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D'autres révélations

Publié le 11 novembre 2022 par Jlk
315171047_10230271150989541_2022763495409000748_n.jpg(Le Temps accordé, lectures du monde 2022) À la Maison bleue, ce vendredi 11 novembre. – Hier m’est arrivé, par la poste, un tout petit paquet envoyé de je ne sais quel bled de France profonde, dans lequel se trouvait le tout petit livre de Grégory Rateau que j’ai préfacé, et passée la surprise le format de ce recueil d’Imprécations nocturnes et sa couverture comme dorée à la feuille m’ont paru parfaits, comme d’un bréviaire libertaire à emporter dans sa poche revolver; et relisant ma préface il m’a semblé que ce que j’y disais n’était pas moins dans la juste tonalité. 315274219_10230271150709534_8958901590505776257_n.jpgAussi ce que je me dis ce matin, revenu à La Haine des oiseaux de mon ami Quentin, qui m’a pour ainsi dire dicté mes contrerimes du lever du jour, je me dis que, décidément, ce qu’on appelle la poésie n’est pas ce qu’en disent les poéticiens et autres théoriciennes. Mais qu’en sais-je ? À vrai dire seuls les poèmes le savent, qui me viennent je ne sais comment…Ceci donnant cela :Ne parlons pas de la guerre... «Ce soirAucun semblableNe se ressemble plus». (Quentin Mouron, La haine des Oiseaux) Ils font semblant de faire semblantet cet eux, ce sont nous:il n’y a plus d’île qui fasse,les confins effondrésvous ont rejetés dans les nassesde ce vivre-ensemble facticedont vous vous repaissez...Le prix de l’eau va remonter,ou la nuit régnerasur la ville assiégée de partout;tu ouvriras les brasoù se jetteront des zombies;tu te feras l’amour,et les momies de la télémordront à tes appâts...Tout est lié, jolie pianiste:tes doigts sur le clavierdu lanceur d’élégants missilesdonnent aux imbécilesle droit de t’aduler à mort -tu diras protester,mais les violents l’emporteront MORTS ET VIVANTS. – J’en reviens sans cesse à la parole d’Euripide citée par Léon Chestov dans Les Révélations de la mort, mais ne sachant pas le grec ancien ni n'ayant la moindre idée du timbre de la voix de Chestov, je ne sais réellement ce que cela signifie, ou disons que je cherche à le convevoir, et vous pouvez en ricaner sur vos plateaux télé : « Qui sait, dit Euripide, il se peut que la vie soit la mort et que la mort soit la vie »…Or cela n’est pas d’un constat morbide qu’il s’agit, ni d’un paradoxe d’évitement de la réalité réelle : c’est une sorte de pari lancé à ce qui se voit ou qu’on croit voir, et c’est le fondement du doute et le tribut accordé à l’illusion féconde.Au miroir de ce soir, je te vois derrière moi, et bien entendu je doute même de ce que je redoute…Il va de soi que, tout ordinaire que je suis, je sache comme tout un chacun ce qu’est la vie, ayant vu la mort en diverses occasions, mon aïeule paternelle énorme comme posée sur le catafalque et le nez soudain exagéré pointant au ciel, et notre père ensuite en sa nudité christique oblitérée de cicatrices et d’ecchymoses, ou notre mère en jolie robe apprêtée derrière sa vitrine de la chapelle funéraire, et mon grand frère le forban , et mes amis aimés, mais pas un instant ne me lâche mon doute,pas un instant je ne conclus au néant de ces visages réduits en cendres, pas un instant je ne crois à la mort de mon amour en notre dernière nuit passée dans les bras l’un de l’autre - elle déjà voyant par delà notre temps accordé… Peinture: Thierry Vernet. Pp LK / JLK.

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