça près…
Jeudi 30 décembre
15h : Une fois rentré dans mon appartement, je n’ai pas été long à ranger mes affaires. N’ayant ni raison ni envie de reprendre le collier tout de suite, je trompe ma mélancolie en tapant une nouvelle dont l’idée me trottait en tête depuis longtemps et qui a mûri au cours de mon séjour dans le cocon familial. J’ai d’autres projets de nouvelles qui dorment dans mes carnets, il serait temps que je m’y mette.
Vendredi 31 décembre
11h30 : Je reçois une invitation de dernière minute à une réveillon chez une amie. Je m’étais fait à l’idée de passer la soirée tout seul chez moi, mais je me dit que ce serait bête de refuser cette occasion de revoir une amie chère, d’autant que ce serait une belle revanche sur ce qui s’est passé l’année dernière. J’accepte donc, mais je me promets de passer l’après-midi au lit pour ne pas arriver déjà fatigué chez mon hôtesse.
21h : Arrivé chez mon amie depuis un peu moins d’une heure, je me décide enfin à parler avec les autres convives : je finis par dire à une femme, que je ne connaissais pas jusqu’à présent, que je suis une personne avec autisme. Mon interlocutrice, qui n’est pourtant même pas psychologue de formation, n’est pas étonnée, elle avait tout de suite vue que j’avais « quelque chose » ! Certaines personnes m’exhortent à ne pas crier sur les toits que je suis Asperger, mais c’est impossible à cacher !
1h : Après les congratulations d’usage une fois passée l’heure de minuit, la maîtresse de maison lance une partie de « Blanc manger Coco » : je ne suis pas fou des jeux de société et celui-ci est un peu trop « beauf friendly » à mon goût, mais je suis si content de n’avoir pas passé le réveillon tout seul que je me garde bien de faire bande à part. Pris au second degré, c’est rigolo. Bien entendu, je ne gagne pas la partie, mais je glane quand même trois points sur cinq : ma réputation d’humoriste est sauve.
3h30 : Je repars, voituré par un couple qui a accepté de faire un détour pour me ramener à Lambé. La maîtresse de maison m’avait proposé de dormir chez elle, mais pour une fois que je passais le réveillon à Brest Métropole, je n’allais pas me plier une nouvelle fois à la comédie habituelle : m’allonger sur un lit de fortune, attendre que les autres se réveillent pour déjeuner puis poireauter encore une heure en attendant qu’on me ramène, ce n’est plus de mon âge. Quand on a la chance d’avoir un logement, rien ne remplace la quiétude d’une chambre qu’on ne partage avec personne et la certitude de se retrouver dans son cocon quand on ouvrira l’œil… Tout en faisant la bise à mon amie avant de partir, je la remercie de ne pas m’avoir laissé seul un soir de nouvel an et de m’avoir permis de prendre ma revanche sur l’année dernière : elle m’avoue que c’est justement pour effacer de sa mémoire le « réveillon » de l’an passé qu’elle a décidé au dernier moment d’improviser ce réveillon ! Elle conclut en criant « Et le Covid et le gouvernement, on l’emmerde ! » Être un peu éméché n’empêche pas forcément de rester lucide… Bonne année à toutes et à tous !