- Je te remercie ma chérie mais
je dois refuser.
Sophie se lève d’un bond et
explose.
- Mais sois raisonnable, tu ne
peux rester ici toute seule, ta santé est fragile, la maison est trop grande
pour toi et isolée du village, chez nous tu y seras bien, au chaud et sans
soucis.
- Oui mais je serais chez vous et
je ne veux pas m’imposer.
- Mais tu ne t’imposes pas maman,
c’est moi qui aimerais t’avoir à mes côtés, j’ai peur de te laisser.
Sophie revient s’assoir vers sa
mère, entoure ses épaules et pose sa tête contre son cou.
- Tu sais, depuis que papa est
mort, je pense souvent à toi, tu ne t’ennuies pas ici, sans personne ?
Emma prend la main de sa fille et
la serre en un geste apaisant mais ses pensées volent ailleurs. Non, elle ne
s’ennuie pas mais comment lui dire, elle ne comprendrait pas. Elle peut à
loisir vivre ce présent qu’elle n’était pas en mesure de vivre avant, ce qui ne
serait plus le cas chez Sophie. Elle se tourne vers sa fille.
- Nous verrons à Noël, vous
viendrez le fêter ici comme toutes les années et nous en discuterons à nouveau.
Sophie sait qu’il ne sert à rien
de discuter avec sa mère mais au moins il y a une lueur d’espoir avec une date
butoir, c’est mieux que rien. Avec un soupir, elle rassemble ses affaires et se
prépare à partir. Elles s’embrassent sur le pas de porte et Emma lui fait signe
de la main jusqu’à ce qu’elle disparaisse au volant de sa voiture. Elle referme la porte et se dirige vers le
bureau.
- C’est bon, je peux à nouveau
vivre au grand jour ? questionne une voix dont le courroux est
perceptible.
Elle soupire et enveloppe de ses
bras les épaules de cet homme qu’elle aime tant, depuis si longtemps.
- Ne soit pas amère, ne m’en veut
pas, je ne sais comment aborder le sujet avec elle, j’ai peur de son jugement.
- Est-ce si difficile de lui dire
que nous nous aimons, que même à nos âges, l’amour peut être présent, que nous
avons attendu si longtemps avant de pouvoir le faire au grand jour et pourtant tu
me caches, comme si j’étais un pestiféré…
- Dire à sa fille qu’on a un
amant n’est pas facile. Pour elle je ne pouvais aimer qu’un homme, son père.
Savoir qu’il a un remplaçant à peine quelques mois après son décès serait pour
elle indécent.
- Justement, nous avons attendu
toute une vie, il ne nous reste que peu de temps Emma, vivons-le sans nous
préoccuper des autres, pour une fois pensons à nous, rien qu’à nous !