Weygand sort des réunions du Conseil de plus en plus énervé ; ses coups de gueule contre Laval, alimentent les discussions... Sa ligne de force est d’interdire aux allemands, l'utilisation de nos bases aériennes, navales, et matériels en Afrique du nord.
Il se méfie de l'Angleterre ; souhaite renforcer l'armée française d'Afrique et l'attaque de Mers-El-Kébir ( 3 au 6 juillet 1940 ), le conforte dans son idée que c'est l'Empire français qui sauvera le métropole... Il est persuadé que la revanche contre les ''boches'' se présentera ; il faut la rendre possible par un ''double jeu'' qu'il prête à Pétain. Lui-même soutient la dissimulation d'armements,
Weygand adore parler histoire et généalogie avec Lancelot ; mi-sérieux ne lui assure t-il pas qu'il est le fils de la princesse Charlotte de Belgique... Bref ! Lui qui était attentif aux ''signes'' ; qu'a t-il pu bien imaginé concernant ses deux accidents d'avion qui ont entouré son séjour à Vichy ? En effet, le 18 mai 1940, suite à un télégramme de Reynaud qui le nommait à la tête de l'armée française, à la place de Gamelin ; son bi-moteur un Glenn Martin, s'accidente à l’atterrissage à Etampes. Weygand s'extraie de la carlingue sans mal … Le 5 septembre 1940, alors qu'il vient d’être nommé délégué général du gouvernement en Afrique française, Weygand effectue à Limoges sa dernière inspection qu'il joint avec un Amiot 143. L'avion rate la piste et va buter contre le bois à proximité. Il est blessé mais le bilan est miraculeux...
Lancelot ne souhaite pas rester à Vichy, ni partir vers l'Afrique du nord... Son idée serait d'allier le travail dans les services de renseignements et la radio. Weygand lui propose une mission camouflée dans une branche clandestine des SR nommée Entreprise de Travaux Ruraux, bien que visible ( en faible partie, bien-sûr) en même temps par les allemands dans le Service des Menées Antinationales ( service MA). Cette double casquette lui permettrait de passer de la zone libre à la zone occupée ; et de promouvoir les liaisons radio pour une communication, clandestine, à visée anti-allemande... « La guerre continue... » répète à l'envie Weygand.
Alors que Weygand est écarté officiellement de son poste de ministre de la Défense nationale ; ce même jour dans l'après-midi, commence le ''Blitz'' ( bombardement allemand massif sur Londres).
Raphaël Alibert - ministre de la Justice - proche de l'Action Française, se déclare catholique. Il prend à coeur de mettre en forme les bases du droit antisémite du nouveau régime.
L'époque est aux préjugés anti-juifs ; et l'Eglise, dit-on, les craint depuis le Golgotha. L'Eglise, également, s'inscrit dans la lutte contre la franc-maçonnerie. Les adhérents de la ligue france-catholique, sont disciples de Mrg Ernest Jouin, créateur du terme '' judéo-maçonnique''. C'est l'époque où on évoque la ''question juive '' ; et un bon catholique fait plus référence aux mesures prises par la papauté contre les juifs tout au long de son histoire, qu'aux théories racistes d'outre-Rhin. On craignait, que les allemands s'en prennent aux fortunes juives, avant les français eux-mêmes ! Alibert souhaite, dit-il, imposer une législation autochtone, avant celles des allemands. Il s'agit pour lui, de différencier les bons et les mauvais juifs ; les bons relevant de vieilles familles, dont les aïeux ont servi la France... Cependant, Maurras, ne croyait que l'on pût être juif et français...
Lancelot est presque étonné, et réconforté d'entendre une parole différente, en particulier sur les juifs... Un prêtre René de Naurois (1909-2006) ne craint pas de la porter ; passionné de culture allemande, aumônier lors d'un séjour en Allemagne, de la paroisse française de Berlin, il révèle - à qui veut - la nature réelle et profonde du nazisme ; l'organisation policière, le système de délation; et l'enfermement des juifs dans des camps de concentration.... ; mais... pour en faire quoi ?
