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Claudine Bohi | Un couteau dans la tête

Publié le 24 octobre 2022 par Angèle Paoli

<<Poésie d'un jour

Ce cocon plein de blanc

Aquatinte de →  G.AdC

 " il ouvre la blessure " 

loin des champs de bataille
le sang encore se fige

jailli de leurs tranchées
le couteau a passé

de main en main
de mot en mot

il a creusé profond

et d’une lèvre à l’autre
il ouvre la blessure

venue de loin si vieille
et toujours renaissant

elle a cinq ans de boucles blondes
et de caresses

un soir d’hiver
où il ne neigeait pas

simplement froid dessus
jusqu’à fendre les pierres

elle s’en souvient encore

elle a mal à son père
elle a froid à son père

il est parti si loin
il est parti partout

un soir d’hiver
où il ne neigeait pas

il est parti loin de la mère
il l’abandonne avec

la petite fille est seule

le couteau lui fait mal
ne sait où il se plante

elle ne sait d’où il vient
elle ne sait ce qu’il est

depuis longtemps il tranche
il fait des trous partout

de blessure en blessure
il fait ses ricochets

un soir d’hiver
où il ne neigeait pas

le couteau du grand-père
qu’elle n’avait jamais vu

un soir d’hiver
est venu le grand-père

un soir d’hiver
où il ne neigeait pas

c’est dans sa tête petite
que tombe alors la neige

un grand brouillard tout blanc

un soir d’hiver
où le couteau passa

tout ce brouillard en elle
ce cocon plein de blanc

ce cocon de silence
qui est assourdissant

Couteau

Claudine Bohi, Un couteau dans la tête, Poème, Dessins de Magali Latil, L’herbe qui tremble,2022, pp.28, 29, 30, 31.

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   C L A U D I N E    B O H I

CLAUDINE BOHI(1)

Source
■ Claudine Bohi
sur Terres de femmes ▼


→ 
[brouillard n’est pas absence] (poème extrait d’Éloge du brouillard)
→ Secret de la neige (poème extrait de L’Enfant de neige)
→ [Duels de lumière] (poème extrait de La plus mendiante)

→ Le funambule sans son fil (poème extrait de Même pas)
→ Mère la seule (lecture d’Isabelle Lévesque)
→ [je laisse tomber le mot maman] (poème extrait de Mère la seule)
→ L’invisible (poème extrait de Mettre au monde)
→ Naître c’est longtemps (lecture d’AP)
→ Naître c’est longtemps (lecture de Philippe Leuckx)
→ Corps levé (poème extrait de Naître c’est longtemps)
→ [L’eau son puits étrange] (poème extrait d’On serre les mots)
→ [à force de mots sur la peau] (poème extrait de Parler c’est caresser un corps)
→ [La raison sort toujours de l’irrationnel] (poème extrait de Rêver réel)
→ Une lumière de terre (poème extrait d’Une saison de neige avec thé)
→ Claudine Bohi | Philippe Bouret, Cet enfant sans mot qui te commence (lecture d'AP)
→ Claudine Bohi | Olivier Gouéry [Voici donc le matin]
→ (dans l’anthologie Terres de femmes) si ce n’est pas trembler
■ Voir aussi ▼
→ (dans la poéthèque du site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Claudine Bohi
→ Claudine Bohi  /  Anne Slacik,  Regarde, Collections Papier d’Art, Éditions L’herbe qui tremble, 2022


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