<<Poésie d'un jour
M A R C D U G A R D I N
Confiance. Je rêve d’être l’autre qui murmure ce mot à mon oreille.
D’être cette voix mienne et inattendue, de m’y jeter comme dans un courant.
À corps perdu. De tomber dans ma propre chute, de ne pas interrompre ce qui m’interrompt, ce qui de toujours me supplie de ne pas l’interrompre.
Mais ce serait trop facile.
Écrire je rêve comme une formule où le rêve serait à ma merci.
De rêve en trêve, une lettre remonte depuis loin dans mon enfance.
J’en tremble.
Je me tourne vers la fenêtre, au bord de l’étourdissement. Peu de bruits encore.
Et pas de jardin, ici, comme il y a quelques semaines, chez l’ami, avec les arbustes autour desquels virevoltaient les oiseaux, avec les rigoles que la pluie dessinait juste de l’autre côté de la vitre.
Qu’est-ce que la nuit, brutalement, a refermé ? Se peut-il que quelque chose s’ouvre, si je reviens au centre de mon rêve, si j’accepte de ne pas être le centre ?
Mon acharnement vient buter sur ta douceur.
Car douceur est résistance.
Et elle résiste, ta voix. Déchirée parfois sur l’arête d’un cri.
Mais forte, page après page, plus forte à chaque fois qu’elle
s’adoucit.
Tout un livre de douceur. De rosée, de salive.
Toi, hôtesse sur le seuil de la maison. Bienvenue, bienveillante.
Comme celle que l’insomnie n’a pas pu retenir dans ses cachots.
Car il y a des forces ténébreuses, et des caves, et des coups qui
et pas de miracle pour nous sauver, et ça ne sert à rien de nous
tromper avec des poèmes.
Marc Dugardin, Psaume passant, 27/04/2019 - 13/08/2020, Photos d’Antoine Dugardin, Le chat polaire 2022, pp.54, 55.