Chloé Bressan | Le transi des jours

Publié le 03 décembre 2022 par Angèle Paoli

E xistent des humains de même nature que
les monstres.
Ces monstres-gens des villes et des campagnes dans
l'air et l'infini leurs monstres-regards prennent
ce qui n'est pas à eux paroxysme leurs monstres-
mains arrachent la musique à chaque noyau de
beauté.
Dans l'air et l'infini ils-monstres mangent les enfants
recrachent leurs âmes indigestes pour leurs monstres-
panses au pied d'arbres qu'ils ne connaissent pas.

L'os du nombril. D'une pyramide. De l'arsenic.

Tactique et texture de forces vouées à la destruction
derrière le vernis des conventions les monstres-gens
actionnent l'os d'un coffre où pourrissent leurs
monstres croyances.

Ils-monstres ont pourtant l'air d'être comme tout
le monde.
Tellement comme.

Il y a l'os des grandes familles. Des réseaux routiers.
Des frontières.

" Mon fils, tu ne vas pas partir maintenant. "

C'est ça qu'elle dit la mère. Le fils a déjà fait son
sac, pris un peu d'argent c'est-à-dire tout. C'est sûr
qu'elle va dire ça la mère à qui on a tapé sur
les doigts pas six ans dans l'air et l'infini le père
n'était jamais là et encore il tapait sur les doigts de
la fille depuis le temps qu'il l'a pas vue.

Oui, La mère elle va dire ça dans l'air et l'infini
l'embrasure de la porte le soleil sur le buffet
de l'arrière-grand-mère.
Dans quel pays sommes-nous pour avoir le non-droit
de partir, quitter les ruines les labyrinthes de fous
dans l'air et l'infini les mères seules à nourrir
les bouches le père est parti mort inconnu le pays où
je vis est riche soi-disant et l'arrogance elle va dire ça
la mère vouloir encore tenir retenir le présent
se cristallise sur elle.

Dire à son fils qu'elle l'aime, peu de chance
de trouver une boulangerie ouverte.

L'os du fils passe par-dessus les morts dans l'air et
l'infini déplace la montagne pour aller là-bas.

Chloé Bressan, Le transi des jours, → Collection présent (im)parfait, 2022, pp.25,26,27.