[jaserie littéraire] mon challenge interallié

Publié le 29 octobre 2022 par Tilly

où il sera question de : Que reviennent ceux qui sont loin de Pierre Adrian, La petite menteuse de Pascale Robert-Diard, Roman fleuve de Philibert Humm, Le mage du Kremlin de Guiliano da Empoli, La vie la plus douce de Fabrice Gaignault, et aussi de Le colonel ne dort pas d'Emilienne Malfatto

Pas vraiment un challenge puisque j'en suis l'unique challengeuse... sauf si vous avez le temps de lire cinq excellents romans de la rentrée littéraire d'ici au 8 novembre. À vos lunettes !
À cette heure-ci (samedi 29 octobre, circa 18:00) il ne m'en reste qu'un seul à lire, je devrais donc pouvoir très vite conforter et annoncer mon choix personnel pour le prix Interallié 2022 qui sera proclamé le mercredi 9 novembre chez Lasserre.

Je ne suis pas très rentrée littéraire, prix Goncourt, Renaudot, Médicis, Femina tout ça, mais celui-ci, l'Interallié de cette année, me parle !
Il a pour moi plusieurs particularités et avantages :
— pas de dotation (le lauréat ne sera peut-être pas de mon avis)
— un président que je trouve atypique et sympathique : Philippe Tesson (même réserve que ci-dessus)
— des éditeurs variés, mêlant les gros/grands et les indépendants
— une sélection dont les cinq titres sont littéralement très beaux (surtout les trois premiers) ; mon quinté : 1. et 2. ex-æquo Que reviennent ceux qui sont loin et Roman fleuve, 3. La vie la plus douce, 4. Le mage du Kremlin, 5. La petite menteuse
— en avoir lu plusieurs (trois sur cinq) dès cet été, par le plus grand des hasards (ou peut-être pas) : Le mage du Kremlin, Le colonel ne dort pas (recalé par la dernière sélection, à mon regret ; en plus cela aurait amélioré le ratio auteurs/auteures), et Roman fleuve.

Je fais ci-après la revue des cinq romans candidats (et un recalé en bonus) et donne pour chacun un court avis de lecture.

Que reviennent ceux qui sont loin,lien Pierre Adrian

introspectif, tendre et subtil : un jeune homme revient sur le lieu de ses  grandes vacances d'enfant en Bretagne ; le temps d'un mois d'août ensoleillé il replonge dans l'ambiance familiale de la grande maison en bord de plage ; pour lui, sans charge de famille encore, ce sera le moment de bascule irréversible vers l'âge adulte, la prise de conscience du vieillissement des aînés, du sien, celui aussi des lieux, des objets, et des rituels de tribu concentrés sur un mois à la mer pendant des années.

La petite menteuse,lien Pascale Robert-Diard

sujet très actuel : le viol, le harcèlement, le consentement, la parole de la victime ; sous forme de roman judiciaire et sociétal dont le personnage principal est une avocate cinquantenaire qui représente la victime au procès en appel de son violeur (emprisonné, il clame toujours son innocence) pour des faits cinq ans auparavant quand la jeune fille avait quinze ans ; tout démarre de façon classique jusqu'à ce que la jeune femme revienne soudain sur ses dépositions lors de l'enquête et sur sa plainte ; l'avocate va s'attacher à protéger sa cliente, devenue la "petite salope",  des revirements brutaux de celles et ceux qui l'avaient crue en première instance (parents, professeurs, témoins, juge) en tentant d'expliquer et comprendre : "on n'est pas coupable quand on ment à quinze ans" ; roman efficace, style  franc sans fioritures, et encore la Bretagne en décor ! une bonne base pour un scénario cinéma ou théâtre, mais moins littéraire que les autres postulants au prix
(je venais de terminer V13 d'Emmanuel Carrère, le plaidoyer pour la petite menteuse m'a paru un peu faible et convenu à côté)

Roman fleuve,lien Philibert Humm

un hommage subliminal à Trois hommes dans un bateau ; une expédition pour de vrai à la rame (en fait, pagaie) de Paris à Honfleur ; sur le Bateau (nom de baptême du canot qui aurait appartenu à Véronique Sanson, mais si !), devinez-qui ? Pierre Adrian lui-même, en personnage du roman de son copain (à l'inverse Philibert Humm n'apparaît pas dans le roman d'Adrian) ; humour fou, intelligence pétillante, fantaisie, érudition et décontraction ! j'en reparlerai, même si il n'obtient pas le prix

Le mage du Kremlin,lien Giuliano da Empoli

tout le monde en parle... ça me donne un alibi pour ne pas le faire, car j'ai laissé mes notes dans l'exemplaire que j'ai prêté (quand je fais lire c'est que j'ai aimé) ; mais dès que je le récupère, je le relis ! il a déjà reçu le prix du roman de l'Académie Française, il est toujours en lice pour le Goncourt ou le Renaudot ; cela me réjouit et me fait espérer que Humm et Adrian ont ainsi un concurrent affaibli par le poids des récompenses potentielles  !!!

La vie la plus douce,lien Fabrice Gaignault

pas encore lu (commandé en librairie)

Le colonel ne dort pas,lien Emilienne Malfatto

— faisait partie de la première sélection pour le prix Interallié, mais pas de la seconde, hélas
lu pour le comité hors champ (Notes bibliographiques, association Culture et Bibliothèques pour tous) ; un coup de poing au plexus ; voici l'analyse que j'avais écrite pour le site des Noteslien (abonnement requis) :

Une ville assiégée, le fracas d’une guerre, des ruines, la pluie, la boue. L’homme gris, silencieux et distant, qui vient présenter sa lettre de mission au Général de l’armée de reconquête du pays, est un spécialiste, un virtuose. Le Colonel est venu pour faire son travail : torturer les prisonniers, les faire parler. Peu à peu l’offensive s’enlise, le Général sombre dans la folie, le Colonel ne dort plus : chaque soir les fantômes de ses victimes viennent le hanter.
Emilienne Malfatto pouvait se contenter des nombreux prix internationaux obtenus pour ses reportages journalistiques et ses photos. Lorsque la jeune femme se met à l’écriture, son premier roman est aussitôt remarqué (Que sur toi se lamente le tigre, Goncourt du premier roman 2021). Après un essai d’investigation (Les serpents viendront pour toi, prix Albert-Londres 2021), cette seconde fiction confirme son talent et justifie l’intérêt que lui portent les éditeurs qui se sont disputé la publication de ce conte philosophique et politique glaçant. Chaque chapitre commence par un poème en prose sans ponctuation dans lequel le Colonel analyse son incapacité à dormir, son angoisse à laisser venir le sommeil et à accepter les cauchemars et les souvenirs de ceux qu’il a « interrogés ». L’horreur de la torture n’est jamais décrite matériellement, mais suggérée de telle façon qu’elle s’imprime dans la conscience du lecteur et ne le quitte pas. Tragiquement beau, magistral. (T.R. et J.G.)

Mes engagements ultérieurs dans ce self-challenge sont :
— compléter cet article d'ici le 8 novembre au soir, avec : un avis de lecture sur La vie la plus douce que je n'ai pas encore lu, la déclaration officielle (non, mais) de mon choix définitif avant (évidemment) la déclaration de Tesson père
— compléter cet article le 9 novembre avec le choix du jury Interallié, quel qu'il soit
— écrire et publier une note de lecture de Roman fleuve
— écrire et publier une note de lecture de Que reviennent ceux qui sont loin
(bon,  là je dévoile un peu mes préférés mais La vie la plus douce peut encore se révéler en outsider, suspense !)

Stay tuned!