Sale mois d'Aout, sale année, sale siècle qui ne fait que débuter et nous piétinne pourtant de tout le poids de nos silences coupables. Lors même que dans la note précédente je chantais en désolation la mort qui frappe aux portes du coeur comme un huissier de justice, comme un flic, comme la paix qui enfin s'installe et juste ou pas, nous fait croire au répit, vaincus que nous sommes par ce que nous ne combattons plus. Lors même que je chantais le bon et le bien d'une vie qui m'étais chère, une autre vie se dissipait. La vie d'une voix où chaque mot sonnait comme les pierres qu'il faut bien lancer contre l'acier et dont l'échos nous répond en déchirant la chair des enfants de Palestine.
Mahmoud Darwish ? Connais pas ! me dit mon voisin, à la station service.
Darwish est mort et vous ne verrez nulle part un missile en suspens au dessus d'une maison où somnole les innocents. Et vous verrez partout ceux qui d'une main thésaurise sur la terreur vous dire tout le bien qu'ils pensent des poètes quand ils sont morts. La grandeur de Senghor, l'absolue nécéssité de Césaire, la verve intacte de Néruda, la main que Darwish tendit tout au long de son combat à ses ennemis, la main qu'une rafale vient d'arracher à la plume...
Parce qu'un poète ça ne sait pas arrêter les balles, parce qu'un poète ça ne lit pas les traités, parce qu'un poète quand ça remonte la rue, à l'ombre d'un mur où quelqu'un a écrit INTIFADA, ça ne se pose pas la question de savoir ce que cela signifie. Parce qu'un poète ça sait lire dans les pierres l'inacceptable lâcheté de ceux dont les maisons sont de béton, dans des pays où l'on arme aussi le béton. Parce qu'un poète, il faut au moins qu'il meure pour que les tyrans et les ignorants se recueillent sur ses vers, en toute sécurité.
"Muhamad, oiseau terrorisé par l'enfer tombé du ciel."
Vous lirez Darwish et penserez ainsi que quand on a plus que des pierres à lancer, chacune d'elle en s'écrasant sur le blindage d'un char libère un vers de Darwish.