14h : Je me suis inscrit à une visite guidée de l’église Saint-Louis, bien décidé à collecter des informations pouvant alimenter une future page « histoire » dans Côté Brest : alors que je descends déjà la rue Pasteur, un heureux hasard me fait croiser l’un des journalistes permanents du journal ; comme c’est lui qui a interviewé la nouvelle Miss Finistère dans le dernier numéro, je ne peux m’empêcher de le questionner sur ce sujet. Et bien vous savez quoi ? N’allez surtout pas vous imaginer que rencontrer une reine de beauté soit le nirvana pour un journaliste : être une jolie fille n’implique pas qu’on ait des choses intéressantes à dire… Mais il a quand même eu de la chance avec cette demoiselle qui a au moins le mérite de garder les pieds sur terre, contrairement à certaines pimbêches qui se prennent pour des stars sous prétexte qu’elles ont gagné une couronne de pétasse après avoir défilé en maillot de bain devant un public de refoulés ! Il n’empêche que cette rencontre semble avoir moyennement intéressé mon collègue : à tout prendre, ils auraient mieux fait de passer tout de suite mon papier sur les Brest’zelles, ces deux jeunes femmes qui ont participé à la dernière Sénégazelle…

14h30 : Au cours de la visite guidée, je fais un triple constat : premièrement, les vieux sont décidément incorrigibles. Vous connaissez la caricature, développée notamment dans Les Bidochon en voyage organisé, du touriste « je-sais-tout » qui interrompt le guide (surtout si elle est de sexe féminin) toutes les cinq minutes pour étaler sa science ou placer une anecdote dont personne n’a rien à cirer ? Ce n’est pas une caricature : je me surprends plus d’une fois à étouffer le « ta gueule » que j’ai envie de crier aux seniors qui composent la majorité du public de cette visite… Deuxièmement, les chrétiens sont décidément infantiles : d’abord, ils pignent sur l’état de l’orgue de l’église qui a besoin d’être restauré, je me dis qu’ils n’ont qu’à écrire au Vatican, au moins les richesses pillées par l’Eglise catholique depuis sa fondation serviraient à quelque chose – entre parenthèses, je ne remets pas en cause la nécessite de restaurer cet orgue car j’ai du respect pour la musique, même si l’organiste me fait penser à De Villiers jeune… D’autre part, une salle de l’église prévue pour servir la messe en cas de manque de place (un problème qui ne se pose plus trop aujourd’hui !) porte le nom de « saint Jean-Paul II » ! Il n’y a que les chrétiens qui peuvent être assez niais pour qualifier de saint ce vieux réac macho qui envoyait sa bénédiction à Pinochet tout en condamnant la contraception, l’avortement, l’homosexualité, le préservatif, l’euthanasie…

Troisièmement, enfin, Brest n’est décidément pas une métropole comme les autres : l’actuelle église a été érigée sur les fondations d’une ancienne église dont la construction, décidée sous Louis XIV, prit plus d’un siècle et demi, étant régulièrement interrompue par les vicissitudes de l’Histoire ! Ce ne furent même pas les bombardements qui eurent raison de l’ancienne église puisque les Allemands, persuadés que des résistants s’y étaient réfugiés, y mirent le feu ! Mais le plus étonnant reste la « crypte » de l’église actuelle, en fait les fondations de l’ancienne église, où sont entreposées des sculptures retrouvées lors de la reconstruction et qui offre un décor digne du cinéma ou de la bande dessinée ! Bref, je ne regrette pas ma visite du bâtiment même si les touristes sont trop souvent casse-burnes et même si je ne me sens pas du tout en phase avec la religion débile (un pléonasme, excusez-moi) qui y est célébrée.
Dimanche 12 juin
11h : Je surmonte ma fatigue pour aller voter. Sans illusion, mais sans hésitation… Et surtout sans appréhension !
