Lointaine et si proche, qu’il serait vain de tenter d’apprivoiser tant elle se sait désirée, l’ile se dessine de verdure et de roches sombres dans l’eau bleue qui l’a prise dans ses bras…
Sauvage, elle se méfie de ceux qui l’accostant s’en imaginent aussitôt maitres. Elle expose son maquis comme seule richesse alors que mille autres sont dissimulées à ceux qui ne sauraient pas les deviner, ni les admirer et les respecter…
Elle n’use d’aucun artifice, point de maquillage pour cette sauvageonne qui charme d’un trait de rayon vert quand au soir le soleil s’effondre sur la mer. Qui a le bonheur de s’émerveiller devant ces moires flamboyantes croit soudain saisir toute la beauté du monde et comprendre tout ce qui jusque là lui semblait n’avoir aucun sens… C’est une révélation exaltante qui apaise, réconcilie, rassure et console de bien des tourments. Tant d’harmonie oblige à prendre du recul pour apprendre à penser autrement. Au sud, U Libecciu sculpte ses rivages et pare d’écume sa houle courroucée d’être ainsi bousculée. Farouche, elle ne sourit pas aux premiers venus, feront-ils preuve de suffisamment de persévérance pour qu’elle daigne dévoiler davantage que ce qui leur apparait ? Elle ne confie à personne ses secrets, sa part d’ombre s’incline devant sa belle lumière, bien malin qui, sans lien d’étroite parenté, en connaitrait ses mystères.
La Corse porte son honneur et sa fierté en étendard, n’est pas né qui la domptera, elle seule décide d’accorder sa confiance ou d’acquiescer à qui la mérite, foin des apparences, ce n’est pas elle qui succombe aux sirènes estivales, mais d’autres qui croient en faire façon le temps d’un été… La foule ne lui sied pas, tandis qu’elle tombe le masque dans les sentiers pierreux et le calme des lacs d’altitude.
Toute belle se mérite… Qui se respecte exige quelques galanteries avant de se laisser embrasser, rares sont ceux qui sauront la séduire, elle n’ouvre son coeur qu’à ceux qui comprennent qu’elle n’a nullement besoin d’eux, mais qu’elle ne consent, que pour quelques instants, à prêter réalité à leur rêve…
Somptueuse et insolente, elle se voudrait sans attache, toisant ce continent qui au large la convoitant, tente des approches pataudes et maladroites, rusée, elle en accepte les hommages sans jamais pour autant se fendre d’un sourire, ceux qui la connaissent l’aiment sans ce besoin de la convertir à quelque mode éphémère, ils l’aiment pour ce qu’elle est, et non pour ce qu’ils aimeraient qu’elle soit. D’ailleurs comment imaginer qu’elle puisse être plus séduisante autrement que dans son écrin de pierres et de verdures, le coeur gros, déjà percé des pics de Bavella, de Monte Cinto et de tant d’autres prétendants ambitieux , seules des vagues insolentes osent caresser ou gifler son rivage… Ses yeux noirs, baignés de larmes salées les défient du haut des tours génoises accrochées aux flans des falaises, personne, plus jamais, elle le jure, ne la prendra au dépourvu…