Emma marche sur la plage, elle a eu besoin de sortir prendre l’air et remettre de l’ordre dans ses pensées. Olivier a raison, il serait temps qu’elle grandisse et qu’elle arrête de se comporter comme une gamine face à Sophie, il ne faudrait pas renverser les rôles ! Olivier et elle, c’est une belle histoire et ses hésitations sont en train de tout détruire. Ils se sont connus au lycée puis perdus de vue comme beaucoup de jeunes, chacun allant son chemin, puis il y a eu ce fameux jour…elle revit ses souvenirs comme un film qui défilerait devant ses yeux.
Au volant de son bolide, Emma
fonçait à travers la ville. Elle aimait la sensation de puissance de sa MG et aspirait
goulûment le vent qui lui fouettait le visage et s’engouffrait dans ses
cheveux. Cette voiture, c’était son cadeau pour son cinquantième anniversaire,
une belle carrosserie aux lignes arrondies, tout comme elle avait plaisanté son
époux. Elle sourit à cette pensée et rit aux éclats en repensant à la tête de
ses enfants quand la voiture avait été amenée devant le perron de leur maison…Cette
journée était splendide et elle en profitait pleinement. Voyant une vieille
dame attendre au bord d’un passage piéton, elle avait ralenti dans le but de la
laisser traverser. Alors qu’elle s’arrêtait, de violents coups de klaxons avaient
retentis derrière elle. Un homme semblait énervé par sa courtoisie et lui
lançait des signes injurieux qui montraient son agacement. Elle avait décidé d’ignorer
cette agressivité latente, avait redémarré et soudain manqué de se planter dans
le décor, surprise par la queue de poisson du conducteur impatient. La moutarde
lui était montée au nez et elle s’était mise à le poursuivre pour piler
derrière lui au prochain feu rouge. Elle avait klaxonné à son tour en lui
criant qu’il était un fou dangereux, ce à quoi il avait répondu en lui faisant
un geste obscène. De rage, elle avait enclenché sa première et foncé dans la voiture!
Le pare-choc de sa MG avait provoqué un désastre à l’autre voiture. L’homme était
sorti comme un diable de sa cage et lui avait hurlé dessus. Calme et
imperturbable, elle n’avait pas bronché. A ce moment, la vieille dame qu’elle
avait laissée passer était arrivée et avait brandi sa canne face à ce malotru.
- C’est vous qui êtes dangereux,
des types comme vous, il faudrait leur retirer le permis, la petite dame a eu
raison, j’aurais fait de même et pire si je ne me retenais pas.
L’homme, étonnamment, était
remonté dans sa voiture et était parti laissant Emma éberluée de s’en tirer à
si bon compte. Une place se libérant, elle avait parqué sa voiture et s’était
affalée sur une chaise de la terrasse d’un café, les jambes encore flageolantes
- Tu n’as pas changé, toujours la
même, fougueuse et impétueuse !
Elle s’était tournée vers la
personne qui avait prononcé ces paroles.
- Olivier, toi !
Et c’est ainsi que leur histoire
avait débuté, par une rencontre fortuite. Ils s’étaient revus pour des lunchs,
avaient partagé idées et lectures et leur amitié, mise en veilleuse pendant 30
ans, s’était ravivée. Insidieusement, des sentiments différents s’étaient
glissés dans sa tête et son cœur. Elle avait commencé à attendre des signes, à
guetter son nom dans la messagerie, à vouloir entendre sa voix, à se demander
le matin s’il aimerait sa tenue, bref, elle tombait amoureuse. Honteuse d’un
tel sentiment à son âge et dans sa situation, elle le cachait à tout le monde
et surtout à lui jusqu’au jour où elle ne sait pourquoi, elle le lui avait dit.
Crac d’un coup, elle avait prononcé les paroles qui l’étouffaient ! Ouf,
quel bien cela lui avait fait mais vu la tête qu’il avait tiré, elle s’en
mordait déjà les doigts se traitant de folle, de midinette sur le tard et de
veille croûte qui fantasmait.