Lundi 13 juin
10h : Ayant quelques recherches à faire aux archives municipales, je décide d’y aller à pied, la météo le permettant. D’ici à ce que j’arrive, ce sera encore fermé, alors j’emporte un casse-croûte que je mangerai en attendant l’ouverture. Chemin faisant, j’apprends le résultat du premier tour des législatives : on dira ce qu’on voudra, mais ça détend ! J’ai bien cru que le RN allait devenir la première force d’opposition du pays ! Mais tant que les fachos seront ce qu’ils seront, c’est-à-dire des haineux incapables de s’entendre, le risque restera faible… En attendant, même si la gauche n’obtient pas la majorité, elle n’en sera pas moins en position de force pour mettre des bâtons dans les roues de Macron, et ça, c’est plutôt sain : une assemblée monochrome ou peu s’en faut, ce n’est jamais bon pour la démocratie…
12h : J’engloutis mon casse-croûte à proximité du restaurant universitaire de la faculté de droit, non loin du siège des archives municipales et départementales. Après avoir beaucoup marché, j’apprécie ce moment de tranquillité avec, pour seule compagnie, un oiseau noir que je n’identifie pas et qu’on voit assez rarement à Brest où on est plutôt habitué à croiser des goélands. Comme il me paraît un peu petit pour être un corbeau, c’est peut-être une corneille, mais je ne serai pas catégorique : en tout cas, alors qu’il cherche sa nourriture, il n’est nullement effarouché par ma présence, comme quoi certaines espèces d’oiseaux n’ont rien à envier aux chats pour s’adapter au monde des humains et pourraient presque devenir des animaux de compagnie si nous ne les rejetions pas sottement sous prétexte que nous les trouvons moins beaux que les perroquets.
15h30 : Je n’ai pas eu besoin de m’attarder outre mesure aux archives et je suis rentré en bus ; me voilà donc déjà dans le hall de mon immeuble où j’ouvre ma boîte aux lettres : je ne trouve pas le colis qui devait m’être livré aujourd’hui, mais j’apprends quand même que mon bailleur me doit presque 300 euros ! Et oui, il va devoir me rembourser des charges que j’ai payées pour des services dont je n’ai finalement pas eu besoin… Bien sûr, c’est une bonne nouvelle pour moi, mais ça prouve surtout que loger les gens ne coûte pas si cher ! Dans ces conditions, on n’a vraiment aucune excuse pour laisser des gens vivre dans la rue… Vous trouvez étrange sur j’évoque les SDF alors qu’on n’est même pas en hiver ? C’est justement parce que la période est propice à l’oubli de ce scandale interminable que j’en parle maintenant ! Quand vous savourerez votre demi en terrasse, ne perdez pas de vue que tout le monde n’a pas la chance de prendre le soleil par plaisir…
15h45 : Il y a des jours, quand on relève ses mails, où on est tenté de rebaptiser sa messagerie « Boîte de Déception » ! Je n’ai toujours aucune réponse aux tombereaux de messages que j’ai envoyés dernièrement et, par-dessus le marché, Sowee insiste pour que je me connecte à son site web afin de bénéficier du prélèvement automatique ; c’est déjà invraisemblable que j’aie encore besoin de faire une démarche avec tous les renseignements et les documents que je leur ai déjà fournis mais, de surcroît, toutes mes tentatives pour me connecter se soldent par des échecs : je crée mon mot de passe, il semble l’accepter, mais à chaque fois que j’essaie de me connecter avec, il refuse de le reconnaître ! Excédé, je préfère abandonner, mais je m’attends à quelques soucis quand je devrai payer ma facture d’électricité…
« La vérité était que les insurgés traitaient ces messieurs avec la plus grande douceur. Ils leur firent même servir, le soir, un excellent dîner. Mais, pour des trembleurs comme le receveur particulier, de pareilles attentions devenaient effrayantes : les insurgés ne devaient les traiter si bien que dans le but de les trouver plus gras et plus tendre, le jour où ils les mangeraient. »
Comme quoi la bourgeoisie n’a pas changé d’un iota depuis l’époque de ce bon vieux Zola… Emile, revenez, ils sont toujours aussi méchants !
