<<Poésie d'un jour
" sans rien tenir derrière ses rideaux tirés "
Photo : G.AdC
Enfants vous saviez quelle trace,
dans les mailles du jour et de la nuit,
était souvenir d’un corps à corps avec un arbre,
quand le ciel s’appuyait sur la terre,
et que nous chantions avec les oiseaux
avant qu’un sentier nous ramène à la maison natale.
Dans le petit jardin le ruisseau était à l’ancre dans son lit,
et des feuilles accouraient pour boire à son eau.
Ce que nous allions faire, c’est peu dire que parfois
nous n’en savions rien, nous glissant seulement
dans le dehors rudoyé par le vent,
en n’y étant parfois pour personne.
Revenir : nul n’en dira parfois la peine quand au fond de la
chambre,
sans rien tenir derrière ses rideaux tirés,
on se retrouve en larmes dans les lueurs d’abîmes,
tournant et retournant une vie en rade comme si le ciel
l’avait quittée,
une tranchée ouverte par la nuit dans le vide
étant la seule promesse après l’excès d’épuisement
de remonter enfant sous l’encens bleu dans l’arbre
hisser le mot amour sur le visage du matin,
où naître à un sens jeté dans la certitude du seuil,
quand le vent rabat vers nous l’horizon.
Pierre Gilman, Où le poème, Éditions Le Taillis Pré, 2022, pp.14,15