L'Ecole me manque. Et quand l'Ecole me manque, le moyen le plus sûr pour me rapprocher d'elle, c'est encore d'écrire à son propos. Ou de préparer ta rentrée, Mirabelle... Certes, certes. Bref. Pas plus tard que tout à l'heure, j'ai été faire un petit tour sur le site de Jack, qu'on ne présente plus. J'en ai profité pour lui piquer l'image jointe à cette conversation : j'adore ! Dis moi... Je croyais que tu ne parlerais plus de ton métier avec moi ? Oui mais là... Hem... Le site n'est pas encore prêt, vois-tu... Alors en attendant... Alors tu t'es dit : "En attendant, continuons de boucher les trous avec ce brave Victor !"! Pfff... Ce que tu peux être susceptible !
Donc, quand je suis tombée sur cette image, ça m'a fait rire (comme d'habitude sur "Danger Ecole") et puis surtout, cela m'a évoqué plein de choses. Entre autres, un sujet qui me tient à coeur et que je n'ai pas eu le temps, je crois, de développer auprès de toi : les instit's meubles. Qu'est ce que c'est que cette bestiole ? Cette année (enfin, l'année dernière, il faut vraiment que je m'y fasse !), certains parents m'ont pris pour une sorte d'étagère fixée aux murs de l'école. Tu sais, ce genre d'étagère classique, pas spécialement belle, pas spécialement laide, qu'on ne remarque même plus parce qu'elle est là depuis des années. Sauf que toi, tu n'étais pas à l'école de C. depuis des années ! Oui, évidemment.
Il m'est arrivé plusieurs fois, alors que je me détendais en écoutant tranquillement de la musique dans ma classe (tout en continuant de corriger les cahiers, hein, cela va sans dire !), de voir débouler des parents vers 19 h le soir. J'avoue que dans ces cas-là, on se sent un peu atteint dans son intimité. Surtout quand c'est pour se faire enquiquiner avec des problèmes secondaires. Bref. On laisse tout en plan, cahiers et préparations, on sourit, on écoute, on conseille, et il est déjà 20 h qu'on n'a pas eu le temps de s'atteler aux cahiers du jour. Du coup, on quitte l'école sur les nerfs, parce qu'on n'a pas pu être aussi efficace qu'on auraît dû, ruminant de frustration : si cette maman avait pris rendez-vous, on aurait pu organiser notre travail autrement et ainsi gagner en productivité. Mais non. C'est tellement facile de venir frapper à la porte de la classe comme si de rien n'était !
Je me demande souvent si certains parents sont conscients que nous sommes des personnes avant d'être des instits. Que nous avons une vie, à côté de notre tableau noir. Que, comme tout le monde, nous avons des jours sans et des jours avec, des jours où on aimerait qu'on nous foute la paix. Pour certains géniteurs, l'instit' dort et mange dans sa classe. Même, l'instit' VIT dans sa classe : sa vie, C'EST sa classe. Arrête avec tes majuscules, Mirabelle, ça m'agresse ! Si tu n'arrêtes pas tout de suite, je m'en vais ! Tu as vraiment des réactions tout à fait surprenantes, mon Victor ! Bref. Qu'est-ce que je disais ? Ah oui, voilà ! Certaines de mes collègues recevaient les mêmes parents tous les soirs, et en général plus d'une heure. De la folie pure. Elle aurait dû taper du poing sur la table un bon coup ! Oui, sans doute. Et quand on ne sait pas dire non, c'est comme pour tout dans la vie... On se fait avoir ! Certains parents, qui cherchaient l'enseignant de leurs enfants, sont allés jusqu'à venir frapper à ma classe pour s'étonner du fait de ne pas trouver le maître ou la maîtresse à son bureau, allant jusqu'à me demander de justifier son absence. Ooooh ! Si si si ! Cela ne s'invente pas, ces trucs-là !
En résumé, notre fonction nous dépasse. Si le stéréotype selon lequel il n'y a plus personne dans l'école quand la cloche a sonné continue de couler des jours heureux, il s'avère pourtant que la réalité montre que nous sommes disponibles pour les parents après 16 h 30. De là à dire que certains considèrent que vous êtes à leur disposition... Il n'y a qu'un pas ! C'est très contradictoire, et injuste, car il y a réellement peu de parents qui se soucient vraiment de déranger ou non. Au moins, ils le demandent par politesse ! Oui, c'est déjà ça, certains n'en prennent même pas la peine. Et nous ne sommes que rarement "reconnus" pour le boulot fourni. Il doit y en avoir qui pensent qu'enseigner, c'est facile ! Oh oui, certainement. Il y aura bien un jeu de télé-réalité pour lancer ce challenge un de ces jours : tu imagines, Victor, des parents candidats pour remplacer l'enseignant de leur gamin ! Ah, ben, je rirais bien, moi, devant ma télé, à les voir galérer dans une classe de trente gamins !