Drieu la Rochelle a le génie de se rendre insupportable. Centré sur lui-même, il tient à vous convaincre qu'il tient à vous. Il se plaint des femmes et badine avec Geneviève. Très agressif, il cible continuellement les juifs; et ne dort plus depuis que " sa femme N°1 " est retenue à Drancy.
Anne-Laure l'interroge sur Colette Jéramec, qui vient d'être internée avec ses deux enfants ( avril-mai 1943). Devenue médecin pédiatre, elle travaille comme chercheur à l'Institut Pasteur avec le professeur Legroux, bactériologiste. Son troisième époux, père de ses deux garçons, est Paul Tcherniakovsky qui travaille à la faculté des sciences. Elle refuse de porter l'étoile jaune.
Colette JeramecDrieu, ami d'Otto Abetz, est aussitôt prévenu. Abetz est absent, pour le remplacer Rudolf Schleier, très impliqué dans la déportation des juifs, que Drieu méprise... Cependant, il va tout faire, mobiliser chacun pour intervenir; et finalement la faire libérer, le 25 mai, la veille de son transfert vers Auschwitz.
Drieu est allé la voir au camp d'internement établi dans un grand ensemble de logements en construction, à Drancy, une banlieue ouvrière. Il décrit les barres d'immeubles, la cour fermée de barbelés, le parloir, la misérable apparence de Colette... Mais c'est lui que l'on doit plaindre: d'avoir été forcé à voir ça !
Il ne peut s'empêcher d'ajouter qu'il la trouve insupportable, " aux manières petites-bourgeoises, terriblement scientiste, et surtout, surtout pas artiste pour deux sous, sans humour. "
En décembre 1943, Eugène Wollman ( bactériologiste) et sa femme Elisabeth ( biologiste) sont tous deux transférés à Drancy, puis déportés à Auschwitz par le convoi 63, ils seront assassinés à leur arrivée.
Appuyé par Paul Langevin, en résidence surveillée à Troyes, Frédéric Joliot est élu à l'académie des sciences, en juin 1943. La question se pose pour certains : s'agit-il d'une compromission avec Vichy, ou de la victoire d'un camp opposé à Vichy ? Est-il vrai que Joliot est en négociation avec des industriels et envisage la réalisation d'une usine centrale produisant jour et nuit une puissance électrique de 300.000 kW avec consommation annuelle d'une tonne d'uranium ? A moins qu'il ne s'agisse que d'un projet pour les '' jours d'après'' ?
Joliot précise que son travail, en relation avec l'occupant " concerne principalement la technique du cyclotron et la radioactivité artificielle. " et n'a aucun rapport direct ou indirect avec la guerre ; refusant toute participation à l'effort de guerre allemand.
Irène Joliot-Curie part en Suisse, pour soigner sa tuberculose. Elle obtient avec l'aide de Gentner les autorisations de Vichy.
La comtesse de Sallembier rejoint Duhamel, pour intervenir auprès de Brinon, et obtenir la libération de Béatrice de Camondo et de son mari, le compositeur Léon Reinach, arrêté parce que trahi par son passeur alors qu'il tentait de rejoindre l'Espagne. Anne-Laure avait suivi la conversion de Béatrice au catholicisme, ne s'étant jamais sentie de confession juive... Ils feront partie du convoi 62, avec 1200 personnes conduites vers la mort à Auschwitz.
Il fallait s'en douter ! Anne-Laure partage à Lancelot le souci que lui a confié Geneviève T. Un officier allemand se montre très empressé auprès d'elle pour l'inviter, et la voir seule...
Les ''légionnaires '' de la Révolution Nationale sont devenus '' La Milice '' ( janvier 1943) et se mettent au service de la Waffen SS ; Laval en est le chef, avec Joseph Darnand pour adjoint.
Un professeur de philosophie au lycée Condorcet, Jean-Paul Sartre, publie un essai philosophique " L'Etre et le Néant", et Marcel Aymé, un roman '' Le Passe-Muraille", puis le conte " La Patte du chat" dans l'hebdomadaire " Je suis partout".
Jacques Bergier qui passe à Paris régulièrement sous une fausse identité ( Jacques Verne) , informe de l'arrestation du chimiste André Helbronner chez lequel il avait travaillé , le 7 juin 1943 à Lyon, sur dénonciation d'un milicien (français) dénommé Plouvier travaillant pour la gestapo de Klaus Barbie. Il mourra en mars 1944 au KZ Buchenwald.
Jean-Paul Sartre et Simone de BeauvoirUn ami, raconte avec entrain sa soirée en petit comité de la représentation d'une pièce de Sartre '' Les Mouches '' au Théâtre de la Cité : une pièce, bien-sûr à visée philosophique. Sartre nous disait qu'il voulait s'opposer à la religion du repentir qui avait cours, suite à ''la défaite'' , Jupiter est ''le roi des mouches''. Comme Oreste, nous ne devons pas nous demander si nous sommes libres, nous devons prendre conscience que nous le sommes, nos actes sont de notre responsabilité. Le cadre mythique de la pièce, nous indique l'absolu de la liberté. Oreste tue sa mère, la reine Clytemnestre et son amant ( assassin de son père) ; et se déclarant responsable de son crime, il se libère de son destin. Cet acte engage alors tout le peuple d'Argos, à qui, Oreste révèle, qu'il est libre. Cette pièce n'aura sans-doute aucun succès, dans notre contexte d'occupation ; pourtant... ! Le jeune Albert Camus était présent, il l'a félicité et sans-doute remercié pour l'article de Sartre sur L'Etranger.