Assise, elle essaie de
s’imprégner des lieux. Qui lui a donc dit que les églises, les couvents et les
cloîtres sont des endroits de méditation ? Laisser la paix descendre en
elle, trouver la solution qui lui échappe, résoudre ses problèmes par essence divine,
la bonne blague ! Elle a déjà essayé trois églises ce matin et à part le
fait qu’il lui fallait recouvrir ses jambes et ses épaules nues et qu’il y
faisait froid, elle n’a rien senti. Quand elle a découvert ce cloître, elle a
pensé que c’était l’endroit idéal. Alors qu’elle s’apprêtait à emprunter les
petits chemins de pierres pour aller en son centre, elle s’est fait remettre à
l’ordre par la gardienne. On regarde mais on ne foule pas de son pied impur ce
sol bien arrangé. Désillusion ! Elle se contente donc de s’asseoir sur le
muret qui entoure ce jardinet et attend. Le temps s’écoule au gré des grains de
sable qui s’accumulent dans le sablier de sa mémoire, elle est en vacances,
elle a tout son temps et elle cherche quelque chose mais elle ne sait pas
quoi !
- C’est beau n’est-ce pas ?
Elle ne sursaute pas, elle tourne
lentement la tête et son regard accroche celui d’un homme.
- Oui, c’est beau.
Il a des cheveux longs bruns
tirés en catogan, des yeux d’un marron très foncé et une cicatrice qui lui
barre le front. Elle ne voit que son visage. Il sourit, il a un sourire très
doux mais un peu triste, elle poursuit.
- C’est beau mais inaccessible.
On peut regarder mais on ne peut pas en profiter. J’aurais voulu tirer un hamac
entre deux colonnes et me bercer en laissant venir à moi la sagesse que ces
lieux ne manqueraient pas de m’inspirer.
Il rit.
- Un hamac, quelle idée…mais
pourquoi pas en fait ? J’ai l’impression que vous attendez quelque chose
mais que cela peine à venir, est-ce exact ?
- Vous êtes devin ?
- Qui sait ? répond-il
énigmatique.
Elle hausse les épaules. Son
cellulaire sonne. Elle le cherche dans son sac et son attention est prise par
l’appel. Quand elle termine sa communication, elle est seule, son interlocuteur
a disparu. Elle saute du muret et se met à le chercher. Le cloître est vide,
elle pénètre alors dans l’église. Il y a peu de visiteurs, elle fait rapidement
le tour mais elle n’aperçoit toujours pas l’homme avec qui elle a parlé.
Pensive, elle se dirige vers la sortie et se retrouve sur la place. Il fait
très chaud, il est bientôt 14h et le soleil tape fort en ce mois de juillet. Un
joli jardin accolé à l’église l’accueille à l’ombre de ses arbres centenaires. La
pelouse lui tend les bras et elle s’y allonge, n’est-ce pas l’heure de la
sieste ? Les yeux clos derrière ses lunettes de soleil, son sac à dos
comme oreiller, elle écoute les bruits environnants, le crissement des pas
d’autres promeneurs sur le gravier, le chant des oiseaux, l’accélération d’une
moto au loin et…
Elle sent une présence. L’homme du cloître est allongé à côté d’elle. Elle ne dit rien, ne demande rien, ne voit que son visage, captivée par les yeux qui sondent son âme. Il a une marguerite qui dépasse de sa bouche aux lèvres fines. Elle se souvient avoir lu un jour que des lèvres fines signifiaient « exigence en amour ».