Maude, toujours derrière son mur,
n’osait tendre ses petits bras pour recevoir le présent, elle regardait cet
homme avec ses grands yeux.
- C’est cadeau, renchérit
l’homme.
Timidement, elle accepta et
précautionneusement descendit de son perchoir bancal pour déposer le bégonia
sur la table du jardin. Elle se retourna et offrit un très beau sourire à
Monsieur Marcel qui le lui rendit. « Bon, et maintenant, qu’est-ce que je
vais faire », se demanda-t-il ? Il lui fit un petit signe de la main
et retourna à ses plantations, non sans regarder du coin de l’œil Maude qui
avait réapparu derrière le mur. Ses rempotages terminés, son dos lui faisait
mal à force d’être courbé. Une bonne limonade maison avec une tranche de son dernier-né,
le baba aux cerises et tout devrait être oublié. Et s’il invitait sa petite
voisine ? Il connaissait sa grand-mère, elle devrait n’y voir aucune
malicemais fallait être prudent avec
tout ce qu’on entendait dans les journaux. Quand il invita la petite, elle
battit des mains. Il insista pour qu’elle avertisse sa grand-mère ce qu’elle
fit en disparaissant dans la maison pour réapparaître quelques instants plus
tard. Elle fit le tour du jardin et se trouva bientôt assise à la table avec
Marcel sous la tonnelle recouverte d’une vigne dont les raisins verts opaques
ne tarderaient pas à mûrir. Elle fit honneur au baba et sa petite bouche se
trouva bientôt auréolée d’une teinte rouge foncée que Marcel essuya avec
tendresse. Il n’avait jamais eu d’enfant et il découvrait avec délice ce petit
bout de chou qui aurait pu être la petite-fille qu’il n’aurait pas non plus. Il
lui fit découvrir sa serre, il commenta, expliqua, elle mit en pot avec lui de
nouvelles pousses et ce fut le début d’une amitié qui dura tout le mois de
juillet.
Quand il rencontrait Mme Martin, la grand-maman de Maude, il trouvait étrange qu’elle ne soit jamais accompagnée de sa petite-fille mais bon, peut-être qu’elle faisait la sieste et que la grand-mère en profitait pour faire les courses plus rapidement ? Ou que Maude préférait regarder la TV ? Ou…bon ce n’était pas son problème, il avait du plaisir avec la petite et visiblement elle aussi et c’est ce qui comptait. Depuis qu’elle venait passer ses après-midi avec lui, il se sentait plus heureux, il souriait plus souvent, il s’arrêtait même pour discuter un brin avec le boucher, ses voisins, ce qu’il ne faisait jamais avant. Monsieur Marcel s’ouvrait au monde…Il parlait même baba au rhum avec la boulangère ! Il en avait inventé un exprès pour Maude, le baba au coulis de framboise. Elle en avait tellement mangé qu’il avait eu peur qu’elle ne soit malade. Il l’avait guettée le lendemain mais elle était revenue fraîche comme une petite rose qu’elle était. Ils vécurent des journées joyeuses et chaque note du rire de la petite rajeunissait Marcel. Il était heureux, oubliant sa solitude.