Je rappelle que Frédéric Joliot et sa femme, Irène Curie ont mis en évidence avec d'autres ( allemands en particulier) la fission de l'uranium (1939) , c'est-à-dire l'éclatement du noyau de l'atome sous l'impact d'un neutron, avec un dégagement d'énergie considérable. Ils sont allés jusqu'à constater un phénomène qui déclenche une réaction en chaîne et, par là, la production d'énergie atomique. Pour ralentir cette réaction en chaîne, Joliot opte pour l'eau lourde.
En août 1943, Jean Bichelonne, secrétaire d'état, a invité Joliot " à reprendre immédiatement ses études sur la désintégration atomique, notamment par la recherche de la concentration de l'uranium 238 dans l'uranium naturel. " et des expériences " relatives à la production en chaînes explosives de l'uranium en vue de la construction de centrales thermiques. "
Lancelot apprend par le milieu scientifique, la réussite d'un sabotage norvégien, qui a eu lieu le 28 février 1943, dans une usine allemande en Norvège, qui fabrique l'eau lourde, nécessaire pour concevoir une bombe nucléaire avec de l'uranium non enrichi.
" Le bombardier stratosphérique voit les villes ''grosses comme l'ongle'' " c'est le titre d'un article d'une revue, qui explique la peur lors de tels bombardements. Dans la nuit du 21 avril 1944, 2000 bombes sont déversées sur Paris ; il y aurait plus de 600 morts. Le 26 avril, Pétain est à Paris, la première fois depuis juin 40, Une foule l'acclame et chante la Marseillaise ! ( interdite ). Le Petit Parisien du 27 avril 1944 titre : " Le Maréchal acclamé par le peuple de Paris " Lancelot s'interroge et se demande s'il ne s'agit pas de l'expression de la peur de la guerre totale... Et si les allemands répondaient par la guerre atomique ?
Avant de parler de la ''bombe atomique'', revenons à nos fondamentaux :
Einstein avait lu les philosophes, et s'en inspirait. Ainsi de David Hume ( Le traité de la nature humaine, 1740), l'homme est conditionné par ses perceptions, et prévient " corrélation n'est pas causalité ". Hume déclare superflu le concept de substance ; et avec Kant, Einstein retient l'intelligibilité du monde, et donc la nécessité de poser un cadre logique et la possibilité d'en changer. Tout en sachant que nous n'accéderons jamais à la ''chose en soi ''.
Pendant ses études, en marge de l'enseignement, il parcourt la thermodynamique ( macroscopique), la théorie cinématique des gaz ( microscopique), il se confronte aux contradictions de l'éther qui avec le concepts de champ présente une répartition continue de l'énergie électromagnétique ; alors que l'on se représente l'électricité de façon discontinue ( particules). Passant du macroscopique au microscopique, il rêve de réconcilier : électromagnétisme, thermodynamique, atomisme...
Ajoutons, c'est important, que si le mot ''relativité '' a été introduit par Poincaré, les idées correspondantes à la relativité restreinte étaient dans l'air du temps... N'oublions pas Hendrik Lorentz, qui supposait un éther immobile, milieu dans lequel se propage les ondes lumineuses.
Lorentz suppose un champ électromagnétique de l'éther, dans lequel les actions se propagent au plus à la vitesse de la lumière.
Pour de grandes vitesses, passant d'un référentiel à un autre, les vitesses ne s'additionnent pas ; aussi Lorentz introduit des équations ( transformations de Lorentz) qui considèrent une contraction des longueurs et une dilatation du temps lors du mouvement, dans le cadre d'un espace et d'un temps absolus... Il s'agirait donc de contraction ou de dilatation réelles...
Einstein élimine l'éther, et les notions de référentiel ou horloge absolu, et considère les différences de longueur comme des effets de perspective dans un espace-temps en quatre dimensions, et non des contractions réelles.
- En 1903, Einstein rejette la réalité de l'éther, et pose le principe de constance de la vitesse de la lumière, indépendamment du mouvement de sa source.
- Il ose : pourquoi ne pas donner au rayonnement, comme à la matière une structure discontinue ?
- En 1925, en observant le mouvement aléatoire des molécules en suspension (mouvement brownien), il contribue à fournir la preuve de l'existence physique des atomes.
- Il met en évidence la dualité onde-corpuscule de la lumière en 1909. Il introduit une nouvelle particule, le photon, un grain qui transporte de l'énergie par quanta et permet de découvrir l'effet photoélectrique.
Einstein reprenait un rapport de Max Planck, en attente depuis 1900, qui présentait l'action ( l'énergie : le produit de la force par le temps) non pas d'une façon continue, mais en grains. L'énergie de chaque grain est égale au produit de la fréquence de la lumière par la constante h de Planck.
Einstein s'intéresse à l'infiniment grand et à l'infiniment petit et rêve de faire la jonction. Mais, ce qui est en haut ne semble pas être comme ce qui est en bas ; pourtant l'univers est unique.
En ces années ''40'', la plus récente tentative d'unifier les lois de l'univers serait la '' mécanique ondulatoire '' publiée en 1924 par Louis de Broglie.
Lancelot se souvient d'une discussion qu'il a avait eu en Angleterre avec Alastair Denniston, un spécialiste de la cryptographie et un passionné de romans d'anticipation. Il avait évoqué un livre de H. G. Wells, '' The World Set Free '' qui avait été inspiré par les travaux de Soddy, le radio-chimiste anglais( Nobel en 1921) qu'il connaissait et lui avait expliqué comment l'uranium peut se désintégrer en radium, et les propriétés des isotopes. Soddy avait également toute une théorie sur une '' économie écologique '' basée sur les lois de la thermodynamique. Transdisciplinaire, cette théorie se veut être un guide des acteurs économiques pour préserver nos ressources en conciliant progrès social et gestion énergétique. Le rôle de l'Etat y est déterminant, régulateur de l'équilibre et le seul capable d'une vision à moyen et long terme.
Dans le livre de Wells (publié en 1914), sont annoncés la bombe atomique, la guerre atomique, la révolution énergétique ; et finalement un monde libéré. C'était 26 ans avant le projet Manhattan. Dans un premier temps Wells décrit comment l'énergie bon marché accélère le progrès technique de manière prodigieuse. Mais, les inégalités se creusent ; la société de consommation atteint son apogée et la fracture sociale aboutit à une désespérance généralisée.
L'humanité décrite par H.G. Wells est assoiffée de progrès, affamée d'énergie, surexploite ses ressources ; elle voit dans l'atome une source d'énergie infinie... Et un énorme potentiel militaire.
Wells évoque des relents de populisme, de nationalisme et de racisme, mais aussi de fondamentalisme religieux, autant d'obstacles à l'essor du monde vers une société plus égalitaire. Dans sa vision utopique d'un monde futur, l'individualisme cède la place au collectivisme. Il imagine aussi que la création d'un état mondial pourrait seul permettre de réguler l'utilisation de l'arme atomique.