11h : Je sors voter sous une pluie battante : je suis rapidement trempé comme une soupe et le scrutateur se moque de mes lunettes embuées… Si l’abstention est forte (et ça semble parti pour), il ne faudra pas demander pourquoi !
21h30 : N’y tenant plus, je m’enquiers du résultat des élections… Je voudrais me réjouir de voir Macron perdre la majorité absolue et la gauche revenir sur le devant de la scène, mais je n’arrive à oublier ni le score du RN ni le taux d’abstention. Pour ne rien arranger, le candidat pour lequel j’ai voté a été battu d’une courte tête par le député macroniste sortant… C’était bien la peine que je me mouille la couenne ! Enfin bref : seuls les plus civiques (ou les plus masos) sont allés voter, Macron ne récolte que ce qu’il a semé, qu’il se débrouille avec ça ! Il n’y aura plus d’élections avant 2026, à part les européennes dont tout le monde se fout : d’ici là, qu’on me fiche la paix ! Désormais, je penserai davantage aux bikinis des filles qu’aux écharpes des élus et aux apéros entre amis plutôt qu’aux engueulades entre députés ! Et je ne serai sûrement pas le seul, surtout à l’issue de ces deux années où nous avons été privés d’à peu près tout…
Lundi 20 juin
9h30 : Je fais trois choses que je déteste particulièrement : prendre le car, aller à Quimper et me rendre à une réunion. Mais je n’ai pas le choix : je n’ai trouvé ni co-voiturage ni TER à un horaire convenable, la préfecture du Finistère est la ville où a lieu traditionnellement l’AG du laboratoire auquel je suis rattaché, par respect pour les deux équipes qui composent le labo, respectivement basées à Brest et à Lorient, et je dois être présent pour défendre un projet important. Bref, pour toutes ces raisons, j’entreprends ce trajet peu intéressant dont je ne retiendrai que la vue d’un lièvre sautillant dans un champ ! Encore heureux que les voyages en car sont redevenus à peu près supportables depuis la levée de l’obligation du port du masque…
10h50 : Arrivé à Quimper, je cherche à un endroit pour m’asseoir en face de la gare, espérant faire un croquis du bâtiment avant de rejoindre le lieu de l’AG qui ne commence que dans trois heures. Peine perdue : il n’y a que le banc de l’arrêt de bus qui tourne le dos à la gare ou les terrasses des cafés qui lui font face. N’ayant aucune envie d’engraisser les bistrotiers quimpérois, je pose mes fesses, en désespoir de cause, sur l’excroissance qui tient lieu de banc le long de la façade de la gare : je n’ai en face de moi que la vision déprimante du parking… Je renonce à tout projet graphique et j’engloutis tout de suite le casse-croûte que j’avais emporté.
12h20 : J’arrive au pôle universitaire : j’espérais me trouver un coin tranquille pour lire ou crobarder en attendant le début de l’AG, mais je suis tout de suite repéré par les deux secrétaires du labo. Car oui, la plupart de mes collègues étaient là depuis ce matin pour un point sur les publications auquel j’avais préféré ne pas assister et, bien entendu, ce n’est toujours pas fini ! Puisque nos deux fidèles secrétaires m’ont vu, autant rejoindre mes camarades tout de suite : les retrouvailles sont agréables et me sont une belle récompense à l’issue de ce voyage désagréable, surtout après tous ces mois sans se voir autrement que derrière des masques hideux…
12h45 : Mes collègues déjeunent. Je leur tiens compagnie mais n’ai pas faim; je refuse même les plateaux qu’on me tend gentiment : pour ne pas me borner à tenir la chandelle, j’exécute quelques croquis sur le vif. Encore une fois, ma passion du dessin m’aide à garder une contenance en société malgré mon décalage : d’autiste, je (re)deviens artiste.
17h : C’est fini, ouf ! Et j’ai eu la confirmation que mon projet de journée d’étude sur Cavanna était bien inscrit dans le programme du labo. Le bilan est donc positif, d’autant que je suis quand même content d’avoir revu mes collègues chercheurs qui me considèrent comme leur égal, surtout après la séance d’humiliation qu’un ex-camarade de lycée m’a imposée samedi… Après un petit verre de jus de fruit pour se remettre de ces trois heures dans une salle où on crevait de chaud, je reprends la route pour Brest, cette fois dans la voiture d’un collègue qui a accepté de me co-voiturer ainsi qu’un autre passager, un jeune doctorant arrivé en Finistère il n’y a même pas deux semaines et originaire… De Djibouti ! Il doit être dépaysé : il n’arrête pas de prendre des photos… Si je le revois, il faudra que je pense à lui montrer cette planche de Reiser dessinée peu après l’indépendance de Djibouti dans laquelle il incitait ce petit pays sans ressources à devenir le Las Vegas de l’Afrique !