L'abbé de Naurois, connaît bien Emmanuel Mounier, et la revue ''Esprit''. Alors qu'il étudiait et passait deux licences, en mathématique et en Lettres, il imaginait avec le groupe de Mounier, une hypothétique « troisième voie » entre capitalisme et marxisme.
Le 22 juillet 1940, une loi porte sur la révision des naturalisations obtenues depuis 1927.
Le 25 août 1940, est abrogé, le décret d'avril 39, qui prévoyait des poursuites « lorsque la diffamation ou l'injure, commise envers un groupe de personnes appartenant, par leur origine, à une race ou à une religion déterminée, aura eu pour but d'exciter à la haine entre les citoyens ou les habitants »
Le 3 octobre 1940, la loi porte sur ''le statut des juifs''. Elle exclut les Français identifiés comme Juifs de la plupart des fonctions publiques et de nombreuses autres professions. Le projet du texte ( daté du 2 octobre), de l’initiative de Vichy, est annoté personnellement par le Maréchal Pétain.
Le 4 octobre, la loi organise l'internement des juifs étrangers... qui fait suite d'ailleurs à des textes de 1938 et 39, de Daladier. Le IIIe Reich, réclamait le transfert des internés, dans la convention d’armistice.
Le 7 octobre 1940, le gouvernement de Vichy abroge le décret Crémieux : les Juifs d'Algérie redeviennent des indigènes ...
Lancelot note que les fonctionnaires qui commentent les nouveaux textes, n'adhèrent pas aux thèses nazies ; pourtant chacun s'empresse de servir, selon ces actes de l'exécutif, ou loi d'exception, puisque le parlement n'est plus en fonction... - Il ne nous incombe pas de nous prononcer sur le contenu de ces mesures, disent-ils...
Pierre G., ( colocataire de Lancelot), quant à lui, exprime nettement qu'il est de son devoir de s’opposer au bolchevisme et au judaïsme pour défendre son pays et sa civilisation. Il s'étonne, s'attriste même, que Lancelot ne semble pas aussi enthousiaste qu'il serait nécessaire.
Laval avait réussi à imposer à Pétain l'entrevue de Montoire avec Hitler le 24 octobre 1940. Le 15 décembre, un siècle jour pour jour après le transfert des cendres de Napoléon 1er aux Invalides ; Hitler a souhaité faire un présent amical aux français, et Laval imaginait une belle cérémonie, symbole de la fraternisation avec l'Allemagne nazie, pour recevoir les cendres de l'Aiglon. Le Maréchal a refusé, il aurait déclaré à du Moulin de Labarthète : « Si les Allemands croient que je vais m'afficher à Paris, en prisonnier, auprès d'Hitler, ils me connaissent bien mal ! ».. C'est de nuit et par un froid glacial, qu'eut lieu la cérémonie.
Seulement, quelques jours avant la cérémonie - à Vichy - les rumeurs, les mouvements entre le Parc et le Pavillon Sévigné signifiaient que quelque chose se préparait. En effet, le 13 décembre 1940, Pierre Laval est congédié par le Maréchal Pétain, et arrêté à la sortie du conseil des ministres.
Le lendemain, discours du Maréchal ; avant que ne réapparaisse, le 17 décembre, Laval libre et reconnaissant envers Abetz et Achenbach, qu'il amène dîner au Chantecler.
Lancelot quitte Vichy avec soulagement, et sans-doute le regret de quitter Me Forge et son fils Michel. Il leur dit sa reconnaissance d'avoir pu partager cet enthousiasme scout pour l'aventure, et le souci de garder des valeurs dans une époque où règne la confusion.
C'est dans cet état d'esprit que Lancelot se rend près de Grenoble, à l'école des cadres d'Uriage.