EN LANGUES D'OCRE (Extrait)
Les vagues, de plus en plus douces, se resserrent
de l'une à l'autre.
Elles rasent le sol incertain.
N'en finissent plus d'inventer le rivage
et sa métamorphose.
Seul et tout seul,
et plus aucune présence à croiser à hauteur d'homme.
Mais la colonie là-bas, ailes rabattues,
le monde de l'autre en centaines
qui picorent les libertés à fleur d'eau.
Comme dans l'approche
des sommets de montagne,
je suis le contour et ses périphéries.
Le mot enfin, lèvres muettes,
se perd à l'instant
au milieu des oiseaux de mer.
En rassemblement bref, ils s'adonnent à la vie furtive.
Comme des jours à chanter, je récite des yeux
la mouette rieuse du bout,
le bécasseau sanderling,
le tournepierre à collier qui soulève du bec
les algues et les cailloux,
l'huîtrier-pie qui fore le gisement précaire.
Tous ceux-là qui vont, pas à pas,
semblant ébruiter des promesses.
Quand je m'approche, ils se soulèvent
puis selon une loi indéfinissable,
ils se déplacent en groupes ;
quelques mètres plus loin
pour tracer leur nouvelle aire nomade.
Exercice savant
des encablures de prudence.
Dominique Sorrente, "En langues d'ocre" in Ici ne tient jamais en place, Peintures Anne Slacik, Voix d'encre, 2022, pp.39, 40,41, 42, 44
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