<<Poésie d'un jour
Sur un mur de Rome en avril 2022.
Photo d'Angèle Paoli
Arrêt sur image
les murs parlent
les murs racontent
les murs hurlent en silence
les murs respirent sous les
crépis sans âge
ils livrent leur haleine
lourde aux passants
pressés insouciants rigolards
les murs exhalent leur force
assourdie
fracas de bombes dans nos mémoires
aveugles éclats et déchirures
sirènes hurlantes
mots maux mots
quels mots pour dire l’insoutenable
l’indicible
les murs parlent
couleurs et formes
vacillantes vibrations venues
d’un lointain qui se rapproche
déplace les frontières de l’affrontement
suit les forces meurtrières
l’explosion guette et le monde vacille
et toi tu es là
comme tant d’autres autour de toi
impuissante face à l’horreur
qui déverse ses images
la barbarie est en marche
elle est là où tu ne l’attendais pas
elle est là qui s’expose à l’improviste
sur un mur délavé
le dessin anonyme te happe
un pochoir sans doute
et te voilà émue
sidérée dans le silence des bombes
et l’âpreté aveuglante des fumées
pas si naïf que cela ce dessin qui t’émeut
ses deux matriochkas chancelantes
dans leur symbole
l’une éjectant de sa plaie ventrale
deux obus cracheurs de feu
l’autre la plus faible lui répliquant
par un lancer de flamme
un chemin de fumée qui gicle
jusqu’à la plaie béante
on dirait ébranlés sur leur assise
deux jouets venus d’ailleurs
deux culbutos enfantins
abandonnés
à la folie des hommes
et à l’oubli des passants.
Angèle Paoli
Rome, dimanche 10 avril 2022.