Le Babouin a écrit une note il y a quelques jours relatant la publication d’un travail scientifique de Tagu et al. sur la blogosphère médicale américaine.
J’ai trouvé le sujet intéressant, et j’ai lu l’article, pensant en faire éventuellement une note.
Ce papier n’est malheureusement pas en accès gratuit, du moins à partir du journal où il a été publié, le « Journal of General Internal Medicine », mais j’y reviendrai plus tard.
J’avoue que j’ai été déçu. La méthodologie m’a semblé bancale, et je suis toujours dubitatif quand on tente de promouvoir une thèse en citant de courts extraits (ici de blogs), par définition sortis de leur contexte.
Puis je suis tombé sur cette note de Pharmacritique qui m’a apporté un éclairage un peu différent et des liens vers d’autres réflexions.
Je me suis alors dit que cela valait peut-être quelques lignes et surtout se poser des questions sur ma propre pratique.
Le plus gros reproche que j’ai fait à cet article concerne un des points pourtant mis en avant par les auteurs, c'est-à-dire les potentielles violations du secret professionnel que nous commettons en parlant de notre métier.
L’article retrouve 16.6% de blogs ou l’on peut reconnaître le patient ou le médecin.
Quels sont les critères permettant d’établir un tel pourcentage ? L’article ne le précise pas.
Si je dis « j’ai vu hier une patiente de 53 ans avec une hypertension artérielle », il me semble difficile d’identifier cette patiente. Par contre « j’ai vu hier une patiente de 53 ans avec une syndrome de Kartagener » pose plus de problème. Le faible nombre de porteurs de cette maladie, le sexe et la temporalité peuvent potentiellement permettre une identification par la personne elle-même ou des proches.
J’ai choisi précisément l’exemple du Kartagener car j’avais parlé d’une patiente il y a quelques temps, et j’avoue que la lecture de l’article de l’équipe de Tagu m’a fait un peu réfléchir sur le respect de la confidentialité de cette note.
La difficulté d’apprécier cette notion de confidentialité, et surtout l’absence de description des critères semble toutefois disqualifier au moins une partie de cet argument.
En plus, ces critères existent, en tout cas pour le législateur américain.
En effet, la loi HIPAA donne une liste de 18 critères à rendre anonymes en cas de publication d’un cas clinique dans un journal.
Toutefois, cet article pose quand même le vrai problème de la confidentialité des patients dont nous parlons, et par là du respect du secret professionnel. Je crois que nous devons rester tous extrêmement vigilants à ce que nous écrivons. Je crois qu’il faut réfléchir en terme de critères HIPAA et faire en sorte de ne pas les dévoiler.
Par exemple, pas de
- nom/prénom
- lieu
- date de naissance/date d’admission/date de décès/date d’intervention
- paramètre unique à chaque individu (ou à un groupe restreint d’individus) : numéro de sécu, téléphone, d’hospitalisation, de dossier médical, IP/URL/adresse mail, plaque d’immatriculation, numéro de série d’un dispositif médical.
- photo permettant une identification (visage, silhouette, détail anatomique particulier).
Maintenant quid de ceux, qui parmi nous, se sont rendus identifiables en donnant leurs nom ou photos ? Je pense que l’on peut considérer que de dévoiler notre identité est un facteur d’identification potentiel important pour nos patients.
J’ai mis ma photo, et à un moment mon numéro d’ordre, par volonté de transparence. Un des arguments principaux de nos détracteurs étant l’anonymat qui nous permettrait d’agir (mal) en toute tranquillité.
Le problème est que cette recherche de transparence nuit de façon indirecte à notre exigence de secret professionnel.
Le mieux est l’ennemi du bien.
Je n’insisterai pas sur l’autre notion apportée par cet article, c'est-à-dire que nos patients sont présentés de façon négative dans 17.7% des blogs. On pourra gloser des années, mais vous connaissez mon opinion : être patient ne rend ni sacré, ni intelligent. Je rajouterais aussi qu’être médecin n’offre pas non plus ces privilèges, et que le politiquement correct me fait horreur.
Peut-être un plus intéressant, les blogs qui font la promotion de dispositifs médicaux/techniques chirurgicales/médicaments.
Ils représentent 11.4% des blogs dans l’article. Même si il existe une énorme différence de diffusion des blogs médicaux en France par rapport à ce qui se passe aux Etats-Unis, il me semble important de réfléchir au problème avant qu’il n’arrive.
En effet, il n’est pas dit que notre tout petit monde n’atteigne pas un jour une taille critique qui commence à intéresser les services commerciaux de tel ou tel industriel/prestataire de service dans le domaine de la santé.
Et ce n’est pas une éventualité lointaine. Il y a quelques années, « Axa Santé » m’a proposé, ainsi qu’à quelques autres de migrer sur leur plateforme. Je n’ai absolument aucune opinion sur ceux qui ont franchi le pas. J’ai préféré garder ma plateforme qui me satisfaisait parfaitement et ne pas « courir » sous la bannière d’un acteur du domaine de la santé.
Attention au mélange des genres et aux conflits d’intérêts.
Dans cette optique, j’ai opté pour la transparence en rendant publique ma déclaration d’intérêts.
C’est aussi ce qui m’a fait opter pour une certification HON. Ce n’est pas la panacée, mais les critères demandés me semblent aller dans le bon sens.
Voilà, c’est tout ce que je voulais dire sur le sujet, n’hésitez pas à commenter, compléter, argumenter (comme d’habitude, en somme).
Une seule petite remarque, un peu à la manière de la flèche du parthe : Pharmalot, qui publie une des réactions les plus emphatiques à cet article sur le web est aussi le seul qui permet d’accéder à l’intégralité de l’article qu’il héberge sur son serveur.
J’aimerais bien savoir si Springer, l’éditeur de « Journal of General Internal Medicine » a donné son accord, et ce qu’il pense de cette initiative.
L’éthique et la « bonne conduite », c’est tellement mieux quand on ne les recherche que chez les autres.
°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°
Ils en parlent :
Le Babouin
Pharmalot
Pharmacritique
Le « Los Angeles Times »
Clinical Cases and Images - Blog
MediaShift Idea lab