Mardi 21 juin
10h : Visite à ma prof d’espagnol de prépa ; la visite est quelque peu mélancolique car nous parlons surtout de ses collègues qui partent en retraite et que j’ai moi-même eus comme professeurs… Evidemment, ça ne me rajeunit pas ! Mais comment leur en vouloir de partir : depuis leur début de leur carrière, l’éducation nationale a évolué dans un sens qui ne doit pas leur plaire… Mon hôtesse me parle aussi de son projet de vacances dans le Sud-ouest, dans un coin qui n’a pas élu de député RN : ce sera la seule allusion aux élections que j’aurai entendues depuis des semaines ! Honnêtement, elle m’aura suffi…
17h : Sur la route du cours du soir, je me saisis du dernier Côté Brest avec, bien sûr, ma page histoire. Mais je lis aussi les autres articles et je découvre (sans être trop surpris, je dois bien le dire) qu’on n’a pas fini de repousser les limites de la bêtise… Quand je tombe sur un papier intitulé « Embouteillage sur la Nationale 12 », je pense spontanément qu’il va y être question d’un authentique embouteillage qui a dû agacer sérieusement bon nombre d’automobilistes… Mais non ! Il s’agit d’une RECONSTITUTION d’embouteillage à l’occasion d’un rassemblement de vieilles voitures ! Les organisateurs proposent de se replonger dans l’ambiance des départs en vacances des années 1970 : je me suis longtemps demandé s’il se trouverait un jour quelqu’un d’assez con pour pousser la nostalgie de l’enfance jusqu’à s’imposer volontairement une épreuve désagréable voire insupportable sous prétexte qu’elle lui rappellerait le temps où il était encore trop petit pour être à l’abri des torgnoles de ses parents ; la réponse à oui ! Puisqu’ils sont si nostalgiques des seventies, ils n’ont qu’à inviter d’anciens bourreaux de Pinochet pour leur arracher les couilles, tant qu’ils y sont !
Dans une autre ordre d’idées, à la page santé, une semaine après la publication de l’étude selon laquelle faire la grasse matinée serait mauvais pour la santé, on nous dit que l’heure idéale pour prendre le petit déjeuner serait… 11 heures ! Il faudrait savoir, à la fin ! Mais cette contradiction des chercheurs n’est rien en comparaison de cette connerie monumentale que m’apprend un entrefilet : des enfants auraient les dents gâtées dès leur plus jeune âge parce qu’on leur donne des sodas ou des jus de fruits bourrés de sucre DANS LEUR BIBERON ! Je me souviens que dans l’excellent ouvrage d’Annie Pastor, Les pubs que nous ne verrez plus jamais, on voyait, entre autres, des réclames pour une célèbre boisson à base de cola qui incitaient à en faire boire aux bébés : apparemment, ces pubs n’ont même plus besoin d’exister pour que les gens leur obéissent quand même ! La société a dépassé la publicitaire en connerie…
10h : Après une jeudi sans histoire, je vais faire quelques emplettes et ça se passe vite assez mal : à la poste, on me fait passer derrière une personne qui était arrivée après moi et je n’ose pas protester dans ce ce bureau où je ne suis pas en odeur de sainteté – je ne serais d’ailleurs pas étonné que cette injustice soit destinée à me faire payer la dernière fois où j’avais perdu patience face aux postières… A la pharmacie, ce n’est pas mieux : sur trois comptoirs, il n’y en a qu’un d’ouvert, et il est occupé par une cliente qui papote avec le commerçant… Je souffle à peine à la boulangerie où on me sert presque à la sauvette pendant qu’une grosse truie monopolise les vendeuses pour choisir ses sandwiches, et à la supérette, un vieux poivrot traîne à payer sa bouteille de vinasse en plastique (je le trouverai ensuite sirotant sa boutanche le cul à l’air en pleine rue), épuisant les dernières ressources de ma patience… Bref, au marché, quand je fais la queue devant le stand de la fromagère, il ne faut plus qu’une étincelle pour que j’explose : elle est allumée par un chien qui aboie et fait sursauter tout le monde ! Je craque et je hurle « Mais p*****, ta g*****, c** de chien ! » Bon, d’accord, je suis encore passé pour un monstre en public, mais quitte à ce que j’explose, il vaut mieux que j’engueule un chien plutôt qu’un humain, non ? Et que monsieur Bougrain-Dubourg se rassure (la mère Bardot, je m’en fiche), je ne suis pas allé jusqu’à lui donner un coup de pied, même si ça me démangeait…