" ton éclipse dans tes beaux habits de signifiant."
Tu es mon mot, mon pauvre mot de manège et de tournantes
impures, quand on a mal à son arbre, à l'écorce des bras
du dedans quand on serre contre soi des fantômes de silence
des plages entières où l'on se souvient d'avoir marché
avant d'être nommé.
Tu es mon mot d'avant le mot, c'est toi ce grand vent
qui déchire toutes les phrases, mon impuissance
à te contenir dans un seul souffle, un seul geste
rosier dans ma gorge d'enfant tombé dans le puits d'osier
pour ne jamais dormir les yeux fermés.
Tu es ma corde, mon échelle de Jacob, ma tour de babil
ma syllabe vêtue d'abîme, je te porte dans mon ventre
ou dans mes yeux, tu vas et viens dans mon corps
dans le flux de mes vies dont je sais ton éclipse à vif
sous ma peau, ton toucher d'horizon pour ne rien détruire.
Tu répares mes remords, puis mes doutes puis mes envies
tu m'accordes des réponses sans queue ni tête que je prends de
face pour des fenêtres, des ouvertures dans le ciel vers toi
ou dans la terre, entre les laves des corps et des rivières.
Tu es le mot qui dévore la vie et je tisse ta présence entre ceux
qui se sont endormis dans leur source, ce n'est pas moi qui
vient manger dans ta main, ce n'est personne, je suis juste une
vitre pour laisser passer ton cœur de verre, ton éclipse dans tes
beaux habits de signifiant. Quand je ne sais plus où poser mes
mains ni dans quelle direction aller, tu m'ouvres les yeux, tu
traduis en intervalle le parfum de mes épaules.
Dominique Sampiero, Inventaire du vide comme neige et fleurs non répertoriées , Éditions de Corlevour, 2023, pp.65,66,67.
Poèmes, préface d'Alain Borer, Revue