Martine Konorski / Adesso

Publié le 04 février 2022 par Angèle Paoli

C'est au présent que Martine-Gabrielle Konorski redécouvre les rivages des Pouilles et la baie de Naples, à travers le regard d'un jeune touriste italien fictif. Et elle se réapproprie les saveurs gourmandes de la langue du pays qu'elle n'a cessé d'aimer depuis qu'elle l'a maintes fois parcouru. Si c'est à ses fils qu'elle dédie ces vingt-et-un fragments du carnet de voyage du jeune voyageur, c'est en hommage à Pier Paolo Pasolini qu'elle revisite au présent " la longue route de sable ". Adesso, maintenant... Le livre s'ouvre et se referme sur des citations de Pasolini, dont on retiendra : " Savoir qu'on a été... heureux / Ne surprend pas. Il est d'ailleurs si tard. " ( Sonnet 13) À Ostia, des jeunes couples dansent sur la plage : " Sur cette plage est mort Pier Paolo. " In memoriam.

De la strada dei sassi à l'antique cité troglodyte des " Apaches " de Matera Bella, l'auteure, qui est aussi poète, saisit l'esprit du lieu avec une grande économie. Elle suggère un monde en quelques traits : les odeurs, les lumières noires, les peintures rupestres, restituant à la fois l'harmonie du site et le chaos social : " Mais c'est Matera l'ensorceleuse qui, à l'époque, incarnait l'enfer sur terre, la pauvreté, la misère, les citernes pour recueillir l'eau de pluie, la terre de tous les trafics pour la mafia. " Cette impression forte la renvoie encore à Pasolini, remué comme elle, par " la beauté primitive du lieu " et le mystère des ombres sous la roche : " Pier Paolo l'a choisie pour y tourner Il Vangelo secondo Matteo, peut-être parce que cette cité redécouverte guérit l'âme, dit-on. " Un autre Matteo rappelle à Lucia, sur une plage, " le monde clos qui fut le sien " Souvenirs intimes en miroir... Et à Uccello, dominant la baie de Naples, une romance sentimentale se renoue quinze ans après. Le voyageur retrouve Federica : " Un regard vert qui me transperce. [...] Il est peut-être temps de dire oui. " Ailleurs, s'ouvre " un patio encadré de caryatides aux yeux creux ", ranime peut-être les portraits de femmes longilignes aux orbites bleues de Modigliani, -qui séjourna dans cette noble demeure-.

Du narrateur à l'auteure, dans les villages et les champs d'oliviers, les souvenirs intimes se confondent, d'une même voix, avec humour et attendrissement : " Je fais partie de ces histoires. C'est ici, entre les recettes de polenta ou de veau à la florentine, que mon amour pour ces villageois s'est forgé. [...] Toute une agitation bruyante et désordonnée, humainement débordante. Rire, chanter, les derniers sous partis en fumée sous les étoiles. Pas question de faire le tour du monde ! " Adesso. Redire comme Pasolini : " Savoir qu'on a été heureux ... "

Au-dessus des vagues, sur un rocher, " au sommet du monde. "

Un art subtil de l'altérité émotionnelle et culturelle ( Je est une autre). En poète.

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MARTINE - GABRIELLE KONORSKI

Ph. D.R. Pascal Therme

■ Martine - Gabrielle Konorski
sur Terres de femmes

(dans la poéthèque du site du Printemps des poètes) (sur le site de l'Atelier du Grand Tétras)
une notice bio-bibliographique sur Martine Konorski
le site de Martine Konorski
la page de l'éditeur sur Instant de terres de Martine Konorski