17h30 : Le colis que j’attendais est enfin livré ; je suis un peu surpris qu’il n’arrive qu’en fin d’après-midi, c’était pourtant un Colissimo, mais plus grand’ chose ne m’étonne… Ou presque ! Car quand je découvre, dans le tas, les étiquettes postales que j’avais commandées, je pousse quand même un cri de stupeur !
Sur le site, elles apparaissaient avec mon adresse écrite en noir sur un fond gris portant, en lettres blanches, l’inscription « Téléchargez votre modèle », et comme je voulais que les étiquettes restent blanches pour en garantir la lisibilité, je n’ai pas chargé d’image. Sans penser un seul instant que l’hideuse inscription demeurerait à l’impression ! Je suis peut-être con, mais pas plus que le type qui a pu imaginer sérieusement que le commanditaire se contenterait de ça ! Dix euros foutus en l’air…
Mardi 14 juin
14h : Discussion avec le spécialiste de l’urbanisme commercial. Après qu’il m’ait donné des détails sur l’histoire de la Z.A.C. de Kergaradec, nous en arrivons à parler des élections et du trop grand nombre de candidats au premier tour (seize dans ma notre circonscription !) ; mon interlocuteur retiendra surtout l’affiche du parti animaliste, représentant un mignon petit caneton qui aurait pu jouer le rôle de Saturnin (rappelons qu’il en fallu plus d’une dizaine par épisode et que beaucoup sont morts en plein tournage…) et devant laquelle sa petite-fille tombait en arrêt ! Je ne suis pas sûr que ce fût le résultat recherché ! Mais il est sûr que ce ne sont pas les candidats posant avec Zemmour qui auraient pu obtenir un tel effet…
Mercredi 15 juin
18h : Aujourd’hui, en allant chercher mes nouvelles lunettes avec ma mère, j’ai appris une triste nouvelle : le doyen du groupe d’amis de mes parents est condamné, miné par deux cancers (os et poumon). Par conséquent, quand j’apprends, en arrivant au cours du soir, qu’une élève ne pourra pas venir parce qu’elle a le Covid, je n’arrive pas à éprouver une empathie excessive…
Jeudi 16 juin
17h : Conférence de Pierrick Chuto sur les enfants trouvés des hospices de Brest et de Quimper. Vous connaissez le cliché littéraire du pauvre gosse sans parents, qui vit ses premières années dans un clapier de pingouines puis est placé chez des Thenardier qui ne voient en lui qu’une paire de bras supplémentaires pour les tâches ingrates ? Et bien ce n’est pas un cliché, ce fut bel et bien le sort de nombreux enfants du XIXe siècle. Pour ne rien arranger, les fonctionnaires chargés d’inscrire sur leur registre ces enfants de parents inconnus faisaient souvent montre d’un sens de l’humour douteux dès qu’il fallait leur donner un patronyme : c’est ainsi qu’on a trouvé des Arsène Nic, des François Donnez, des Jacques Bouton… Bref, si vous rencontrez quelqu’un qui porte un nom si ridicule que ça en devient un handicap, ne vous moquez pas de lui : c’est peut-être le descendant d’un orphelin et celui-ci a eu bien du mérite pour que sa lignée se poursuive jusqu’à aujourd’hui !
19h : Conférence de Kris sur l’alimentation dans la BD. Je suis un peu déçu qu’il n’y ait pas plus de monde, je pensais que mon article dans Côté Brest aurait plus d’impact : il est vrai qu’il fait déjà très chaud et que cette météo n’incite pas le public à s’enfermer pour écouter une conférence, fût-ce dans un restaurant ! Je comprends d’autant plus les gens que je suis vite mal à l’aise : pour faire face à la chaleur, j’ai mis un short et j’avais oublié à quel point il m’est désagréable d’avoir les genoux à l’air quand je suis en intérieur… De surcroît, Kris fait ses conférence d’une façon moins « formelle » que ce à quoi je suis accoutumé, faisant des pauses entre chaque partie et laissant même l’auditoire l’interrompre : je suis déstabilisé, d’autant qu’alors que je pensais en finir pour 20h, je suis encore là à 21h30… Tout ceci influe négativement sur mon humeur et je finis par perdre patience quand une fillette montre sa culotte : ma réaction impulsive la fait pleurer et sa mère exige que je m’excuse ! Si je m’étais conduit de la même façon que cette gamine au même âge, ça m’aurait valu une paire de baffes de ma mère… Je reconnais cependant que dans mon état normal, jamais je ne traiterais ainsi une petite fille !
