"d'un côté la fille et de l'autre le garçon"
je lance mon corps en forêt, corps animal, ra-
massé sur chaque sensation, chaque élément,
chaque courant, des pensées extravagantes
sortent de ma tête, tu vois mon rêve de desc-
endre le ruisseau ? tu vois comment je fais
taire l'abandon ? et les deux points sur mon
mollet, les canines et ma crainte de mourir
de la rage ? alors tu vois mes chaos à venir et
ceux qui n'auront pas lieu, tu vois mon indi-
cible peur de l'orage et comment je m'applique
à compter les secondes qui m'en éloignent, tu
vois ma culotte, mon pantalon avec le ceintu-
ron, d'un côté la fille et de l'autre le garçon, tu
vois ce que je perds et ce qui s'éloigne
l'enfance est une empreinte que mon corps a
gardée, je me plie dans la boîte en carton d'une
panoplie de marquise qu'on m'offre pour mes
huit ans, dans le sillage des grands-mères qui
portent un tablier et le dessin d'une biquette,
quelques brins d'herbe de part et d'autre du
museau, je n'ai jamais vu ma grand-mère en
pantalon, elle travaillait aux champs, des bas
opaques clipsés comme des jarretières, tu vois
comme je monte à l'échelle ? pour prouver que
je peux...