1939 – Elaine – Tchécoslovaquie -

Publié le 24 janvier 2022 par Perceval

Cette maladie qui la maintenait de plus en plus fiévreuse, et qu'elle tenait comme passagère à ses proches, sauf à Lancelot, finit par emporter Elaine, ce mardi 21 février 1939.

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Lancelot, dira t-il, a ressenti ce même vertige que le héros du roman de Drieu, Gilles, alors que Pauline se meurt, et qui se voit entraîner dans une apocalypse...

Sauf que, cet amour doit avoir un sens jusque dans la mort, et selon la volonté d'Elaine : sa mort se transfigure en ''sacrifice d'amour'', voie d’accès à la contemplation de Dieu, disait-elle.

Lancelot est sonné de nombreuses semaines ; et c'est le soutien et la patience de sa mère qui le maintiennent, à la surface du cours des choses … Cependant, l'incertitude des jours prochains rend insaisissable le début d'une solution pacifique ; et Lancelot vit dès à présent les prémices de la catastrophe.

L'accord Bonnet-Ribbentrop ( décembre 1938) défendu par Luchaire, est dénoncé par certains de ses anciens amis comme Brossolette ; de plus, ceux-ci dénoncent le rôle d'Abetz et le réseau d'espionnage nazi...

Luchaire ne croit pas qu'Hitler souhaite étendre l'Allemagne à l'ouest : - « L'Allemagne hitlérienne ne veut pas la guerre. Elle ne l'envisage même pas pour réaliser ses revendications coloniales. » ( Luchaire dans Notre Temps, n°1000, 05/02/1939.)

Notre ambassadeur à Moscou, puis à Berlin ( oct 1938), Robert Coulondre, prévient Paris de la volonté d'expansion à l'Est, du 3e Reich. Il prévoit l'anéantissement de la Tchécoslovaquie, et le futur partage de la Pologne entre l'URSS et l'Allemagne...

** Le 15 mars 1939, les allemands pénètrent en Tchécoslovaquie. A quand le tour de la Pologne ?

Le lendemain Coulondre écrit à son ministre de tutelle une analyse lucide de la méthode hitlérienne qui marie « cynisme et perfidie dans la conception, secret dans la préparation et brutalité dans l’exécution ».

* 17 mars, depuis Londres, Chamberlain se déclare profondément affecté par cette trahison.

L'ambassadeur soviétique Souritz propose à Bonnet de travailler sur une Conférence à Bucarest pour que la Pologne, la Roumanie, La France, l'Angleterre et la Yougoslavie se protègent et fasse bloc... Bonnet plaisante sur l'ardeur des russes qu'il faut contenir ; et leur volonté de bolcheviser l'Europe.

A la suite de l'invasion de la Tchécoslovaquie par l'armée allemande, les membres français du '' Comité France-Allemagne'' suspendent leurs activités.

Malgré cela, Otto Abetz s'emploie à réanimer le CFA, Drieu l'en décourage... Pour lui, si son pays a manifestement choisi la guerre, il se doit d'être français et discipliné.

La ''générosité'' d'Abetz qui dépense sans compter des fonds hitlériens, touche des personnalités haut placés. Nos services, souhaitant mettre fin aux manœuvres de ce nazi, ''ami des français'', convainquent Daladier d'expulser Abetz (30 juin 1939). Il reste cependant quelques-uns de ses ''amis français'' à surveiller comme Fernand de Brinon, Melchior de Polignac, ou Abel Bonnard...

Jean Luchaire proteste de cette interdiction de séjour dans ''Notre Temps''.

Le rôle de l'espion allemand Hans-Günther von Dincklage en France est officiellement repéré, et sa nouvelle maîtresse - la baronne Hélène Dessoffy - blessée d'avoir été manipulée, le quitte.

Lancelot se souvient d'une conversation avec Drieu la Rochelle, alors que son ouvrage ''Socialisme fasciste'' était publié, c'était en 1933 ou 34. Il décrivait une sorte de théocratie où fusionnaient spirituel et temporel... Devant la crainte exprimée d'une extrême violence qui n'était déjà plus imaginaire ; Drieu se montrait préoccupé par la pente guerrière engagée ; mais la jeunesse française se devait d'être plus sage, se « façonner à une tension plus saine et peut-être pus durable » disait-il ; il pensait au sport. Le fascisme à la française, ce serait la rénovation, en sauvegardant la paix.

Aujourd'hui, la situation s'est aggravée ; cette littérature - qui de Drieu jusqu'à Céline, se complaît à pointer le Mal et à s'en repaître - renvoie le trouble de Lancelot à ce qu'en disait Maritain alors qu'il conversait avec Mauriac : '' décrire le Mal, oui, mais sans connivence ''.

C'est également ce que soutient Anne-Laure, sa mère : dans les livres de Bernanos, et même ceux de Mauriac, on y sent présente, la Grâce. « Elle peut y être méprisée, en apparence refoulée », et pourtant tout nous y conduit... D'une force mystérieuse... Celle qui appartient aux saints, dirait Bernanos... Le Mal n'en est pas légitime pour autant.

Mauriac soutient être fidèle à ce qu'est l'homme, la Grâce sait se frayer un chemin dans une œuvre, comme dans une vie, trouble bien sûr...

« Vous vous croyez innocent ?» demanderait Mauriac... « Osez donc faire l'appel des êtres qui ont traversé profondément votre vie, évoquez les morts et les vivants ; cherchez votre trace dans chacune de ces destinées. N'avez-vous volé le bonheur de personne ? La foi, l'espérance, la pureté de personne ? » ( Journal I). Quel exercice difficile, se demande Lancelot ; alors qu'il ne peut plus rien ajouter à la destinée de sa rencontre avec Elaine..