10h : Il fait déjà très chaud et ce n’est pas la foule au marché : des militants distribuent des tracts sous un soleil de plomb et ne remportent qu’un succès mitigé. Parmi eux, Stéphane Roudaut, le maire de Gouesnou, qui tracte pour Larsonneur, le député macroniste sortant : je ne me rappelle plus du tout des circonstances dans lesquelles j’avais sympathisé avec lui, toujours est-il qu’il me reconnaît et je n’ose même pas refuser son tract. Je ne suis pas choqué qu’il fasse campagne pour la Macronie, je savais qu’il était de droite, mais je me demande quand même pourquoi il vient le faire dans mon quartier alors que ses concitoyens gouesnousiens auraient peut-être besoin de leur maire ! Dois-je croire qu’il y a carence de militants disponibles et, surtout, motivés ? En tout cas, quand je lis le tract, ça ne m’incite pas à changer de camp : son propos se résume à une diabolisation de la NUPES qui me rappelle ce qu’on disait déjà de la gauche de programme commun dans les années 1970 ! Quand je disais que la bourgeoisie n’évoluait pas…
13h15 : Pour faire face à la chaleur annoncée, je prends la route pour la plage de Sainte-Anne-du-Portzic : le bus qui part de Lambé va directement là-bas, c’est donc pratique. A bord du véhicule, je feuillette le dernier Fluide Glacial et vous savez quoi ? Je me fends la gueule ! Et oui, je ris de bon cœur, surtout en découvrant la chute de l’histoire de Geffroy et Supiot, à tel point que les deux jeunes femmes assises devant moi me regardent d’un drôle d’air… Je ne dois pas être normal, je n’arrive pas à mépriser les auteurs du Fluide d’aujourd’hui ! Au contraire, j’apprécie à peu près tout ! Bon, je ne dis pas, il y a bien la chronique de Thomas Bernard qui me gonfle, mais pas plus que les articles où le vieux Frémion essayait d’être drôle, et je ne suis pas non plus follement enthousiasmé par la série de Bernstein sur la variété française, pour la bonne raison que j’abhorre ce genre musical… Mais sur 84 pages, c’est vraiment un détail ! Tant pis pour les nostalgiques, ils ne pourront pas me recruter…
Samedi 18 juin
14h30 : Bref passage en ville pour faire don de quelques vieux livres au Secours Populaire et récupérer mon chèque sur les livres vendus à la foire aux livres organisée par Dialogues : chemin faisant, je retrouve un ancien collègue de lycée que je n’ai pas revu depuis longtemps. Comme il ne vient que rarement à Brest, je n’ose pas refuser son invitation à boire un verre avec lui avant de reprendre ma route, mais je me rappelle vite que, face à ce garçon, je n’ai jamais pu me débarrasser de l’impression d’être jugé ; ce sentiment est malheureusement confirmé par sa réaction quand je lui montre ma carte de visite : il me rit au nez quand il découvre que je m’arroge le titre de « professeur d’histoire de la bande dessinée francophone » ; il est vrai que je n’ai jamais été que chargé de cours et que le titre de professeur est un grade bien spécifique auquel je ne peux prétendre, mais je n’ai justement pas voulu encombrer ma carte de visite, qui est déjà bien assez pleine comme ça, de telles subtilités, toujours un peu obscures pour le grand public. Voilà ce que j’aurais dû lui répondre mais, comme toujours quand je me sens mis en accusation, ma répartie me laisse en plan… « Plus je vieillis et plus je trouve qu’on ne peut vivre qu’avec les être qui vous libèrent, et qui vous aiment d’une affection aussi légère à porter que forte à éprouver » écrivait en son temps Albert Camus à René Char : je viens d’avoir la confirmation de cette citation !