11h : Je me lève bien tard : j’ai un peu trop arrosé la défaite de Marine Le Pen… Voilà plus d’un mois que je n’avais pas mis à jour ce journal, ayant décidé de me couper du monde le plus possible afin d’échapper à cette campagne électorale dont je n’attendais rien de bon – respectueux de mes engagements, je suis quand même allé présenter mes albums au salon de la BD et du disque de Loctudy entretemps. Maintenant que la messe est dite, je me sens un peu comme un condamné qui aurait bénéficié de la grâce qu’il attendait sans trop oser y croire et qui va devoir se remettre à vivre alors qu’il s’était préparé mentalement à mourir… J’ai bien dit « un peu » !
13h30 : Prenant le bus pour la première fois des semaines, j’enfile ma visière afin de me contrevenir à la règle imbécile qui sévit toujours : à quelques exceptions près, les transports en commun sont probablement les derniers endroits où le port du masque est encore obligatoire… Le Covid est de moins en moins dangereux (le virus s’adapte à l’homme car il n’est pas dans son intérêt de tuer l’organisme aux dépends duquel il vit) et vous n’arriverez pas à me faire croire que le risque de contagion est plus élevé dans un bus que dans n’importe quel autre lieu public ! Mais pourquoi se priver d’une occasion supplémentaire d’humilier les minables qui n’ont pas de bagnole ? Désolé si je parais un peu amer, mais j’avais oublié à quel point il était désagréable de porter cette prothèse étouffante… De toute façon, au vu du nombre de volailles qui s’obstinent à la porter même là où ce n’est pas obligatoire, le risque de reprise épidémique est déjà minoré !
14h : Descendu à Liberté pour travailler à la bibliothèque du CRBC, je passe devant la Gentil’ho : je constate ainsi que la terrasse a été démontée et que la salle a été entièrement vidée… Bien plus qu’une fermeture de bistrot supplémentaire, c’est la fin d’une institution qui a accompagné la vie de milliers d’étudiants brestois pendant des années. Décidément, tout fout le camp !
Mardi 26 avril
10h : Nouvelle sortie en ville pour régler quelques affaires laissées en souffrance depuis trop longtemps. Malgré le temps printanier, un certain parfum d’amertume flotte dans l’air : je croise beaucoup de mendiants et de commerces fermés, aucun de mes interlocuteurs n’est satisfait de l’issue des élections et, chez la coiffeuse, j’ai droit à Virgin Radio. Dire que c’est pour sauver ce monde-là que j’ai voté Macron… Tout ceci me fait penser à Jean Yanne qui disait en son temps que « le monde est peuplé d’imbéciles qui se battent contre des demeurés pour sauvegarder une société absurde ».
16h : Je me remets à dessiner : je n’avais plus touché un crayon depuis Loctudy, j’ai bien du mal à retrouver la maîtrise de mes instruments ! Je passe par trois tentatives infructueuses avant d’enfin dessiner un fauteuil convenable… On m’avait pourtant bien prévenu qu’il était difficile de reprendre le dessin après une pause prolongée. Cela dit, si je perds définitivement la main, je pourrai dire que c’est la faute aux imbéciles qui votent pour le RN !
Mercredi 27 avril
14h : Prenons les choses dans l’ordre : quand je m’étais installé dans mon appartement, mon bailleur m’avait donné deux badges destinés à ouvrir la porte principale de l’immeuble ; j’en avais donné un à mes parents, mais ces derniers l’ont perdu. Il a donc fallu que j’en demande un nouveau… Et il m’a fallu presque deux mois de coups de fil et de relances pour qu’on me mette enfin en contact avec la personne concernée ! Celle-ci a finalement pu faire le nouveau badge… En trente secondes ! Avouez qu’il y a une petite disproportion… Enfin bref, j’ai enfin récupéré le second badge… Et il a fallu que je signe une attestation en deux exemplaires, dont un que je dois conserver ! Même pour ça, il faut de la paperasse… Voilà seulement deux jours qui je suis ressorti de ma coquille et j’en ai déjà marre de ce monde absurde !
15h : Séance d’écriture à la bibliothèque du CRBC dans laquelle, outre une belle vue sur la rade, on bénéficie en général d’une ambiance studieuse. Je dis bien « en général » car les fenêtres sont ouvertes, de sorte qu’on ne rate rien des sirènes des pompiers et des ambulances… Je crois que je hais les beaux jours !
19h : Retour au port de commerce, cette fois à La Raskette, pour retrouver la désormais traditionnelle scène ouverte du mercredi soir, que j’avais perdue de vue (en même temps que le reste) ces derniers temps. Je propose des caricatures et récolte une recette honorable et je fais quelques slams sur scène ; au cours de ma prestation, l’animatrice se sent tenue de rappeler l’assistance à l’ordre et de demander le silence : je lui réponds que quand on a, comme moi, donné des cours à l’université, on a l’habitude de parler devant des gens qui bavardent !
Jeudi 28 avril
14h : Il faut croire que je n’étais pas le seul à attendre la fin des élections pour lâcher la bride à mes initiatives : j’ai certes l’habitude d’être sollicité par des particuliers qui souhaitent voir leurs activités annoncées dans la presse locale, mais là, il pleut littéralement des demandes ! Et à chaque fois, je fais à peu près la même réponse : je ne promets rien si ce n’est de transmettre l’information à la rédactrice en chef qui validera le sujet… Ou pas ! Être correspondant de presse, ça vous donne une importance phénoménale aux yeux des gens : pourtant, je ne peux pas faire de miracles…
Vendredi 29 avril
10h : Je n’avais plus fait le marché depuis des semaines. J’ai bien choisi mon heure : il n’y a pas l’ombre d’un militant distribuant des tracts, le fromager est de bon conseil, je n’ai pas à faire la queue trop longtemps… Je suis à deux doigts de trouver que la vie est en train de redevenir agréable ! Il faut juste que j’évite de penser que parmi tous les braves gens que je croise, il y en a peut-être qui ont voté Le Pen…
Samedi 30 avril
11h50 : Retour au bercail après une brève escapade en ville pour retirer un colis : j’avais commandé le numéro 32 de Fluide Glacial, paru en janvier 1979. Désormais, il ne me manque plus que trois numéros pour que ma collection soit complète et je suis d’autant plus satisfait d’avoir acquis celui-là qu’il est historique à plus d’un titre ; on y trouve en effet le premier épisode de Paracuellos, la série de Carlos Gimenez, ainsi que ce qui aurait dû être la dernière « Gazette » de Frémion – celui-ci, fidèle à sa promesse comme tout bon politicien, relancera finalement sa rubrique l’année suivante pour la maintenir dans les pages de Fluide, sous des titres divers, pendant 34 ans ! J’ai également acquis en librairie le dernier Léonard, dans lequel le scénariste Zidrou, qui n’en finit pas d’enrichir l’univers de l’inventeur créé par Turk et De Groot, montre ce dernier courtisant à nouveau son amour de jeunesse, une veuve dont la beauté n’a été guère altérée par les ans… Fidèle à l’enfant que j’ai été, je reste bon client : tant pis si certains puristes grincent des dents !